Après le rejet des motions de censure initiées par les partis de gauche, le Premier ministre envisage déjà la période suivant l’approbation des projets de loi de finances. Toutefois, il doit composer avec une Assemblée nationale en proie à de profondes divisions et un gouvernement où les désaccords internes sont fréquemment audibles, rendant la tâche complexe.
Après l’échec des motions de censure initiées par une partie de la gauche le mercredi 5 février, les projets de loi budgétaires semblent en bonne voie pour une adoption. François Bayrou se prépare désormais à naviguer à travers un ensemble de problématiques qui mettront à l’épreuve la stabilité de son gouvernement hétéroclite. Le Premier ministre, conscient des obstacles à surmonter sans majorité à l’Assemblée nationale, a récemment illustré la situation actuelle en disant : « En sortant de l’impasse budgétaire, on a installé le camp de base. Maintenant, il faut se lancer à l’attaque des huit sommets » de l’Himalaya.
François Bayrou et ses ministres doivent maintenant s’atteler à des dossiers clés comme l’immigration, la réforme des retraites, la question de la fin de vie et la réforme des modes de scrutin. Ils devront composer avec ces enjeux cruciaux si les tentatives de censure continuent de ne pas aboutir.
Immigration : une position controversée face au PS
Après avoir obtenu l’approbation budgétaire via des compromis qui ont évité une censure socialiste, François Bayrou oriente sa politique vers la droite, en affirmant vouloir satisfaire les attentes de « discipline et d’autorité » des citoyens. Le gouvernement a donné son appui à un projet de loi de la droite visant à renforcer les obstacles au droit du sol à Mayotte, sans cependant envisager d’appliquer ces restrictions sur le territoire métropolitain.
Par ailleurs, le Premier ministre souhaite restaurer le délit de séjour illégal et cette proposition déclenche de vives inquiétudes au PS. Ce dernier a prévu de présenter, le 19 février, une motion de censure pour protester contre la rhétorique de Bayrou sur la prétendue « submersion » migratoire.
Réforme des retraites : une consultation au résultat incertain
François Bayrou a relancé le débat sur la contestée réforme des retraites de 2023, qu’il a confié à une discussion ouverte par les partenaires sociaux, en maintenant l’équilibre financier du système, mais prêt à réexaminer l’âge de départ fixé à 64 ans. Il a promis de soumettre au Parlement un accord, même partiel, bien que ce projet soit rejeté par l’ensemble de la gauche et l’extrême droite.
Olivier Faure, leader du PS, a prévenu que le gouvernement pourrait faire face à une censure parlementaire si le dernier mot n’est pas donné au Parlement ou si une ruse est perçue. Une députée du camp présidentiel exprime ses inquiétudes suite à ce projet, estimant que le Premier ministre « pourrait chuter » sur ce terrain, et qualifie son approche d’« improvisation » menée depuis Matignon.
Fin de vie : un possible clivage législatif
François Bayrou souhaite séparer en deux le projet de loi à venir sur la fin de vie, distinguant les soins palliatifs de l’assistance active à mourir, pour permettre aux députés de se prononcer distinctement sur chaque volet. Cependant, cette stratégie n’est pas partagée par Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, et a provoqué des divergences au sein de ses propres rangs.
Olivier Falorni, député du MoDem et auteur d’une proposition sur le sujet, s’oppose fermement à cette scission, qu’il considère comme un « désistement caché ». Les membres de la convention citoyenne sur la fin de vie ont appelé le président de la République à intervenir pour clarifier cette question.
Scrutin proportionnel : un chantier encore indécis
François Bayrou est depuis longtemps un fervent défenseur de l’instauration de la proportionnelle dans les élections législatives. Bien des divergences demeurent sur le dosage à adopter et certains, notamment le Rassemblement national, estiment qu’elle devrait être accompagnée d’une prime majoritaire. Dès sa prise de fonctions à Matignon, Bayrou a exprimé le souhait de réautoriser le cumul des mandats locaux pour les parlementaires, bien que cela ait suscité des critiques, d’autant qu’il continue d’occuper le poste de maire de Pau.
Bayrou ambitionne une réforme rapide des modes de scrutins pour les municipalités de Paris, Lyon et Marseille, ce qui divise fortement. Certains soupçonnent une manœuvre motivée par des intérêts électoraux. Pour Anne Hidalgo, maire de Paris, modifier les règles moins d’un an avant les élections de 2026 serait un « tripatouillage », et des résistances existent aussi bien à droite qu’au sein du parti présidentiel Renaissance.
Réforme de l’État : un projet encore en cours d’élaboration
La réforme de l’État, visant à générer des économies pour réduire le déficit budgétaire, constitue une autre préoccupation majeure dans les mois à venir. François Bayrou demandera à chaque ministère de mener une évaluation approfondie centrée sur les « missions de l’État » plutôt que sur les moyens alloués, dans un objectif de « rationalisation ». Dans sa déclaration de politique générale, il s’est interrogé sur la nécessité des 1 000 agences ou opérateurs publics actuels.