Le Rassemblement national, Vox, la Lega, le FPÖ ainsi que le Fidesz, qui constituent ensemble l’alliance des Patriotes pour l’Europe, entendent bien renforcer leur présence et leur rôle au sein du Parlement européen.
« Rendre sa grandeur à l’Europe » : c’est sous ce slogan empruntant au fameux leitmotiv de Donald Trump que les forces de l’extrême droite européenne se sont réunies à Madrid ce vendredi 7 et samedi 8 février. Parmi les figures de proue, on retrouve Marine Le Pen ainsi que le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán. Leur but est clair : démontrer que les partis d’extrême droite de France, d’Italie, d’Espagne et de Hongrie sont capables d’influencer les décisions politiques à l’échelle européenne.
A Bruxelles, cette mouvance politique a bel et bien évolué, tant en termes d’envergure que de tactique. Cette transformation est visible dans les hurlements et allées du Parlement européen, où les représentants du Rassemblement national français, les membres du Fidesz hongrois de Viktor Orbán, les députés du Vox espagnol, ceux de la Lega italienne ainsi que les Autrichiens du FPÖ se croisent désormais régulièrement. Ces « Patriotes européens » forment actuellement la troisième force politique du Parlement et affichent leur intention de faire entendre leur voix, à droite de la droite traditionnelle incarnée par le Parti populaire européen (PPE).
« Nous influençons discussions et décisions »
Thierry Mariani, membre français actif dans les questions de politique internationale, illustre cette transformation : « Avant, notre influence se limitait aux débats, mais sans impact sur les votes. Désormais, nous avons du poids tant dans les discussions que dans les prises de décisions ! », explique l’ex-secrétaire d’État sous Nicolas Sarkozy.
« Aujourd’hui, la lutte est serrée. Si le PPE ou les socialistes oublient de motiver leurs membres, nous, nous restons mobilisés et changeons l’issue. »
Thierry Marianià 42mag.fr
Mariani poursuit en citant des exemples internationaux : « Deux questions qui ne concernent peut-être pas directement les Français, mais sur le Venezuela, ou pour l’aide à l’Égypte, essentielle dans le combat contre l’immigration, la gauche voulait imposer des conditions… Et c’est encore nous qui avons fait pencher la balance. »
Un exemple marquant est le vote portant sur la déforestation en octobre dernier, où droite et extrême droite se sont alliées pour démanteler un règlement européen. La gauche craint désormais pour l’avenir du Pacte vert élaboré durant le mandat précédent, face à l’insistance de l’extrême droite qui en réclame la « suspension ». Jordan Bardella, président du groupement des Patriotes, a d’ailleurs adressé une lettre en ce sens au Parti populaire européen, restée à ce jour sans réponse.
« Préservons nos valeurs traditionnelles »
Outre les décisions, ces partis cherchent à enrichir le débat européen de leurs thèmes de prédilection. La Conférence des présidents, qui fixe les priorités de l’ordre du jour des séances, en est un exemple. Jordan Bardella y est membre de plein droit, toutefois il délègue souvent cette tâche à Kinga Gál, sa vice-présidente hongroise.
Fervente défenseure de ses convictions nationalistes, anti-immigration, et sceptique face à l’Union européenne, elle exprime clairement sa position : « L’Union européenne ne se limite pas à Bruxelles et ses structures. C’est là que se trouvent les bureaucrates. L’Union est présente à Budapest, Varsovie, Paris, Berlin, Madrid… Nous devons protéger nos valeurs traditionnelles ainsi que nos héritages judéo-chrétiens ». Gál ne manque pas de reprendre, à l’occasion, le slogan de son dirigeant hongrois Viktor Orbán : « Rendre sa grandeur à l’Europe », directement inspiré de celui de Donald Trump.
La gauche européenne s’indigne face à cette perspective. « Comment peuvent-ils prétendre être ‘patriotes européens’ ? », s’interroge la socialiste Aurore Lalucq. « Ils se nomment Patriotes… Pourtant, sans cesse, ils vantent les mérites d’Elon Musk ou de Donald Trump qui souhaitent instaurer des taxes sur nos échanges : ceux de nos agriculteurs, industriels, viticulteurs… »
« Ils se disent Patriotes, mais au final, se plient aux intérêts américains. »
Aurore Lalucqà 42mag.fr
« Rendre sa grandeur à l’Europe » traduit surtout la stratégie de l’extrême droite européenne de s’ancrer durablement à Bruxelles… en dépit de leurs critiques incessantes. Car le Parlement européen leur offre aussi des ressources financières accrues grâce à un nombre croissant de députés, ainsi que des formations, des cours de langues étrangères, permettant de s’entourer de collaborateurs compétents et loyaux, déterminés à établir leur présence sur le long terme.
« L’extrême droite voulait une place à la table »
Bien que les autres groupes politiques soient avertis de cette montée, la coalition droite/centre/gauche conserve la majorité. L’eurodéputée de la majorité présidentielle, Nathalie Loiseau, a récemment remporté la présidence d’une commission spéciale contre les ingérences étrangères, intitulée « bouclier démocratique ». « Les Patriotes ont proposé un candidat contre moi… Ma victoire a été nette avec 25 voix contre 8. Nous avons le sentiment que l’extrême droite voulait une place à la table, par peur de devenir le propos principal de la commission spéciale… Car jusqu’ici, nombre de députés d’extrême droite ont soutenu Vladimir Poutine en Russie, qui n’hésite pas à s’immiscer dans les affaires européennes. »
À Madrid, les Patriotes européens se concentrent notamment sur la liberté d’expression et les conséquences des régulations européennes sur les réseaux sociaux qu’ils jugent « censurantes ».