Après avoir éveillé les consciences, vient le temps de pointer du doigt. À partir de dimanche, Bruno Retailleau initie une nouvelle campagne visant à responsabiliser les usagers de stupéfiants. « Nous avançons dans la bonne direction », souligne l’expert Bertrand Monnet, qui met l’accent sur la nécessité d’une « compréhension économique » de cette question.
Bertrand Monnet salue l’initiative gouvernementale qui se concentre désormais non seulement sur le transport et la distribution de drogues, mais aussi sur un aspect essentiel de cette économie clandestine : la consommation. Cette nouvelle campagne, lancée le jeudi 6 février, cible principalement les utilisateurs de drogues, parmi lesquelles figure la cocaïne. Même si certains pourraient considérer que la méthode employée culpabilise, le professeur à l’EDHEC et auteur de « Narcobusiness » pour Le Monde estime que l’approche est pertinente.
« Appréhender l’ensemble de cette économie »
La campagne ne met pas en exergue la nocivité de ces substances illicites sur la santé physique et mentale. En effet, Bertrand Monnet souligne les répercussions psychiatriques bien connues associées à une consommation excessive de cannabis. Cependant, le message vidéo diffusé se concentre exclusivement sur les usagers, et pour le spécialiste, il semble qu’une compréhension plus complète de cette économie sombre soit enfin atteinte.
Non seulement le transport et la vente sont abordés, mais la vidéo met aussi en lumière la consommation, un pilier fondamental du trafic de drogues. Toutefois, pour que la lutte soit encore plus efficace, Bertrand Monnet propose de persévérer dans cette « logique économique » en s’attaquant à l’ultime étape de cette économie illégale : le blanchiment d’argent.
« Les narcotrafiquants amassent des milliards en liquide qu’ils doivent convertir en capitaux inscrits sur des comptes bancaires pour ensuite les investir dans l’économie légale, par exemple dans des entreprises, des commerces ou l’immobilier. »
Bertrand Monnet, professeur à l’EDHEC et expert en économie criminelleà 42mag.fr
Monnet insiste sur le fait que toutes les méthodes de blanchiment sont bien identifiées, et que certaines mesures ont déjà été envisagées ; toutefois, si l’État souhaite vraiment dépasser le stade du discours, il devra les appliquer concrètement. En complément de la législation récemment votée au Sénat – instaurant notamment un parquet spécifique et renforçant les techniques d’enquête – des investissements massifs dans la lutte contre le blanchiment sont indispensables. Cela nécessitera, selon Monnet, des décisions budgétaires majeures : recruter, former et affecter des experts à long terme pour les fonctions de lutte contre le blanchiment.
Pour le spécialiste, il est également crucial de fortifier les « partenariats public/privé ». Bien que l’État collabore déjà avec le secteur bancaire, il doit s’allier aussi avec « des professionnels comme les experts-comptables, les agents immobiliers, et d’autres secteurs utilisés par les narcotrafiquants pour convertir l’argent liquide de la drogue en fonds propres légaux, ce qui mine notre économie légale ».