Pour donner vie à ce plaidoyer sur l’importance des soins palliatifs et de l’accompagnement en fin de vie, le metteur en scène a opté pour un tandem surprenant : Denis Podalydès et Kad Merad.
Ayant effectué son retour en Grèce en 2019 avec Adults in the Room, une œuvre portant sur la crise économique de son pays natal, le réalisateur franco-grec Costa-Gavras, désormais âgé de 91 ans, explore dans son vingtième film la thématique délicate de la fin de vie. Ce nouveau long métrage, qui allie à la fois analyse et exploration émotionnelle à travers deux perspectives principales — médicale et philosophique — est une adaptation du livre éponyme de Claude Grange et Régis Debray (Gallimard, 2023). Le Dernier souffle, centré sur un chef de service en soins palliatifs, sera à l’affiche à partir du mercredi 12 février.
Le film débute tel un thriller, avec une musique oppressante synchronisée au bruit cadencé d’un scanner médical. Au centre de l’histoire, Fabrice Toussaint, intellectuel et philosophe renommé, s’inquiète de l’état de sa santé. Une petite lésion, « en dormance » dans son abdomen, pourrait s’activer subitement. Lors d’un passage en clinique, il fait la connaissance d’Augustin Masset, un médecin responsable d’un centre de soins palliatifs. Intéressé par le phénomène du vieillissement qu’il a déjà exploré dans son livre, Le Fléau des seniors, vie et fin de vie, Fabrice Toussaint accepte de s’immerger dans le quotidien du service dirigé par le médecin.
Dans l’idée de concevoir un nouveau livre, Toussaint et Masset explorent ensemble les perspectives « du praticien et du philosophe ». Ce projet de film met en lumière les visions contrastées du médecin, face à la réalité parfois crue, et celle du philosophe, qui aborde ces questions d’un angle plus réfléchi.
L’ultime décision
Fabrice Toussaint se confronte aux réalités souvent brutales cachées derrière les théories et offre en retour sa propre compréhension des choses au médecin. Cette collaboration enrichissante permet à chacun des protagonistes de nourrir sa réflexion. « C’est une manière d’acquérir une meilleure compréhension et de se libérer », affirme Augustin Masset.
Toutes les thématiques entourant la fin de vie sont abordées : la peur de la mort dans la culture occidentale, l’appréhension à révéler la vérité aux malades, l’assistance au suicide, le soutien aux familles, les douleurs physiques et mentales en fin de vie, le manque de ressources, les contraintes administratives, et comment chaque individu fait face à son propre décès et à celui des autres.
Là où une femme souhaite savourer des fruits de mer et du vin à son domicile à Loctudy avant de mourir, une autre choisit de mourir à l’hôpital, entourée de ses proches et planifie même l’instant de sa mort. Un homme empli de colère souhaite obtenir l’accord de sa femme avant de s’autoriser à partir, alors que Sidonie, une dame âgée magnifiquement interprétée par Charlotte Rampling, espère en finir rapidement.
Quant à Estrella (Angela Molina), d’origine manouche, elle résiste catégoriquement à l’idée de mourir ailleurs que dans sa roulotte. Elle quitte donc l’hôpital parée d’une magnifique tenue, la tête haute, accompagnée par sa famille, sur l’air de Deux escargots s’en vont à l’enterrement… Par ce que « la fin de vie, c’est encore la vie », Augustin Masset et son équipe accompagnent chaque patient dans ses choix, parfois au mépris des règles.
Les échanges de dialogues, qui forment le socle narratif du film, semblent construits ou modifiés pour alimenter une problématique, ce qui leur confère parfois un aspect un peu artificiel. Costa-Gavras réussit à alterner ces séquences dialoguées, parfois denses, avec des tranches de vie quotidienne dans un hôpital, mêlant réflexions sur la vie et son terme. Par le biais d’idées de mises en scène originales, il insuffle du souffle à ce débat éthique et philosophique, clarifiant ainsi les enjeux. Chaque départ devient pour le patient, ses proches, et le personnel médical, un enjeu dramatique à la fois personnel et cinématographique.
Le réalisateur filme les personnages avec une caméra mobile, souvent en léger mouvement, parfois plus accentuée pour donner de l’impact à une situation. Une réalisation quelque peu appuyée, mais efficace pour guider le public à travers la complexité du sujet. Kad Merad, tout en subtilité, surprend dans un rôle différent de ceux auxquels il nous a habitués. Il forme un duo convaincant avec Denis Podalydès, parfait dans son rôle d’écrivain hypocondriaque. Autour de ce duo, une myriade de talents féminins tels que Charlotte Rampling, Karine Viard, Marilyne Canto, Hiam Abbass, Angela Molina, et Agathe Bonitzer, qui rythment l’histoire à travers leurs performances intenses.
Avec cette réalisation, Costa-Gavras poursuit son exploration du cinéma engagé, s’attaquant à un sujet social sensible qui suscite de vives discussions, maniant avec maîtrise l’équilibre entre exposition factuelle et émotion.

Détails du film
Genre : Drame
Réalisateur : Costa-Gavras
Acteurs principaux : Denis Podalydès, Kad Merad, Marilyne Canto
Pays : France
Durée : 1h39
Date de sortie : 12 février 2025
Distribution : Bac Films
Synopsis : Dans un dialogue constructif et passionné, le docteur Augustin Masset et l’auteur Fabrice Toussaint échangent sur la fin de vie des patients pour l’un et sur sa propre mortalité pour l’autre. Pris dans un tourbillon de visites et de rencontres, ils entament un voyage sensible empreint de rires et de larmes : une aventure humaine universelle.