Un avocat s’est retrouvé dans l’incapacité d’accéder à sa boîte de messagerie professionnelle ainsi qu’à tous ses fichiers électroniques, à la suite d’une décision prise par Google, qui est son hébergeur. La Cour d’appel de Paris a donné son accord à cette interprétation rigoureuse des conditions générales régissant l’utilisation de ces services numériques.
Prendre contact avec un commerçant ou un fournisseur via un email, ou visiter leur site Internet pour découvrir leurs offres et leurs tarifs sont des actions devenues courantes. Toutefois, un commerçant, un consultant indépendant, un avocat, ou un médecin qui se lance à son compte cherche souvent à acquérir ces outils numériques rapidement et à moindre coût.
Dans cette optique, ils choisissent très souvent des versions destinées au grand public, qui sont gratuites ou peu onéreuses, pour l’hébergement de leurs activités en ligne et de leurs services de messagerie. Par conséquent, il n’est pas rare de voir des artisans afficher sur leurs publicités ou leurs véhicules des adresses du type @gmail.com ou @yahoo.fr pour les contacter. Et ce n’est pas rare non plus que des laboratoires d’analyses médicales ou des pharmaciens utilisent ces mêmes services gratuits pour leurs échanges de correspondance.
Éviter d’utiliser des services pour le grand public ou gratuits
Lorsque l’espace numérique devient une extension de l’activité d’un professionnel, il est crucial de prendre des précautions. Même si la technologie reste similaire, le contrôle que l’on exerce sur ses données numériques dépend énormément des conditions contractuelles. Ce point a été confirmé par la Cour d’appel de Paris dans un différend opposant un avocat à la société Google. La société californienne avait pris l’initiative de supprimer le compte Gmail ainsi que tous les fichiers professionnels stockés sur la plateforme Google Drive.
Ceci avait empêché l’avocat de poursuivre son activité, faute d’accès à ses dossiers. Le 24 janvier 2025, la 11e chambre de la Cour d’appel de Paris a donné raison à Google.
Dans une affaire pénale que l’avocat traitait, il avait stocké sur les serveurs de Google, 77 images pédopornographiques. Or, dans le cadre de la lutte contre la pédocriminalité, Google applique un balayage automatique piloté par des algorithmes pour analyser les fichiers stockés chez ses clients.
La détection de ces images a déclenché les actions prévues par les conditions générales d’utilisation acceptées lors de l’utilisation de Google Drive. Notamment, la fermeture immédiate des comptes de messagerie et la destruction des fichiers concernés.
En dépit du soutien de l’Ordre des avocats
Dans cette affaire, l’avocat avait reçu le soutien de l’Ordre des avocats de Paris, qui mettait en avant le caractère légitime de la détention des images litigieuses dans ce contexte particulier. Néanmoins, la Cour d’appel a estimé qu’il serait disproportionné d’imposer à l’hébergeur, en l’occurrence Google, la responsabilité de rechercher les éventuels motifs légitimes derrière la présence de ces photographies.
Ainsi, la Cour a confirmé que le fournisseur de services a le droit de supprimer les comptes et les fichiers liés dès qu’il soupçonne que les données hébergées sur ses serveurs sont illicites.
Ce jugement doit être considéré comme un avertissement pour tous les professionnels qui choisissent des solutions destinées au grand public pour héberger le cœur de leur activité. Ces choix peuvent être remis en question s’ils sont en contradiction avec les conditions générales d’utilisation conçues pour un usage grand public. Par exemple, cela concerne des médecins qui conserveraient des images de leurs patients, comme peuvent le faire des dermatologues ou des chirurgiens.
Concernant les avocats, le Conseil National des Barreaux propose à ses membres des adresses en @avocat.fr, avec des solutions d’hébergement adaptées à leur profession.
Contrôler son nom de domaine, un actif essentiel
Il est toujours conseillé d’avoir le contrôle sur les droits numériques concernant le nom de son entreprise. Posséder un nom de domaine est fondamental pour être présent dans l’espace numérique. L’AFNIC, l’association chargée de gérer les noms de domaine en « .fr », souligne dans ses statistiques que cette extension est aujourd’hui le premier choix d’extension des TPE/PME et des particuliers pour leurs sites Internet. Ce choix dépasse les adresses en « .com », qui, bien que moins spécifiques, restent très utilisées.
Il est essentiel de ne pas négliger la différence entre la facilité d’accès aux services numériques, souvent accessible via une inscription en quelques clics, et l’impact significatif et durable des conditions d’utilisation de ces outils.
Il est dans l’intérêt de tous de bien comprendre les règles qui régissent l’emploi de ces outils (applications de jeux, réseaux sociaux, logiciels de retouche photo gratuits, etc.). Il nous faut être conscients de ce que nous concédons en termes de vie privée et de données personnelles, surtout avec les services gratuits, pour s’assurer que l’avantage perçu justifie les risques assumés.