Lundi, trois personnes seront nommées pour rejoindre l’institution, succédant à ceux qui ont achevé leur mandat de neuf ans, y compris le président sortant, Laurent Fabius.
La désignation imminente d’un nouveau président pour le Conseil constitutionnel
Emmanuel Macron prévoit, le lundi 10 février, de désigner un nouveau président pour le Conseil constitutionnel, succédant à Laurent Fabius, dont le mandat de neuf ans s’est achevé. Ce processus réfléchi depuis un certain temps revêt une importance capitale, car cet organisme joue un rôle essentiel dans le système institutionnel français et continuera à être influent au-delà de 2027, date prévue des prochaines élections présidentielles, comme le souligne l’entourage du chef de l’État.
En plus du remplacement du président, deux autres membres, choisis par Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, et Gérard Larcher, président du Sénat, seront intégrés au Conseil. Ces choix visent à remplacer Michel Pinault et Corinne Luquiens et nécessitent l’approbation des parlementaires. Un veto pourrait être posé par les commissions des lois du Parlement, moyennant un vote aux trois cinquièmes, ce qui constituerait un événement inédit pour cette institution, garante du respect constitutionnel des lois.
Le rôle central et croissant du Conseil constitutionnel
Depuis sa fondation en 1958, le Conseil constitutionnel a pris une place de plus en plus déterminante dans le paysage institutionnel français, explique un ancien membre à 42mag.fr. Il arbitre les élections, contrôle les lois contestées par l’opposition lorsqu’elles sont déférées par un groupe d’au moins 60 députés ou sénateurs, et statue depuis 2008 sur les questions prioritaires de constitutionnalité. Cette dernière procédure permet aux citoyens de remettre en question, lors d’un procès, la conformité d’une loi avec la Constitution.
Le choix du prochain président du Conseil, une décision cruciale pour Emmanuel Macron, s’avère déterminant. En situation d’égalité de voix, quatre contre quatre, c’est le président qui départage. De plus, il dirige administrativement et gère la communication de l’institution.
Les récentes turbulences politiques en France, depuis 2022, donnent à ces nouvelles nominations un certain poids. « L’instabilité politique a renforcé les tensions autour du rôle du Conseil constitutionnel », observe Naïma Moutchou, vice-présidente Horizons de l’Assemblée nationale, alors que l’absence de majorité absolue et la possibilité aisée de saisine rendent les choix particulièrement stratégiques.
Deux réformes illustrent ces tensions : la réforme des retraites et le projet de loi sur l’immigration. Dans les deux cas, le Conseil a dû examiner la constitutionnalité de ces projets phares du second mandat de Macron. À la grande désolation de la gauche et des syndicats, la réforme des retraites, bien que contestée, a été majoritairement validée. Concernant le projet de Gérald Darmanin, l’exécutif a été accusé d’utiliser le Conseil pour faire passer des dispositions inconstitutionnelles, ces dernières ayant été finalement censurées.
Un arbitre sous le feu des critiques
En réponse à une demande de référendum sur l’immigration formulée par les Républicains, les Sages ont refusé, ce qui a courroucé certains politiciens de droite. Laurent Wauquiez, par exemple, a parlé de « coup d’État de droit ». Ce type de critiques, souvent relayées par l’extrême droite, persiste. Philippe Gosselin, député LR, souligne que le Conseil doit se contenter de juger sur le droit, non en fonction de considérations opportunistes.
Il avertit également que le Conseil ne doit pas devenir un « gouvernement des juges », une récrimination qui pourrait nuire à l’institution et qui, ces dernières années, a encouragé des propositions de remise en cause.
Selon Ludovic Mendes, député EPR, il est devenu simpliste et immature de viser le Conseil constitutionnel, soulignant que remettre continuellement en cause son rôle fragilise l’équilibre et la protection de l’État de droit.
Les avis des experts en droit constitutionnel soulignent qu’il y a eu une contestation sans précédent du Conseil. Des nominations mal choisies risqueraient d’aggraver cette situation. Benjamin Morel met en garde contre l’idée que le juge soit perçu comme un adversaire caché. À l’inverse, la critique du Conseil n’est pas nouvelle, tempère un ex-membre, même si aujourd’hui, le contexte global de mise en cause de la suprématie de la Constitution et du droit européen ajoute à cette pression.
Maintenir une légitimité intacte
Le processus de nomination par des responsables politiques ajoute au mécontentement. L’idée que Richard Ferrand pourrait être choisi pour succéder à Laurent Fabius a suscité des réactions. Thibaud Mulier, expert en droit constitutionnel, souligne que les nominations d’anciens responsables politiques, souvent sans formation juridique, confortent la suspicion autour des Sages, renforçant l’idée que certaines nominations sont des récompenses pour services rendus.
Pourtant, à l’intérieur du Conseil, on assure que l’indépendance est préservée. Un ancien membre rappelle les paroles de Robert Badinter au moment de sa nomination : « N’oubliez pas que nous avons un devoir d’ingratitude vis-à-vis de ceux qui nous ont nommés ».
L’indépendance des membres repose aussi sur leur âge, leur carrière étant généralement derrière eux, ne leur laissant plus rien à attendre politiquement.
Benjamin Morel observe que le pouvoir d’une institution est directement lié à sa légitimité. Ainsi, en cas de crise de légitimité et lorsque des organes politiques s’unissent contre cette institution, le Conseil se montre hésitant et se replie.
Le regard tourné vers les prochaines élections présidentielles
Les nominations actuelles s’inscrivent dans un contexte particulier, puisque les nouveaux membres siègeront pour les élections présidentielles de 2027 et 2032. Un ancien membre du Conseil note que le futur président devra gérer une éventuelle victoire de Marine Le Pen. Pour 2027, il jouera notamment un rôle crucial dans la validation du processus électoral et d’éventuels recours, anticipe Naïma Moutchou.
Marine Le Pen, cheffe du Rassemblement national, a plusieurs fois affirmé son intention de réviser la Constitution via un référendum pour renforcer la politique migratoire. Lors de la campagne de 2022, elle avait envisagé d’utiliser l’article 11 de la Constitution, méthode employée par de Gaulle en 1962. Thibaud Mulier se demande si le Conseil reviendrait sur sa jurisprudence passée, malgré l’idée que cette révision pourrait compromettre son rôle propre.
Pour contrer les dérives autoritaires, Thibaud Mulier estime qu’un contre-pouvoir ne suffit pas, mais que plusieurs contre-pouvoirs bien établis et expérimentés sont indispensables. Avant la prochaine présidentielle, le Conseil et ses nouveaux membres devront résoudre plusieurs questions politiques complexes, selon leur interprétation de la jurisprudence. Le droit, contrairement aux mathématiques, n’offre pas de solutions simples et le droit constitutionnel est loin d’être une affaire tranquille, conclut Benjamin Morel en souriant.