Lors de la cérémonie d’ouverture du festival du film de Berlin, qui s’est tenue jeudi, une actrice de 64 ans était présente en tant qu’invitée d’honneur pour recevoir un Ours d’or honorifique.
« L’inhumain se déroule sous nos yeux » : C’est avec ces mots que l’actrice Tilda Swinton a placé le 13 février la 75e édition du Festival de cinéma de Berlin sous le signe de la résistance face à l’extrémisme et aux premières mesures du président Trump.
Aujourd’hui âgée de 64 ans, la comédienne britannique a reçu un Ours d’or honorifique pour l’ensemble de sa carrière. Cette reconnaissance s’est déroulée dans une capitale marquée par un climat tendu : à dix jours des élections législatives allemandes, le parti d’extrême droite AfD espère obtenir un résultat historique. Plus tôt dans la journée, un attentat perpétré par une voiture-bélier a fait trente blessés à Munich, dans le sud de l’Allemagne, pour lesquels la Berlinale a exprimé son hommage.
Mais au-delà des tensions locales, Tilda Swinton a dénoncé « les massacres de masse orchestrés par des gouvernements, cautionnés à une échelle internationale, qui sèment la terreur dans de nombreuses régions du monde ». Elle a poursuivi en déclarant sans équivoque : « L’inhumain se déroule sous nos yeux. Je peux le dire librement, sans hésitation ni doute ». Connue pour ses rôles dans les films de Wes Anderson et plus récemment de Pedro Almodóvar, elle a critiqué le plan de Donald Trump visant à transformer Gaza en une « Côte d’Azur du Moyen-Orient ».
Tilda Swinton a aussi pris la défense du 7e art et du cinéma indépendant, exhortant : « Faites confiance au cinéma, soutenez le grand écran, regardez tout sur grand écran, et incitez les plateformes de streaming à tenir leurs promesses en investissant une part de leur fortune dans la construction, la rénovation et la gestion des salles de cinéma. »
« Unifier les diverses formes de résistance »
La Berlinale, premier grand rassemblement annuel de l’industrie cinématographique, se veut un festival engagé et politiquement progressiste, bien qu’il ne bénéficie pas de la même attention que Cannes ou Venise, qui se déroulent plus tard dans l’année. La nouvelle directrice, Tricia Tuttle, espère que la politique ne marginalisera pas les films, tout en affirmant lors de la conférence de presse du jury que le festival est un « rejet (…) de toutes les idées véhiculées par certains partis d’extrême droite ».
Le président du jury, Todd Haynes, un réalisateur américain connu pour Dark Waters, I’m Not There, et Carol, a ajouté : « Nous vivons une crise unique aux États-Unis, mais également dans le monde entier ». Après« l’inquiétude et la sidération » des débuts de l’administration Trump, il s’interroge sur « la manière de rassembler les différentes formes de résistance (…) ».
L’année précédente, la Berlinale avait fait l’objet de critiques virulentes en Allemagne, certains accusant le festival d’antisémitisme pour avoir permis à des artistes de critiquer l’armée israélienne à Gaza, sans mentionner les Israéliens capturés par le Hamas.
« Portraits de contemporains »
Le festival a débuté avec la projection de The Light (La Lumière), un film de l’Allemand Tom Tykwer, qui raconte l’histoire d’une réfugiée syrienne travaillant comme gouvernante chez une famille berlinoise. Tykwer, qui s’était fait connaître avec Cours, Lola, cours en 1998, renoue avec l’Allemagne actuelle après avoir consacré une décennie à sa série Babylon Berlin, ayant pour décor la République de Weimar et l’ascension du nazisme.
Selon Tom Tykwer, The Light explore la vie « des gens d’aujourd’hui, face aux défis intenses de l’époque actuelle ». En raison des sujets « complexes et contradictoires » s’imposant dans nos vies, le réalisateur de 59 ans a mis en garde contre notre tendance à l’isolement. Le scénario se concentre sur la famille Engels – Tim, Milena et leurs adolescents jumeaux – qui semblent vivre chacun isolé dans leur propre monde. Cependant, l’arrivée de Farrah, la nouvelle venue de Syrie, les incite progressivement à se reconnecter.
Tykwer explique : « Ils se trouvent submergés, mais une force extérieure les ramène à la surface, leur permettant de se redécouvrir mutuellement. Pour sortir de cet isolement, nous devons nous rapprocher les uns des autres ». Lars Eidinger, acteur allemand jouant un des rôles principaux, a averti contre le penchant à cataloguer le monde en termes de « bien et mal » et « noir et blanc », encourageant ainsi la montée des extrêmes selon lui.
Le retour de Hong Sang-Soo
Le jury commencera ses délibérations vendredi avec la projection des premières œuvres en compétition pour l’Ours d’or. Dix-neuf films sont en lice pour succéder au documentaire Dahomey de la réalisatrice franco-sénégalaise Mati Diop.
En concurrence figurent des réalisateurs comme l’Américain Richard Linklater, le Sud-Coréen Hong Sang-Soo, le Mexicain Michel Franco, et le Roumain Radu Jude.
Parmi les célébrités attendues, Timothée Chalamet, Jessica Chastain, Marion Cotillard, Ethan Hawke, et Robert Pattinson. Ce dernier apparaît dans Mickey 17, en dehors de la compétition, marquant le retour de Bong Joon-Ho au cinéma après le succès de Parasite.