Ce film, riche en images peu communes, explore la vie et le parcours dramatique de celui qui a été le catalyseur, créateur et élément essentiel mais absent des Rolling Stones. Il sortira en salles ce mercredi.
Qui était réellement Brian Jones ? Ce musicien talentueux et esthète britannique, à l’origine de la création des Rolling Stones, a vu son amour prononcé pour le blues influencer profondément le style musical du groupe. Mais comment se fait-il qu’il ait finalement été écarté de la formation qu’il a fondée ? Dans un film qui sort ce mercredi 19 février, Nick Broomfield, déjà célèbre pour ses documentaires sur Leonard Cohen, Whitney Houston et Kurt Cobain, s’attaque à percer le mystère entourant Brian Jones, mort en 1969. Son ambition est de replacer cette figure au cœur du plus grand groupe de rock de l’histoire.
Ce documentaire se distingue d’abord par une riche collection d’archives visuelles et photographiques inédites ou très peu connues, incluant des moments de la jeunesse de Brian Jones. Ensuite, il offre une série impressionnante de témoignages directs et rares, souvent sous forme audio, qui brossent un portrait fouillé de l’homme, évitant l’ennui des interviews classiques en face caméra.
Un fil conducteur majeur du film est la relation compliquée avec les parents de Brian Jones, dont l’austérité ouvre et clôture le documentaire. Issus d’une bourgeoisie stricte, ils ne cautionnaient ni son mode de vie ni son intérêt pour le jazz, qu’ils ne considéraient pas comme une musique digne d’intérêt. À 17 ans, ils le mettent à la porte espérant un retour à l’ordre.
Ce rejet a des conséquences profondes. Nick Broomfield montre comment Brian Jones, tout en s’écartant de leur rigide modèle, a longtemps recherché leur acceptation.
Séducteur infatigable
Livré à lui-même, cet homme au charme naturel et aux manières raffinées adopte une approche discutable : il séduit une jeune femme, se fait accueillir par sa famille, s’intègre, la met enceinte, et disparaît. À sa mort, il laisse derrière lui au moins cinq enfants de mères différentes, auxquels il n’a jamais consacré son temps.
Les récits de ces femmes sont particulièrement frappants. L’une le qualifie de manipulateur absolu, une autre le décrit comme un amant incroyable et « insatiable ». Une troisième se souvient s’être rendue chez lui avec son fils pour demander de l’aide, pour finalement être ignorée alors que Brian, accompagné de sa nouvelle partenaire Anita Pallenberg, les observait par la fenêtre.
En dépit de son aspect hommage, le documentaire Brian Jones & les Rolling Stones met en lumière la part sombre de sa personnalité, aggravée par ses abus de drogues et d’alcool.
« Une partie de lui était épouvantable. Il pouvait montrer de la cruauté. Et quand les choses n’allaient pas dans son sens, il devenait agressif », se rappelle Bill Wyman. Son témoignage, depuis son domicile, se démarque par sa richesse. À 88 ans, l’ancien bassiste du groupe évoque avec nostalgie l’ingéniosité musicale de Brian, accompagnée d’interprétations illustrant flûte et guitare slide.
Un musicien brillant mais incapable de composer
La musique occupe bien sûr une place centrale dans le film, qui met en lumière les tensions internes des Stones. Le blues, « une musique majestueuse qui mériterait plus de reconnaissance », était tout pour Jones. Il a fondé le groupe, choisi son nom inspiré d’une chanson de Muddy Waters, et se consacrait à reprendre les titres de ses idoles.
Initialement, il était l’homme orchestre, s’occupant des concerts et des réponses aux admirateurs. Mick et Keith étaient éblouis par ce charmeur dont le talent subjuguait. Mais les tensions débutent entre lui et Mick, le charismatique chanteur. Cette rivalité est palpable lors d’une interview en Australie où leurs échanges – ou absence d’échanges – sont évocateurs.
Surtout, Mick et Keith se mettent à composer, tandis que Brian, lui, semble peu enclin à suivre ce chemin. Une scène à la télévision montre son malaise lorsqu’un animateur l’interroge sur sa créativité.
L’amoureux du blues
Les divergences s’aggravent avec l’arrivée du manager Andrew Loog Oldham. Alors qu’Oldham veut faire du groupe une figure de la pop, Brian reste attaché au pur blues. Zouzou, ancienne partenaire française de Jones, évoque sa distaste envers (I Can’t Get No) Satisfaction qu’il considérait comme « grossier« .
Vers 1967, la situation de Brian, autrefois le cœur du groupe, devient précaire. Des problèmes légaux liés à la drogue l’empêchent de partir en tournée ; il plonge alors dans ses excès. La relation avec le mannequin vedette Anita Pallenberg se brise, suivie d’une trahison personnelle lorsque Keith Richards la séduit. Pour Brian, c’est le début de la déchéance. Zouzou relate une période sombre marquée par l’instabilité, les excès et les regrets.
D’après Bill Wyman, durant ses dernières années, son comportement imprévisible rendait impossible toute collaboration. Marianne Faithfull, autre de ses amantes, évoque un homme en détresse. Au lieu de le soutenir, les Rolling Stones le congédient en juin 1969. « Il n’était pas surpris« , témoigne Keith Richards, « il était déjà parti, mentalement« . Trois semaines après, le 2 juillet 1969, il est découvert mort dans sa piscine. Brian Jones, premier artiste à rejoindre le tristement célèbre « Club des 27 », prend peut-être malgré tout une certaine consolation en voyant que les Rolling Stones n’ont jamais abandonné son premier amour : le blues.

Informations sur le film
Genre : Documentaire
Réalisateur : Nick Broomfield
Pays : Grande-Bretagne
Durée : 1h38
Sortie : 19 février 2025
Distributeur : Lafayette Films, BBC Music
Résumé : Qui connaît vraiment Brian Jones ? Ce génie inconnu derrière les Rolling Stones est mis en lumière dans ce film qui, à travers des interviews exclusives et des archives uniques, retrace son incroyable parcours.