Le groupe de victimes de Bétharram a compilé plus de 130 plaintes. Les premiers incidents de mauvais traitement remonteraient à la fin des années cinquante. Jean Viard, qui est sociologue, discute des changements dans les mentalités au fil du temps et insiste sur l’importance d’écouter et de prendre au sérieux les témoignages des enfants.
Des accusations graves à Notre-Dame-de-Bétharram
Un groupe de plus de cent anciens élèves a déposé plainte, reprochant à des enseignants et des surveillants des actes de violence physique et sexuelle qu’ils auraient subis durant leur temps passé au collège-lycée de Notre-Dame-de-Bétharram, situé dans les Pyrénées-Atlantiques. Le 24 février 2025 marquera le début du procès de Joël Le Scouarnec, un chirurgien accusé d’agressions sur plus de 300 enfants.
Statistiques alarmantes sur les violences contre les mineurs
En 2023, les forces de l’ordre, incluant la police et la gendarmerie, ont recensé 96 700 mineurs comme victimes de brutalités physiques. Concernant les abus sexuels, le nombre de mineurs identifiés comme victimes s’élève à 65 300, une augmentation marquée par rapport à l’année précédente, 2022.
Comment empêcher les violences envers les enfants, en particulier les abus sexuels ?
Jean Viard : Dans le passé, les sujets liés à la sexualité étaient cachés, souvent considérés comme honteux. Lorsqu’un enfant parlait d’abus de la part d’un prêtre, d’un enseignant ou d’un médecin, professions qui symbolisent autorité et intégrité, ses paroles étaient souvent rejetées comme des affabulations impossibles à croire.
Il est difficile pour les nouvelles générations de saisir comment la sexualité était occultée jusqu’à la fin des années 60, et même au-delà. Aujourd’hui, la situation est différente. Des affaires comme le procès Mazan illustrent ce renversement de mentalité. Il est crucial de révéler les choses pour protéger les enfants ; croire en leurs témoignages est essentiel.
Revoir notre perception de la parole des enfants
Il faut changer notre approche face aux témoignages des enfants. Trop souvent, leur discours est perçu comme mensonger, exagéré, ou influencé. Pourtant, dans la majorité des cas, ils disent la vérité. La plupart des agressions sexuelles sur mineurs se produisent au sein même des familles. Il est donc primordial de prendre les enfants au sérieux, bien que cela puisse bouleverser des structures familiales ou institutionnelles, comme c’est actuellement le cas à Notre-Dame-de-Bétharram. L’institution elle-même pourrait ne pas se relever de cette crise. Accorder du crédit aux enfants requiert du courage, notamment en créant des espaces d’écoute avec des professionnels formés à interagir avec eux. La vérité des enfants doit être reconnue, même si cela représente un défi pour des institutions comme l’Église catholique.
Pourquoi est-il encore difficile de réellement protéger les enfants ?
Bien que la Déclaration des droits de l’enfant remonte à 1959, la protection totale des enfants reste un idéal complexe à atteindre, de la même manière que la protection complète des femmes contre les violences conjugales n’est jamais garantie. Les progrès existent, et malgré le caractère intime de ces violences, des améliorations sont possibles grâce aux procès. Cependant, il reste un immense travail d’écoute et d’éducation à mener auprès des enfants, notamment dans les écoles. Les médecins scolaires peuvent souvent détecter des signes de détresse chez un enfant, mais il est probable que nous manquions de ces spécialistes dans nos établissements éducatifs.