Opposé à Pierre Niney, François Civil, Benjamin Lavernhe et son camarade Tahar Rahim, l’acteur semblait être en position d’outsider. Sur les planches de l’Olympia, sa joie de triompher face à ces acteurs plus pressentis était réjouissante à observer.
Si Karim Leklou avait pu capturer l’énergie de toute la salle dans une étreinte, il l’aurait peut-être fait. Rayonnant de bonheur, il avait une présence à la fois rugueuse et captivante. L’acteur français, alliant une énergie brute à une vulnérabilité touchante, a remporté le vendredi 1er mars sa première reconnaissance significative grâce à son interprétation nuancée dans Le Roman de Jim. Ce film, réalisé par Arnaud et Jean-Marie Larrieu, a également réjoui sa partenaire, Lætitia Dosch, qui n’a pu retenir ses larmes. L’équipe de L’amour Ouf, un autre projet dans lequel Leklou est impliqué, a exprimé son admiration par des applaudissements enthousiastes. L’acteur, visiblement surpris par cette reconnaissance, a déclaré : « Ce qui se passe est incroyable« .
À l’âge de 42 ans, Karim Leklou a remporté le César du meilleur acteur pour son interprétation d’Aymeric, un homme doux qui développe un lien paternel instinctif sans lien de sang. Cependant, la situation bascule lorsque le père biologique entre en scène, bouleversant cette relation. « Lorsque nous l’avons rencontré pour le casting, » racontent les frères Larrieu, « après seulement dix minutes, nous savions que nous avions trouvé notre Aymeric. Il possédait déjà, de manière innée, toute la charge émotionnelle et la bonté du personnage ».
Découverte par Jacques Audiard
C’est en 2009 que la carrière de Leklou prend un tournant majeur grâce à son apparition dans Un prophète. Ce rôle, offert par Jacques Audiard, grand lauréat de la 50e édition des César, a marqué un moment pivot. « Cela m’a révélé la beauté de cette profession et m’a donné envie de poursuivre dans cet univers, » confia-t-il lors d’une interview pour « OFF Magazine » en novembre 2024.
Karim Leklou se fait ensuite remarquer avec un rôle de jeune délinquant dans le moyen métrage Marseille la Nuit (2012), réalisé par Marie Monge, qui se révèle être une étape déterminante dans sa carrière. Il enchaîne dès lors avec des films d’auteur, décrochant finalement son premier rôle principal dans Coup de chaud (2015), suivi d’une nomination aux César pour le meilleur espoir grâce à son rôle dans la comédie d’action Le Monde est à toi (2018) de Romain Gavras.
L’intensité d’un Jean Gabin
Avec un physique imposant et un regard qui évoque une certaine tendresse, Karim Leklou évoque pour beaucoup l’intensité d’un Jean Gabin. Clément Cogitore, qui l’a dirigé dans Goutte d’or (2019), souligne : « Il est capable de dégager à la fois une violence et une douceur extrême, mais c’est son humanité toujours présente qui crée une connexion immédiate avec le public ».
Dans la série Hippocrate sur Canal+, il incarne Arben, un médecin franco-albanais, depuis 2018. Raphaël Jacoulot, réalisateur de Coup de chaud, remarque : « C’est un acteur physique, extrêmement flexible ». Pour son rôle dans BAC Nord (2020) de Cédric Jimenez, qui lui vaut une nouvelle nomination aux César, Leklou a suivi un régime sévère, perdant près de vingt kilos pour incarner un flic sous pression.
Né le 20 juin 1982 à Sèvres, Karim Leklou a grandi en banlieue parisienne. Fils unique d’un magasinier algérien et d’une réceptionniste bretonne, ses parents se séparent alors qu’il a 7 ans, le laissant vivre avec son père. Leur communication se fait essentiellement autour de leurs passions communes : le football et le cinéma.
Ensemble, ils passent de nombreuses soirées à visionner des films en format VHS. « Nous regardions de tout : westerns, comédies, films d’action », se souvient-il en évoquant son père, un homme qu’il décrit souvent comme « extraordinaire et atypique, avide de culture malgré son statut prolétaire ».
« Pour tous les gens bienveillants »
Son premier choc cinématographique survient à 10 ans, avec le film de Spike Lee Do the Right Thing. « Je n’avais jamais vu quelqu’un parler des quartiers populaires comme lui ». Après avoir obtenu son bac, il poursuit par un BTS en force de vente, enchaînant les petits boulots dans divers secteurs tels que France Télécom, l’hôtellerie et le télémarketing.
Sa passion l’emporte lorsqu’il s’inscrit à des cours d’art dramatique. « Au début, je doutais de ma légitimité, jusqu’à ce que je comprenne que je devais rester sincère et instinctif ». Devenu père d’un petit garçon, Karim Leklou continue de faire preuve de la même humilité. Après une année 2024 marquée par L’Amour ouf, Le Roman de Jim, et la troisième saison d’Hippocrate, il conclut son discours de remerciement en dédiant son César « à tous les gens bienveillants, à ceux qui ne sont pas habitués à porter un César ».