L’existence de Jacques Vergès, avocat spécialisé en droit pénal, est marquée par des mystères. Sa soudaine et inexpliquée disparition en 1970 continue d’alimenter de nombreuses spéculations. Malgré tout, la véritable cause derrière ces huit années d’absence semble être peu reluisante…
Considéré comme un des plus brillants avocats de France, Jacques Vergès était également une figure à la réputation sulfureuse, en raison de sa personnalité complexe et multi-facettes. Décédé en 2013, Vergès s’était illustré en tant qu’avocat engagé dans la cause de la décolonisation durant le conflit algérien. Il défendit ainsi plusieurs membres du FLN, dont Djamila Bouhired, qu’il a plus tard épousée. Sa carrière l’a conduit à représenter des affaires dites « perdues » et à être l’avocat d’individus parmi les plus controversés, tels que le criminel nazi Klaus Barbie, le militant vénézuélien Carlos, l’ancien dirigeant khmer rouge Khieu Samphân, ou le leader serbe Slobodan Milošević.
Personnalité provocatrice et quelque peu égocentrique, souvent présent sur les plateaux télévisés, Vergès a créé la surprise en disparaissant subitement en 1970, laissant derrière lui sa famille. Ce n’est que huit ans plus tard qu’il refait surface à Paris, reprenant sa carrière d’avocat sans donner d’explications sur son absence prolongée, ajoutant ainsi une nouvelle dimension mystérieuse à son existence déjà riche en zones d’ombre.
« La mystérieuse disparition avec les 100 millions »
Patricia Tourancheau, connue pour ses enquêtes sur les affaires criminelles marquantes, affirme que Vergès s’est éclipsé avec une importante somme d’argent. Elle explique : « Jacques Vergès accepte un dossier extrêmement lucratif, la défense de Moïse Tshombé, un ancien leader du Katanga au sein de l’ex-Congo belge [devenue République démocratique du Congo], accusé de l’assassinat de Patrice Lumumba [en 1961]. Il est surprenant que Vergès, admirateur affiché de Lumumba, prenne la défense de ce dictateur condamné à mort. Par la suite, il contracte un emprunt de 100 millions auprès de la banque nationale d’Alger, avec la caution du fils de Tshombé, qui s’engage à rembourser si son père est libéré. Sinon, Vergès devra rembourser cette somme. Toutefois, après le décès de Tshombé en détention à Alger, Vergès finit par disparaître, emportant les 100 millions avec lui », relate-t-elle.
La disparition de Tshombé, entourée de suspicion, aurait conduit à un contrat sur la vie de Vergès. Selon Bernard Violet, qui a écrit Vergès, le maître de l’ombre (éd. du Seuil), cela aurait incité Vergès à s’enfuir. Bien qu’il ait laissé entendre qu’il était parti vivre loin, Vergès a passé ces années dissimulé, logeant dans des petits hôtels en périphérie de Paris.
« Un potentiel gâché d’être un autre Badinter »
À son retour à Paris en 1978, Vergès n’est plus le même, miné par un certain cynisme et découragement. Désormais, il se concentre sur les affaires sensationnelles et controverse, prenant la défense de terroristes de divers horizons et de criminels de guerre.
Pour Lionel Duroy, écrivain et historien, ce parcours est surprenant : « À son retour, Vergès aurait pu se façonner une carrière à l’image de Robert Badinter, symbolisant l’engagement et la respectabilité. Cependant, il choisit de faire tout le contraire. »
Ce texte est inspiré de la série « Jacques Vergès, l’amoral de l’histoire », diffusée dans l’émission « 13h15 le dimanche(Nouvelle fenêtre)(Nouvelle fenêtre)(Nouvelle fenêtre) » le 2 mars 2025.