En 2016, lors d’une interview sur 42mag.fr, l’ex-président de l’Assemblée nationale, décédé à 80 ans, partageait des souvenirs liés à l’élection présidentielle de 1995.
Respect : longtemps vu comme le mouton noir d’une famille prestigieuse, ayant intégré les rangs des fidèles de la chiraquie et initialement lié à l’aile dure de la droite, Jean-Louis Debré s’est éteint à 80 ans, ce mardi 4 mars. Sa longue carrière exceptionnelle est saluée avec respect par de nombreux politiciens, y compris Michel Barnier. Au cours de presque cinq décennies marquées par divers rôles – député, ministre, leader du RPR, président de l’Assemblée Nationale – il s’est finalement affirmé en tant que véritable sage de la République, exprimant ses opinions avec liberté.
Cette liberté d’expression, que ce soit à l’égard de ses adversaires politiques ou de son propre parti, a été l’une des marques de fabrique de Jean-Louis Debré. Étant proche de Jacques Chirac durant sa montée en puissance dans les années 90, Jean-Louis Debré n’hésitait pas à critiquer, notamment lorsqu’il mettait en lumière son jugement sur Édouard Balladur, qu’il décrivait comme « un personnage vaniteux, hautain et dédaigneux ». Cela contrastait nettement avec sa perception de Jacques Chirac : « On rencontre beaucoup de copies, mais très peu d’originaux. J’ai eu l’occasion de côtoyer une personne aussi unique que Jacques Chirac ».
« Personne n’aurait misé un centime sur Chirac »
Interviewé sur 42mag.fr en 2016 par Philippe Vandel, Jean-Louis Debré racontait avec une touche d’humour ses relations avec l’homme qui, ancien maire de Paris, allait accéder à la présidence en 1995. « Jacques Chirac acceptait très bien les critiques. Mon rôle était également de lui dire la vérité. La différence avec aujourd’hui, c’est que cette vérité, je la lui disais en privé, jamais à l’extérieur », expliquait-il.
« A un ami cher, vous pouvez tout dire. Et Chirac acceptait tout tant que cela restait entre nous deux. »
Jean-Louis Debré, en 2016sur 42mag.fr
Il revenait également sur leurs discussions avant l’élection présidentielle de 1995 : « C’est Chirac qui a été élu après une lutte intense, mais humainement extraordinaire. Tout le monde se fiant aux sondages, et en 1994, nous étions anéantis. Personne n’aurait misé un centime sur Chirac ! Il était la cible de railleries, la campagne en devenait ridicule… Je voyais tous mes collègues partir. Je me rappelle, en décembre 1994, nous étions trois sur la rue de Paris à Saint-Denis de la Réunion : Claude Chirac, Jacques Chirac et moi », se souvenait-il.
« Chirac me dit : ‘J’ai une idée pour toi' »
Il concluait ainsi : « Et je lui demande ce qu’il prévoit faire désormais. Je lui avoue que j’envisage de retourner à mon tribunal, de me faire discret après tout ce que j’ai dit sur Balladur. Et si ce n’était pas suffisant, je trouverai refuge en Corse, ce qui le divertissait énormément. Et puis Chirac m’a dit : ‘Non, j’ai une idée pour toi. Nous allons ouvrir une agence de voyages ensemble. Toi, tu la géreras, moi je voyagerai ! Mais de toute façon, nous allons triompher !' » Effectivement, Jacques Chirac est devenu président de la République cinq mois plus tard, le 17 mai 1995. Pour Jean-Louis Debré, c’était le début de sa fonction en tant que ministre de l’Intérieur dans le gouvernement d’Alain Juppé.
Suite à l’annonce du décès de Jean-Louis Debré, Bernadette Chirac, âgée de 91 ans, a rendu hommage au « fidèle de toujours » de Jacques Chirac par le biais d’une déclaration à l’AFP, saluant « un serviteur exemplaire de la Ve République, un éternel allié de Jacques Chirac, et un homme au caractère profondément humain ».