À Washington, Londres et Paris, le président français se mobilise intensivement pour chercher une solution à la crise en Ukraine, surtout face aux changements stratégiques opérés par Donald Trump. Sur le plan intérieur, il rencontre des défis, mais semble profiter d’une légère hausse dans les sondages de popularité à la veille de son allocution de mercredi soir.
Il refait surface partout à la télévision et dans les médias imprimés. Emmanuel Macron sera même dans les foyers français le mercredi 5 mars pour une adresse télévisée prévue à 20 heures. Depuis plusieurs semaines, le président se montre très actif face à la crise ukrainienne qui s’intensifie, surtout après l’annonce du 4 mars par un représentant de la Maison Blanche de la suspension temporaire du soutien militaire à Kiev. Cette décision suit de près la confrontation historique ayant eu lieu le vendredi précédent dans le Bureau ovale entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump.
Avant cet évènement inattendu, le président français s’était rendu à Washington le lundi 24 février, pour persuader les États-Unis de ne pas soutenir un accord de paix trop conciliant envers la Russie. Le dimanche suivant, répondant à l’attitude hostile de Donald Trump, Macron s’est montré aux côtés du président ukrainien, affichant ainsi son soutien indéfectible à Kiev lors d’un sommet à Londres dédié à la situation en Ukraine, un pays en guerre depuis plus de trois ans.
Une popularité en hausse comme lors du début du conflit ?
Au milieu des bouleversements mondiaux, un sondage est venu réchauffer l’ambiance autour de l’avion présidentiel. Le baromètre mensuel réalisé par Toluna Harris Interactive pour LCI, publié vendredi, révèle que la confiance envers Emmanuel Macron a augmenté de six points, atteignant 37 %. C’est un revirement positif pour la première fois depuis décembre 2023.
Ce chiffre détonne par rapport au désamour persistant à l’Élysée depuis un certain temps. Une étude menée par Odoxa Mascaret pour Public Sénat et la presse régionale à la mi-février montrait qu’uniquement 25 % des Français considéraient Macron comme un « bon président de la République ». La chute avant le rebondissement ? « C’est une performance irréprochable en termes d’image. Il a repris les rênes sur la scène internationale », observe Philippe Moreau Chevrolet, expert en communication politique. « Le président est redevenu un symbole de rassemblement et de protection. »
Cette montée en popularité, engendrée par la guerre en Ukraine, n’est pas une première. Déjà, durant le déclenchement de l’invasion russe en février 2022, il avait bénéficié d’un phénomène similaire avec une campagne présidentielle focalisée sur le thème, aidant le président-candidat à se démarquer de ses rivaux et à avancer au premier et au second tour contre Marine Le Pen.
Les partisans d’Emmanuel Macron accueillent cette montée avec satisfaction. Bien qu’ils réfutent l’idée que le président utilise cette crise pour reconquérir la confiance en l’absence d’élections imminentes, ils estiment qu’il n’a fait que suivre une intuition judicieuse depuis longtemps. « Je me souviens de son discours à la Sorbonne en septembre 2017 », raconte un proche de François Bayrou, évoquant les moqueries subies lorsque Macron mettait en garde contre un retrait progressif et inévitable des États-Unis, plaidant pour une Europe plus « autonome » en coordination avec l’OTAN.
L’aspiration à une unité politique selon le gouvernement
Sept ans plus tard, les actions de Trump renforcent les prédictions passées de Macron selon ses soutiens. « Les faits lui donnent raison », célèbre le député Pieyre-Alexandre Anglade. Ludovic Mendes, un autre député, partage ce point de vue : « Les sondages montrent une hausse grâce à sa capacité à défier les États-Unis et repositionner la France au cœur des dynamiques internationales. », ajoute-t-il.
« C’est une victoire idéologique. »
Un député de la majorité présidentielled’après 42mag.fr
« Dans des moments aussi graves et inédits, le président démontre un leadership certain, ce qui sera reconnu », affirme Franck Riester, ancien ministre et député de la majorité présidentielle. Une source au quai d’Orsay poursuit : « De façon basique, le peuple a perçu que ce qu’il préconise depuis longtemps prend enfin forme, illustré par cette unité politique. » Ces derniers jours, les critiques de l’opposition se sont effectivement amoindries, autant à l’Assemblée que dans les médias. Sur 42mag.fr, Olivier Faure, leader du PS, a même exprimé son accord avec les actions de Macron en Ukraine.
Le débat sans vote à l’Assemblée nationale lundi dernier a confirmé le ton mesuré des socialistes, écologistes et Républicains. Sur le terrain, les attaques se sont transformées en une forme de reconnaissance, affirment certains élus. « Dans ma circonscription principalement de droite, la situation mondiale inquiète, et les gens reconnaissent notre chance d’avoir Macron », déclare Brigitte Klinkert, députée de la majorité.
Les critiques persistantes de LFI et du RN
Du côté de La France insoumise, aucune modération n’est notable. Vendredi, Jean-Luc Mélenchon a profité de l’épisode entre Zelensky et Trump pour critiquer la position faible du président français. « En humiliant Zelensky, Trump expose le vide des prétendus accords avec Macron », a-t-il commenté sur X. Lors du débat à l’Assemblée sur l’Ukraine, Aurélien Saintoul, député LFI, a poursuivi : « M. Macron a affaibli l’appareil diplomatique, accumulant depuis trois ans des manifestations indécises. »
Face aux médias, les leaders de LFI affirment voir clair dans la stratégie de Macron visant à étouffer les critiques. « C’est sa tactique pour renforcer son rôle régalien », commente Éric Coquerel, président LFI de la commission des finances.
Quant au RN, le silence gêné a dominé après l’incident au Bureau ovale. Ce silence suit leurs éloges passés pour Trump ou Poutine. Marine Le Pen s’est finalement exprimée samedi au Salon de l’agriculture, critiquant Macron sur la dissuasion nucléaire, qu’elle estime devoir rester cloisonnée à la France. Elle a déploré « l’absence d’une voix forte et indépendante que la France devrait incarner ».
Ces remarques ont valu à Le Pen des réprimandes d’Emmanuel Macron à son retour de Londres. « Ces questions nécessitent du sérieux, Mme Le Pen ne l’est pas. Elle ou M. Bardella auraient dû être à la réunion au format Saint-Denis de la semaine passée. L’un était à Washington découvrant M. Steve Bannon exécutant des gestes nazis, tandis que Mme Le Pen semblait prendre des vacances… », a-t-il déclaré dimanche dans Le Figaro.
Un impact trop incertain pour la France
Le RN persiste dans son opposition à Macron tout en affichant sa confiance. « Je doute que les Français considèrent Emmanuel Macron comme l’homme de la situation », confie un collaborateur de Marine Le Pen. Toutefois, Philippe Moreau Chevrolet estime que le contexte affaiblit l’extrême droite, notamment le RN ou Reconquête. Le consultant entrevoit des répercussions durables sur la politique nationale : « Ce qui est en jeu ici, c’est la présidentielle de 2027. Se rapprocher de Macron ne sera pas handicapant, si cette tendance se maintient. Les populistes français risquent de se radicaliser, à leurs dépens », prédit-il.
« Emmanuel Macron a trouvé un rôle adapté à la fin de son mandat, la politique nationale est en arrière-plan. »
Philippe Moreau Chevrolet, consultantd’après 42mag.fr
Certains restent toutefois plus réservés. « Il est prématuré de tirer des conclusions d’ampleur nationale », observe un allié de François Bayrou. « La situation ici ne reflète pas celle du Canada, où Trump a attaqué Justin Trudeau augmentant considérablement l’intention de voter pour son parti », explique Mathieu Gallard de l’institut Ipsos. « Il faudrait une tension significative entre les deux pour que Macron échappe durablement à la baisse de popularité aux yeux des Français. »
Sur le plan international, Macron pourrait être en compétition pour le leadership européen avec des figures comme le Britannique Keir Starmer, l’Italienne Giorgia Meloni, le Polonais Donald Tusk ou l’Allemand Friedrich Merz. Néanmoins, le président français estime avoir des atouts distincts en Europe : sa connaissance politique, sa relation avec Trump et la puissance militaire et nucléaire de la France. Le 2 octobre 2024, il affirmait à Berlin sa détermination à se concentrer sur les réformes à l’échelle européenne, devenu son champ d’action privilégié en l’absence de marges de manœuvre en politique intérieure.