François Bayrou a été contraint de réunir cinq ministres qui ne partageaient pas le même avis concernant la prohibition du voile dans le cadre des compétitions sportives, les exhortant à adopter une position de « solidarité ». Cette différence d’opinions au sein du gouvernement, visible parmi plusieurs responsables, ne saurait se justifier uniquement par l’instabilité politique du moment.
Le 18 mars, François Bayrou s’est efforcé de rétablir un semblant d’harmonie au sein du gouvernement, car un Premier ministre doit agir tel un chef d’orchestre. Réunir les efforts de son équipe fait partie de ses responsabilités. Cependant, dernièrement, la situation semblait si désordonnée qu’on pouvait se demander s’il y avait encore un chef à la baguette et si l’orchestre existait toujours. Les ministres semblaient suivre chacun leur propre agenda, de plus en plus intensément, allant même jusqu’à se contredire en public. Marie Barsacq, ministre des Sports, a provoqué la colère de Gérald Darmanin en affirmant que le port du voile n’était pas forcément associé à de l’«entrisme» ou à une «radicalisation» dans le sport. Gérald Darmanin a vivement critiqué, mardi matin sur TF1, non seulement elle, mais également Élisabeth Borne, ministre de l’Éducation Nationale, en les accusant de faire preuve de «naïveté».
François Bayrou a alors convoqué ces ministres afin de dénoncer ce qu’il a appelé des «attaques internes inacceptables» et pour demander qu’elles cessent. Toutefois, il a donné raison à Gérald Darmanin sur l’essence du débat, en validant l’interdiction des signes religieux lors des compétitions sportives, approuvée par une proposition législative de droite adoptée au Sénat. Il est à noter que Gérald Darmanin avait recours à une forme de pression largement répandue au gouvernement : la menace de démission.
Discordance au sein du gouvernement
Mardi matin, Gérald Darmanin avait menacé de quitter le gouvernement si sa position sur l’interdiction du voile dans le sport n’était pas soutenue. Cette méthode avait auparavant été mise en œuvre par Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, le dimanche précédent. Il laissait entendre qu’il pourrait se retirer si sa position n’était pas respectée dans le conflit en cours concernant l’expulsion des ressortissants algériens sous OQTF. Autrefois, selon Jean-Pierre Chevènement, un ministre gardait ses opinions pour lui ou démissionnait. Aujourd’hui, ils parlent et menacent, sans toutefois agir.
La vulnérabilité politique de ce gouvernement, qui ne bénéficie pas d’une majorité stable à l’Assemblée, peut expliquer cette situation, mais François Bayrou n’est pas exempt de responsabilité. Il permet à ses ministres d’exprimer leurs opinions personnelles. Il fait de même, comme ce fut le cas mardi à l’Assemblée, où il a déclaré, «comme citoyen, comme observateur», qu’il est irréaliste de ramener l’âge de la retraite à 62 ans. Ce double discours contribue à la confusion. Ainsi, la diversité des voix au sein du gouvernement se transforme en un désordre sonore. Et François Bayrou se retrouve à nouveau avec sa métaphore de la brouette. Vous vous souvenez de sa célèbre phrase lancée il y a environ quinze ans : «Rassembler les centristes, c’est comme conduire une brouette pleine de grenouilles : elles sautent dans tous les sens !». Eh bien, il semble que les ministres agissent de la même façon, et François Bayrou en a assez… des grenouilles, sans surprise.