Luc Rémont, après avoir été écarté d’EDF, prend la parole dans une interview accordée lundi au « Figaro » pour justifier ses actions passées et souligner ses désaccords avec les orientations de l’État.
Luc Rémont, à la tête du groupe public EDF, a été informé de son prochain renvoi par le ministre de l’Économie, en raison de divergences stratégiques, le vendredi 21 mars 2025. Quelques jours plus tard, ce lundi, il s’exprime sans détour dans les pages du Figaro. Selon Rémont, « il existe une véritable détérioration dans la capacité de l’État à concevoir des transformations au sein des entreprises, à prendre des décisions et à respecter ses engagements ». Ces propos, lancés au détour d’une longue interview, pourraient fortement interpeller Emmanuel Macron lors de la revue de presse matinale à l’Élysée. Le directeur sur le départ critique également le manque de soutien de l’État dans le financement de la renaissance du nucléaire. Après Jean-Bernard Lévy, son prédécesseur, Luc Rémont appartient à la liste des gestionnaires sacrifiés en raison des hésitations politiques persistantes depuis plus de dix ans et de la politique de « stop-and-go » sur le nucléaire décidée par les plus hautes autorités de l’État.
Le déroulement des événements a été rapide. Le destin du PDG d’EDF a été scellé vendredi lorsque le ministre de l’Économie lui a annoncé que son mandat à la tête de l’entreprise ne serait pas renouvelé pour l’été 2025. Rémont a été remercié quelques jours après une réunion consacrée à la politique nucléaire autour du président de la République, faisant le point sur l’avancement du programme de construction de six réacteurs EPR2 de nouvelle génération. L’Élysée, insatisfait de la lenteur perçue du projet, a été confronté à la contestation de chefs de grands groupes industriels quant à la pression exercée par EDF sur les tarifs énergétiques. La décision de le congédier a ainsi été prise à l’Élysée.
Les défis électriques de la France
Luc Rémont est arrivé à la tête d’EDF dans une période particulièrement agitée. Sa nomination en 2022 coïncidait avec le sommet de la crise énergétique, tandis qu’un grand nombre des installations nucléaires du pays étaient à l’arrêt en raison de problèmes de corrosion. Rémont a réussi à redresser les performances opérationnelles et financières de l’entreprise, mais son arrivée marquait aussi la fin programmée pour 2026 du système de tarification de l’électricité pour les industriels en place depuis environ quinze ans.
Ce régime tarifaire a essuyé de nombreuses critiques, étant souvent perçu comme nuisant aux intérêts d’EDF, qui affiche aujourd’hui une dette de 54 milliards d’euros. Selon Patrice Geoffron, économiste et directeur du Centre de Géopolitique de l’Énergie et des Matières Premières, cette crise à la direction d’EDF révèle les difficultés que la France rencontre pour faire face aux lourds investissements nécessaires dans le domaine électrique, depuis l’extension de la durée de vie des centrales nucléaires actuelles à l’entretien des réseaux de distribution, sans oublier la gestion des énergies renouvelables. Le futur remplaçant de Luc Rémont, Bernard Fontana, actuellement à la tête de Framatome et expert du nucléaire, hérite ainsi d’un contexte industriel et politique très complexe.