Un courant contraire aux principes de liberté se propage de l’autre côté de l’Atlantique et touche également les régimes démocratiques du continent européen. En ce qui concerne le projet de l’autoroute A69, les procédures légales apparaissent souvent sans fin et parfois incohérentes. Cependant, en fin de compte, c’est bien la législation qui triomphe.
Le projet controversé de l’autoroute A69 reliant Castres à Toulouse a franchi une nouvelle étape importante le lundi 24 mars, lorsque l’État a décidé de faire appel suite à la décision du tribunal administratif qui avait imposé l’arrêt du chantier, vivement critiqué par les mouvements écologistes. Cette initiative a été saluée par les nombreux manifestants en faveur de l’A69, qui s’étaient réunis sur le site le 8 mars. À l’inverse, des opposants estiment que ce choix va à l’encontre des intérêts de la région, comme l’affirme le collectif écologiste menant la protestation. Certains pointent les coûts déjà engagés ou s’inquiètent des répercussions économiques considérables qu’implique un arrêt définitif des travaux. Cependant, cette situation pourrait être vue comme un exemple instructif de notre système juridique.
Dans ce dossier, les décisions des juridictions semblent parfois contradictoires, mais pour l’instant, la loi prime et chacun doit la respecter. Cette réalité peut sembler moins évidente aujourd’hui, alors que l’État de droit est de plus en plus remis en question, même au sein de démocraties jadis considérées comme robustes. Aux États-Unis, Donald Trump a initié un mouvement visant à soumettre les agences indépendantes et à affaiblir l’État fédéral par une série de décrets souvent jugés non conformes à la Constitution. Ce programme de déconstruction rencontre de nombreuses objections judiciaires, confrontant le président américain à une résistance judiciaire, au point qu’il appelle à destituer des juges fédéraux opposants. Ce vent d’idées illibérales souffle également sur l’Europe, touchant des pays comme la Slovaquie ou la Hongrie. Là-bas, le Premier ministre Viktor Orban a récemment promis de « liquider » juges, ONG et médias qu’il qualifie de « punaises ». En Israël, Benyamin Nétanyahou s’en prend désormais à la procureure générale et brandit à son tour l’épouvantail de « l’État profond », un concept trumpiste repris par bon nombre de populistes.
La situation en France
La France aussi ressent les effets de ce courant illibéral. À l’automne 2024, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a déclaré que l’État de droit n’était « ni immuable, ni sacré ». Marine Le Pen, lors de l’annonce des accusations à son encontre, avait parlé d’une « atteinte très grave à la démocratie » et incité à « la révolte » en parlant des « millions de Français privés d’espérance ». Si elle venait à être lourdement condamnée lundi prochain, elle pourrait bien invoquer « la voix du peuple » contre les décisions de ce qu’elle appelle un « gouvernement des juges ». Le Conseil constitutionnel est lui aussi la cible de critiques de plus en plus fréquentes. Laurent Wauquiez est même allé jusqu’à évoquer un « coup d’État de droit » après la censure par les Sages de la majeure partie de la dernière loi sur l’immigration.
Confronté à ces diverses pressions militantes, le droit n’a pas toujours le dernier mot. Édouard Philippe avait renoncé à construire l’aéroport de Notre-Dame des Landes, bien que validé par la justice et un référendum local, cédant ainsi aux opposants zadistes. Certes, l’État de droit implique un ensemble de procédures souvent longues, complexes et coûteuses. Néanmoins, il demeure un bien inestimable, essentiel pour sauvegarder un cadre commun contre l’arbitraire.