Certains membres des partis de droite et d’extrême droite prétendent le contraire, mais les limitations imposées aux véhicules à moteur thermique ont effectivement réduit les niveaux de particules fines et d’oxydes d’azote dans l’air. Ces deux polluants sont connus pour avoir des effets nuisibles sur la santé humaine.
Les Zones à Faibles Émissions (ZFE) en France connaissent un véritable coup de théâtre. Le mercredi 26 mars, lors de la commission spéciale chargée d’évaluer le projet de loi de simplification de l’économie, les députés ont opté pour l’annulation des ZFE. Ce changement, soutenu par des amendements proposés par des élus des Républicains et du Rassemblement national, a été approuvé malgré l’opposition du gouvernement, grâce au soutien de députés de l’extrême droite, de la droite et même du camp présidentiel, ainsi qu’à l’abstention de certains élus de gauche. Ce vote n’est pas final : l’Assemblée nationale doit examiner de nouveau la question des ZFE lors de ses débats prévus à partir du 8 avril.
Le thème des ZFE est particulièrement sensible. Lancées en 2019 et élargies en 2021, ces zones interdisent l’accès à 25 grandes villes françaises aux véhicules les plus anciens et polluants, en s’appuyant sur les critères de la vignette Crit’Air. Pierre Meurin, député du RN, affirme que les ZFE représentent une « véritable plaie sociale ». Selon Laurent Wauquiez, chef des députés LR, elles constituent « une menace territoriale fragmentante ». Derrière le débat sur l’acceptabilité sociale et régionale de cette mesure, quel est véritablement l’impact des ZFE pour atteindre leur objectif d’amélioration de la qualité de l’air ?
Réduction modeste des particules fines grâce aux ZFE
Les particules fines constituent une menace majeure pour la qualité de l’air. Ce mélange de substances chimiques diverses est directement nocif pour notre santé, causant environ 40 000 décès chaque année en France, selon Santé publique France. Le ministère de la Transition écologique indique qu’environ 15% des émissions nationales de particules fines proviennent des transports, ce chiffre étant encore plus élevé dans les métropoles. Néanmoins, le secteur résidentiel, particulièrement à cause du chauffage au bois, est un contributeur encore plus important.
Dans ce cadre, les ZFE contribuent à réduire cette pollution, bien que de manière limitée. AirParif, l’organisme chargé de surveiller la qualité de l’air en Île-de-France, dans son rapport publié en janvier, a observé une réduction de 32% des émissions de particules fines (PM2,5) liées à la circulation routière depuis l’instauration de la zone de faibles émissions à Paris en 2017. Sur cette réduction, trois points sont imputables à la ZFE du Grand Paris.
Les autres diminutions des émissions dues au trafic routier sont expliquées par le renouvellement naturel des véhicules et une diminution des distances parcourues, encouragée par d’autres politiques publiques. Selon Matthias Beekmann, directeur de recherche au Laboratoire interuniversitaire des systèmes atmosphériques, les ZFE permettent non seulement ces réductions, mais elles accélèrent également d’autres initiatives visant à réduire les particules fines.
Un impact plus marquant sur les émissions d’oxydes d’azote
Lutte contre les émissions d’oxydes d’azote est un autre défi crucial pour améliorer l’air. Ici, l’impact des véhicules est déterminant. En 2022, le secteur des transports représentait presque la moitié des émissions de dioxyde d’azote en France, selon le comité ministériel sur la qualité de l’air urbain. Selon Santé publique France, environ 7 000 décès par an de 2016 à 2019 ont été imputés à ces émissions.
À Paris et Lyon, « les niveaux de dioxyde d’azote ont chuté de plus d’un tiers » depuis l’instauration des ZFE, rapporte Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique. Plus précisément, les émissions d’oxydes d’azote dues au trafic routier ont diminué de 42% entre 2017 et 2023 dans la région parisienne, dont six points directement dus à la ZFE, d’après AirParif.
La réduction considérable des oxydes d’azote, principalement issus des transports, est notable, car ce polluant est triple : « Il est nocif en lui-même, il génère des particules fines et il favorise la formation d’ozone de basse altitude, un autre polluant nocif pour les voies respiratoires », précise Antoine Trouche, ingénieur chez AirParif.
Méconnaissance des polluants hors échappement
Au sein du dispositif ZFE, un élément clé est la vignette Crit’Air. Ce macaron coloré est fixé sur les véhicules en fonction de leurs émissions, déterminées par les normes Euro. Cependant, ces normes ne prennent en compte actuellement que les émissions d’échappement. Toutefois, une partie significative des particules fines émises provient d’autres sources, telles que l’abrasion des freins et l’usure des pneus. « Les émissions hors échappement représentent l’aspect négligé des ZFE », souligne un rapport parlementaire.
Pour remédier à ce problème, l’Union européenne a adopté de nouvelles régulations, appelées Euro 7, en avril 2024. Celles-ci couvrent les polluants issus des gaz d’échappement, ainsi que ceux dus à l’abrasion des pneus et aux particules de frein. La question reste de savoir quand cette norme sera intégrée aux vignettes Crit’Air et appliquées aux ZFE.
Règles plus strictes pour un impact accru
En France, les ZFE diffèrent entre elles. Depuis le 1er janvier, quatre villes (Paris, Lyon, Grenoble et Montpellier) ont durci leurs restrictions, interdisant les véhicules Crit’Air 3. Les autres ZFE ont conservé des réglementations plus légères, limitant les interdictions aux vignettes Crit’Air 4. Cette différence a un impact sur la qualité de l’air.
AirParif anticipe qu’interdire les véhicules Crit’Air 3 conduira à une réduction de 14% des émissions d’oxydes d’azote et de 13% des particules fines dues au trafic. En conséquence, le nombre de personnes exposées « à des concentrations de polluants dépassant les limites réglementaires actuelles » pourrait diminuer de 40% en Île-de-France.
Ce bénéfice sanitaire ne se limite pas aux zones couvertes par la ZFE parisienne. Contrairement à l’idée que la pollution se déplace vers les communes hors A86, la ZFE pourrait entraîner une réduction des émissions, de l’ordre de 4% pour les oxydes d’azote et les particules fines, dans toute l’Île-de-France, explique l’observatoire de l’air en Île-de-France.