Au cours des derniers jours, un courrier électronique a été adressé aux grandes entreprises françaises, leur signifiant qu’elles doivent cesser toute pratique de discrimination positive si elles souhaitent maintenir leurs relations de travail avec les autorités américaines.
« Si vous n’acceptez pas, stipule le message adressé à de nombreuses sociétés françaises récemment par l’ambassade américaine, nous vous prions de bien vouloir nous transmettre vos raisons en détail. » Ainsi, l’administration Trump semble mener une offensive contre les politiques de diversité et d’inclusion en vigueur en France et en Europe, perçues comme une nouvelle lutte contre le « wokisme, » un concept que le président américain et ses partisans considèrent comme une dégénérescence.
« C’est à la fois de l’interférence et du chantage, » déclare Sylvie Mattely, économiste et directrice à l’Institut Jacques Delors, soulignant une « logique » très distincte entre le premier et le second mandat de Donald Trump. Alors que son premier mandat avait pour objectif « de restaurer la grandeur économique de l’Amérique, » le second poursuit, selon elle, « un objectif beaucoup plus vaste, culturel et social, » en s’attaquant aux « valeurs. »
Un dilemme difficile pour les entreprises bien établies
« En principe, toutes les entreprises européennes ont reçu un message similaire, » précise Sylvie Mattely, qui y voit une forme d’« ingérence dans les affaires privées » et une volonté d’« influer sur les décisions stratégiques des entreprises. » Et même si ce genre de discussions a déjà eu lieu à propos du rôle des sociétés à l’échelle internationale, notamment dans des contextes comme celui de la Russie ou d’autres conflits, la pression exercée ici est jugée « considérable » car les États-Unis représentent « le marché le plus vaste au monde, » explique-t-elle.
C’est donc un choix qui s’annonce « difficile » pour ces entreprises, comme l’indique l’économiste. Elles devront évaluer les menaces pesant sur « leurs intérêts aux États-Unis si elles ne répondent pas à ce message » tout en considérant les conséquences potentielles sur « leur image » et les risques de « boycott » en cas de soumission.
Les répercussions éventuelles de cette pression pourraient être « désastreuses » pour certaines compagnies fortement implantées sur le territoire, alerte l’experte en économie internationale, puisque cela pourrait les priver « d’accès aux marchés publics américains. » Et bien que les modalités par lesquelles l’exécutif américain envisagerait de vérifier chaque société soient encore floues, « les plus grandes entreprises sont les plus vulnérables, » assure Sylvie Mattely.
Adopter une position intransigeante
L’économiste confirme la position du dirigeant du Medef qui a répliqué avec fermeté en affirmant qu’il était « inacceptable » de revenir sur des politiques « hautement respectables » concernant la diversité et l’inclusion, notamment pour les personnes handicapées. « Il est crucial de montrer qu’on ne cède pas, » souligne Sylvie Mattely. Sinon, « cela ouvrirait la voie à toutes sortes d’abus, d’immixtion, de coercition et de chantage, » qui pourraient également concerner des questions comme la réduction des émissions carbone par les industries, ajoute-t-elle.
Finalement, elle mentionne la possibilité d’une réponse commune de la part des Européens, qui pourraient « solliciter des explications et se positionner officiellement sur ces sujets, car il s’agit d’une question particulièrement sérieuse. »