En se présentant pour renouveler son mandat, le premier secrétaire du Parti socialiste se prépare à affronter une alliance constituée de ses anciens adversaires, dirigée par Nicolas Mayer-Rossignol, ainsi que par Boris Vallaud, un ancien allié influent.
Pour Olivier Faure, le prochain congrès représente un défi majeur. Le chef du Parti Socialiste remet son poste en jeu au printemps 2025, après sept ans de leadership, à l’issue d’une période difficile suite au mandat de François Hollande. Plus que lors des congrès de 2021 et 2023, ses opposants semblent déterminés à le détrôner lors du 91e congrès du parti, qui se déroulera à Nancy, du 13 au 15 juin.
Cependant, les enjeux se décideront avant cet événement : après la présentation des « contributions générales » au début d’avril, où les directions stratégiques seront exposées, les divers courants du PS publieront le 26 avril des « textes d’orientation » qui concrétiseront ces directions en des motions. Ces textes feront ensuite l’objet d’un vote à la fin mai, suivi de l’élection du Premier secrétaire le 5 juin.
Une coalition anti-Faure
Trois « textes d’orientation » seront soumis samedi, à commencer par celui d’Olivier Faure, qui est candidat à sa propre succession. Le député de Seine-et-Marne ambitionne un quatrième mandat pour « poursuivre notre travail et raviver la gauche ». Il affrontera, comme en 2023, deux courants. Cependant, ses rivaux à Marseille, Hélène Geoffroy et Nicolas Mayer-Rossignol, ont décidé d’unir leurs forces pour le vote.
Les maires de Vaulx-en-Velin et de Rouen ont annoncé la fusion de leurs mouvements avec celui de Philippe Brun, député de l’Eure. Cet ex-énarque, partisan d’une ligne populaire, s’est éloigné d’Olivier Faure après l’avoir soutenu au congrès précédent. Nicolas Mayer-Rossignol représentera cette coalition, déclarant qu’« il n’y a pas d’esprit de vengeance » envers le leader sortant.
Faure affrontera également un autre rival, lui aussi ancien allié lors du congrès de Marseille, marqué par des tensions et des accusations de fraude, exposant une fracture interne du parti. Le président du groupe PS, Boris Vallaud, a choisi cette année de se lancer seul, avec pour objectif de rassembler autant les partisans que les opposants de Faure. « Ce n’est pas une candidature pour exclure les autres, mais pour unir », expliquait-il en mars lors de sa déclaration.
« Un dirigeant isolé »
Pourquoi Olivier Faure fait-il face à une telle opposition, y compris venant de ses anciens soutiens? Selon le politologue Rémi Lefebvre, ceci s’explique en partie par les dynamiques du congrès de Marseille. « Le leadership de Faure est fragile, il a pris la tête du parti avec seulement 50% de soutien. Ses adversaires sont bien armés », déclare l’auteur de Faut-il désespérer de la gauche ?. Il critique aussi la gestion du parti, soulignant un manque de travail sur les idées au sein du PS, moins actif que La France insoumise, avec des élus locaux peu impliqués.
« Il y a eu un grand manque de travail ces dernières années. »
Philippe Brun, député PS et critique d’Olivier Fauresur France 2
Une autre critique faite à Faure est qu’il n’a pas favorisé la collégialité depuis qu’il a repris le PS en 2018. « Ils ne réalisent pas combien le clanisme a pénétré toute la structure », affirme un élu opposant. Toutefois, un député fidèle à Faure corrige : « C’est un malentendu. Olivier n’est pas un homme de clans, mais plutôt un solitaire ». « Ces critiques sont exagérées », déclare Emma Rafowicz, eurodéputée et alliée de Faure à Paris.
Accusations de « clanisme » réfutées
Bien qu’Olivier Faure ait pris ses distances avec LFI en refusant de censurer le gouvernement de François Bayrou, certains opposants lui reprochent de ne pas avoir suffisamment coupé les liens avec la gauche radicale. « Il est encore influencé par LFI », critique un parlementaire, ajoutant que même s’il conserve le pouvoir, le parti restera divisé.
Les partisans de Faure soulignent que le PS a doublé le nombre de ses députés entre 2022 et 2024, en s’alliant au Nouveau Front populaire. Le PS a aussi surpassé LFI lors des élections européennes de 2024 en collaborant avec Raphaël Glucksmann et Place publique. « Faure a su repositionner le PS à gauche et se détacher de LFI », analyse Rémi Lefebvre.
« La stratégie de Faure porte ses fruits pour le PS: un ancrage à gauche, sans céder au social-libéralisme tout en se démarquant des vues de LFI. »
Emma Rafowicz, députée européenne PSà 42mag.fr
Pour le camp Faure, l’unification des opposants clarifie les choses. « Il y a ceux qui veulent poursuivre une stratégie ascendante pour la gauche, et ceux qui veulent revenir à l’ère Hollande », constate Emma Rafowicz.
Quelle voie pour 2027 ?
Au-delà du bilan de Faure, la stratégie pour 2027 divise le PS. Deux visions s’affrontent : les anti-Faure veulent affirmer le parti avec une alliance avec Place publique, tandis que les fidèles de Faure souhaitent continuer la coopération avec les écologistes et communistes, pour un candidat pas nécessairement socialiste. « Le PS doit-il rester une force parmi d’autres ou être le candidat naturel de la gauche? », résume Rémi Lefebvre.
Boris Vallaud propose une solution intermédiaire, avec une « affirmation socialiste suivie d’une ouverture vers la gauche », une stratégie soutenue par Faure, allant de Raphaël Glucksmann à François Ruffin.
Dans cette lutte stratégique, chaque faction reproche à l’autre de trop se concentrer sur la présidentielle au lieu des enjeux immédiats, comme le positionnement face au gouvernement de Bayrou ou la préparation des municipales de 2026. Bien que tous assurent que le congrès de Nancy ne répétera pas celui de Marseille, les tensions laissent présager une confrontation intense. Ce scrutin est crucial pour l’ensemble de la gauche, de LFI au camp présidentiel, en passant par les tendances de François Ruffin, Marine Tondelier, et Raphaël Glucksmann.