La proposition de loi du sénateur socialiste Hussein Bourgi a reçu un soutien unanime, bien que la gauche l’ait trouvée « insatisfaisante ». L’Assemblée nationale devra à nouveau examiner le texte en deuxième lecture, car des divergences ont été soulignées entre les deux chambres.
Le différend perdure avec les députés. Le Sénat a de nouveau approuvé, mardi 6 mai, une proposition de loi visant à réhabiliter les personnes condamnées en raison de leur homosexualité en France, mais a refusé d’y inclure une dimension indemnitaire, comme l’avait décidé l’Assemblée nationale. Le texte, initié par le sénateur socialiste Hussein Bourgi, a été adopté à l’unanimité, bien que la gauche l’ait qualifié d’ « insatisfaisant ». L’objectif est de faire reconnaître par la France sa politique discriminatoire envers les homosexuels de 1942 à 1982, année de la dépénalisation totale de l’homosexualité.
Deux anciens articles du code pénal sont concernés : l’un fixant un âge de consentement spécifique pour les relations homosexuelles, l’autre renforçant la répression de l’outrage public à la pudeur lorsqu’il s’agissait de personnes de même sexe. Environ 10 000 condamnations ont résulté de l’article concernant l’âge de consentement et près de 40 000 pour outrage public à la pudeur homosexuelle, selon Régis Schlagdenhauffen, maître de conférences à l’EHESS.
« L’État n’a pas uniquement toléré l’homophobie, il l’a légitimée, institutionnalisée et orchestrée. Il n’a pas seulement permis, il a condamné et persécuté (…) Prendre cette responsabilité, c’est refuser l’oubli », a affirmé la ministre déléguée à la lutte contre les discriminations, Aurore Bergé, qui soutient le texte. Cependant, la gauche au Sénat n’a pas réussi à réintroduire un mécanisme de compensation financière pour les personnes condamnées, qui prévoyait une allocation de 10 000 euros, avec un supplément de 150 euros par jour de détention.
« Il est impératif de ne pas tergiverser »
Cette disposition comprise dans la version initiale est la principale source de désaccord entre les deux chambres : elle a été adoptée par l’Assemblée nationale, mais suscite des réserves parmi les groupes de droite et du centre au Sénat, qui la jugent imparfaite sur le plan juridique et redoutent des litiges. « Il n’existe pas de précédent en France », a souligné le sénateur Les Républicains Francis Szpiner. « La République doit demander pardon pour une situation indéniablement discriminante, mais aller plus loin semble déraisonnable », a-t-il ajouté.
La gauche a exprimé sa désapprobation face à cette posture. « Il est impératif de ne pas tergiverser, de ne pas marchander lorsqu’il est question de la dignité humaine », a déclaré Hussein Bourgi. « Reconnaître un préjudice sans le compenser, c’est ne pas le reconnaître entièrement », a renchéri l’écologiste Mélanie Vogel. Le gouvernement partage l’avis de la droite sénatoriale, Aurore Bergé affirmant que « une réparation financière ne peut découler d’une application directe d’une loi pénale », évoquant également des obstacles liés à la prescription.
Autre désaccord entre le Sénat et le gouvernement d’une part, et les députés de l’autre : la période couverte par cette loi mémorielle. L’Assemblée souhaitait qu’elle débute en 1942, tandis que le Sénat a opté pour 1945, estimant que la République ne devait pas « s’excuser pour les crimes du régime de Vichy ». Le désaccord persistant entre les sénateurs et les députés obligera l’Assemblée nationale à discuter à nouveau de la proposition de loi en seconde lecture avant toute mise en application du texte, soutenu par les associations de défense des droits LGBT+.