Le chef du gouvernement affirme, sous serment, n’avoir été informé des agressions physiques et sexuelles dans l’école catholique que par les médias.
« Jamais, je n’ai modifié ma version. » François Bayrou s’est montré très déterminé, mercredi 14 mai, lors de son passage à l’Assemblée nationale, face aux accusations de dissimulation ou de complaisance envers les responsables de l’institut Notre-Dame de Bétharram. Le Premier ministre a exploité son passage devant la commission d’enquête parlementaire sur les violences en milieu scolaire pour adresser un message aux « victimes ». Il a aussi accusé Paul Vannier, le co-rapporteur de la commission, de « malhonnêteté » dans sa démarche. Voici ce qu’il a déclaré devant les rapporteurs Violette Spillebout (Renaissance) et Paul Vannier (LFI), qui ont mené la plupart des interrogations.
Il réaffirme sous serment n’avoir eu « aucune information privilégiée » concernant les violences
François Bayrou a juré ne jamais avoir eu accès à « d’autres informations » que celles parues dans « la presse » lorsqu’il occupait le poste de ministre de l’Éducation nationale dans les années 1990, en rapport avec les violences à Notre-Dame-de-Bétharram. « Je n’ai reçu aucun renseignement privilégié », a-t-il assuré.
Il a insisté : « En étant ministre de l’Éducation et député de cette région, je n’ai jamais été informé de violences graves, et encore moins sexuelles ». Cette déclaration a récemment été contestée par plusieurs témoins, y compris sa fille aînée, Hélène Perlant, qui a révélé avoir été elle-même victime de violences.
Un rapport d’enquête académique avait été initié par le rectorat en 1996, sous la direction de François Bayrou. Violette Spillebout a noté que cette investigation était plutôt « expédiée » et « superficielle ». Pourtant, le Premier ministre affirme qu’il s’agissait d’une « véritable vérification ». Ce rapport a été requis après qu’un parent d’élève a médiatisé la plainte d’une gifle violente donnée à son enfant.
Paul Vannier a aussi déniché, dans les archives de l’institut Beau-Rameau, ex-Notre-Dame-de-Bétharram, un document de 1996 où le directeur d’alors indiquait avoir été approché par François Bayrou pour discuter des violences au sein de l’établissement. Selon l’élu LFI, cela prouve que l’ex-ministre était informé des incidents. « Cela montre que j’ai reconnu un problème à l’époque », a rétorqué François Bayrou.
Il exprime sa compassion pour les « victimes » et recommande la création d’une « institution indépendante »
François Bayrou a jugé fondamentale son audition à l’Assemblée pour les « victimes » de violences physiques et sexuelles. « Rien n’est plus ignoble que les adultes exploitant des enfants comme objets sexuels », a-t-il déclaré plus tard dans la soirée.
Il a aussi défendu la mise en place d’une « autorité indépendante » pour s’attaquer aux violences envers les enfants. Cette haute autorité inclurait un « conseil scientifique » et un « conseil des victimes ». Elle couvrirait « tous les établissements scolaires », mais aussi « les associations sportives« , « les associations culturelles« , et « les familles« , prenant modèle d’une loi appliquée en Allemagne.
Il fustige la « malhonnêteté » du co-rapporteur LFI Paul Vannier
Le dialogue était souvent tendu entre François Bayrou et Paul Vannier. Témoignant de son humeur, le Premier ministre avait posé à son côté le livre La Meute, sorti récemment, critiquant le fonctionnement de La France insoumise, dont fait partie Paul Vannier. François Bayrou a en particulier condamné la « malhonnêteté » du co-rapporteur.
De manière générale, François Bayrou a perçu son audition comme une tentative de le « piéger » pour le pousser à « démissionner ». « Je doute que la commission ait été vraiment objective », a-t-il affirmé. Il a aussi accusé Mediapart, qui a relayé plusieurs documents remettant en question son récit de l’affaire Bétharram, en disant : « Il y a de nombreuses altérations de la réalité dans Mediapart ».
Il accuse une témoin d’inventer des histoires
François Bayrou a accusé une témoin clé dans l’enquête Bétharram, qui avait été entendue avant lui par la commission parlementaire, d’avoir « fabriqué des histoires » devant les députés. Le Premier ministre a lu un extrait de la déclaration sous serment du 26 mars de Françoise Gullung, une ancienne enseignante de mathématiques à Bétharram de 1994 à 1996, disant qu’elle avait informé François Bayrou des violences de l’école, ce qu’il dément.
Dans le passage lu par le Premier ministre, la témoin rapportait avoir été affectée par la suite en Charente-Maritime, où un religieux lui aurait dit qu’elle était là pour « venger » son ami, le père Carricart. Selon François Bayrou, cela prouve « l’affabulation » de la témoin car « Madame Gullung ne peut pas connaître Carricart » qui était déjà parti depuis longtemps lorsque elle a été recrutée.
« Même s’il n’était plus directeur… il était encore très impliqué », a répliqué Violette Spillebout. « Il venait régulièrement, notamment pour des occasions religieuses ou des rencontres avec les parents d’élèves ».
Il nie avoir influencé le juge Christian Mirande
Concernant un supposé échange avec le juge Christian Mirande, chargé en 1998 d’une enquête sur une plainte pour viol contre le père Carricart, François Bayrou a dit ne pas « se souvenir » de cette conversation, mais faire confiance en ce que le juge a affirmé. L’ancien magistrat a déclaré à Sud Ouest que François Bayrou a exagéré l’affaire en prétendant ne pas lui avoir rendu visite pour discuter du dossier de viol implicant le père Carricart en 1998.
« Il n’avait rien à me signaler qui ne soit déjà dans le journal de la veille », a aussi affirmé le Premier ministre, réitérant la version de Christian Mirande selon laquelle le secret de l’instruction n’avait jamais été enfreint par les deux hommes. Néanmoins, cette version est contredite par Hélène Perlant. Elle a affirmé à Mediapart qu’elle se souvient de la soirée où François Bayrou lui aurait dit : « Ne le répète surtout pas, j’ai fait vœu de respecter le secret de l’instruction. »
« Penses-tu que cela soit possible? » lui aurait demandé François Bayrou à propos des soupçons contre le père Carricart. « Nous sommes restés là. Je lui ai dit : ‘Écoute…’ et il m’a répondu : ‘Il est en prison, qu’il y reste.’
Il se défend d’une gifle qu’il a donnée à un enfant en 2002
Paul Vannier a questionné François Bayrou sur une gifle administrée à un enfant en 2002 à Strasbourg, qui avait été filmée. « Ce que vous prétendez est absurde », a répliqué François Bayrou. Le Premier ministre s’est défendu en évoquant le moment « extrêmement tendu » de l’époque. « Ce n’était pas vraiment une gifle violente, juste une tape… Pour moi, ce n’est pas de la violence, mais un geste éducatif », a-t-il souligné.
« Cela signifierait que, pour vous, il existe des tapes éducatives et des gifles non violentes. Je pense que ce sont des éléments importants pour la suite de notre audition », a rétorqué le co-rapporteur insoumis. « Monsieur, toujours la même méthode. Vous vous appliquez à reformuler, sciemment et de manière scandaleuse, ce qu’on vous explique », s’est emporté François Bayrou avant une pause brève de l’audition.