Gérald Darmanin a révélé le projet d’implanter en Guyane une nouvelle maison d’arrêt à sécurité renforcée, située à Saint-Laurent-du-Maroni, au cœur de la forêt amazonienne.
« C’est avec une grande surprise que nous découvrons ces informations au moment même où le ministre effectue sa visite, relayées par des journaux basés en Métropole », déplore Jean-Luk Le West, vice-président de la collectivité territoriale de Guyane responsable notamment du développement économique et touristique, dans une interview diffusée dimanche 18 mai sur 42mag.fr. Cette réaction fait suite à l’annonce confirmée par Gérald Darmanin concernant la construction d’une prison de haute sécurité à Saint-Laurent-du-Maroni, en plein cœur de la forêt guyanaise, prévue pour accueillir 500 détenus.
Cette nouvelle structure pénitentiaire devra recevoir les condamnés pour les infractions les plus sévères liées au trafic de stupéfiants, ainsi que les personnes radicalisées. « Un tel projet aurait dû faire l’objet d’échanges préalables avec les représentants locaux », souligne Jean-Luk Le West. Il rappelle en effet que « ce projet de prison avait déjà été envisagé dans le cadre des accords de 2017, il ne s’agit donc pas d’une annonce surprise ». Soucieux de l’attractivité touristique du territoire, il ajoute : « Ma mission est de valoriser notre région auprès des visiteurs et je tiens à promouvoir une image bien plus positive que ce qui est trop souvent véhiculé par certains médias. »
« Les intérêts des 300 000 habitants de Guyane sont ignorés »
Saint-Laurent-du-Maroni, où la prison doit être implantée, est une ville de 50 000 habitants nichée au bord d’un fleuve constituant la frontière naturelle entre la Guyane et le Suriname sur une distance de 500 kilomètres. Cette cité fut autrefois le port d’arrivée du célèbre bagne, accueillant des bagnards venus de métropole entre 1850 et 1938. Tous ces éléments historiques accentuent le sentiment de consternation éprouvé par Jean-Luk Le West.
La Guyane représente « un territoire qui a su valoriser sa richesse en biodiversité, sa diversité culturelle et qui joue le rôle de porte d’entrée de la France et de l’Europe en Amérique du Sud. Il est regrettable que ce type d’annonce soit fait sans consultation ni préparation avec les élus locaux. C’est faire abstraction des attentes et de la réalité vécue par les 300 000 habitants qui peuplent cette région », regrette l’élu guyanais.
« La production de cocaïne n’a pas lieu en Guyane »
À propos du trafic de drogue, Jean-Luk Le West rappelle fermement que « la Guyane ne produit pas de cocaïne. Elle ne constitue qu’une simple voie de transit vers l’Europe ». Il précise que « les jeunes de Guyane, eux, sont souvent utilisés comme ‘mules’ pour transporter la drogue ». Toutefois, il souligne avec force que « sans consommateurs en Europe, il ne pourrait y avoir ni trafic ni transport. Il serait donc plus pertinent de s’attaquer aux racines du problème sur le continent européen avant de vouloir le régler en Guyane ».
« Dans une région où 57 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, il est facile de comprendre que face à la perspective de gagner 4 ou 5 000 euros en acceptant de traverser une frontière avec plusieurs centaines de grammes à un kilo de cocaïne sur soi, cette tentation financière devient très attractive », explique-t-il. Il pointe du doigt « une approche uniquement répressive » et dénonce « l’image négative que cette détention et ce discours sur la criminalité renvoient pour l’ensemble du territoire, ce qui est profondément triste ».