Le ministère de l’Intérieur a récemment publié les données concernant les agressions envers les représentants élus, en pleine augmentation des départs volontaires parmi les maires observée ces dernières années. Peut-on établir un rapport entre ces deux réalités ?
En 2024, un total de 2 501 incidents impliquant des élus locaux, comprenant des agressions physiques et des injures, ont été recensés. C’est ce que révèle une analyse statistique réalisée par le Centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (Calae), dont les résultats ont été communiqués lundi 19 mai par François-Noël Buffet, ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur.
Ces données rappellent immédiatement le cas du maire de Saint-Brévin, en Loire-Atlantique, qui a choisi de démissionner après avoir été la cible de multiples menaces et actes d’intimidation provenant de l’extrême droite, en opposition au transfert d’un centre d’accueil destiné aux demandeurs d’asile.
Le sentiment d’insécurité, quatrième cause de départ
Cette problématique a été abordée lors d’une interview accordée au ministre mardi matin sur TF1 : les agressions subies par les élus expliqueraient-elles la progression du nombre de démissions parmi les maires ? Face à cette question, le ministre a semblé hésiter dans sa réponse. « On observe depuis plusieurs années un certain volume de démissions de maires ou de conseillers municipaux qui, face à la difficulté, se retirent. Cependant, les raisons précises ne sont pas toujours claires, on ne connaît pas exactement les motifs derrière ces départs », a-t-il expliqué.
Cependant, une étude menée par le Cevipof, centre de recherche politique rattaché à Sciences Po, en collaboration avec l’Association des maires de France (AMF), publiée en novembre 2023, apporte des éléments sur les raisons qui poussent les élus à quitter leur mandat. Près de 6 000 élus, représentant la diversité des 30 000 maires en France, ont été interrogés dans cette enquête.
Les violences ne figurent qu’au quatrième rang dans la liste des causes de départ, représentant 10,7 % des motifs invoqués. Elles sont devancées par les exigences croissantes des administrés (13,6 %), la complexité accrue des relations avec les services étatiques (12,3 %) ainsi que la difficulté de concilier le rôle de maire avec la vie personnelle (11,7 %).
Le sentiment d’insécurité se situe donc juste devant les problèmes de conciliation entre mandat et vie professionnelle, cité par 10,1 % des sondés. Certains maires, encore en activité professionnelle, doivent en effet mettre leur carrière entre parenthèses, ce qui peut s’avérer particulièrement compliqué dans certains métiers, comme celui de médecin, risquant de perdre ainsi ses patients. Il est important de souligner que toutes ces raisons se tiennent dans une fourchette rapprochée, sans qu’aucune ne domine réellement.
Près de 60 % des maires hésitent à se représenter
Par ailleurs, avoir été victime d’agressions ou d’injures ne conduit pas nécessairement un élu à rendre son tablier. Par exemple, le maire de L’Haÿ-les-Roses, qui a été pris pour cible à son domicile, a redoublé d’engagement politique et a été élu député pour Les Républicains dans le Val-de-Marne en juillet 2024, après la dissolution.
Si les violences vécues ne provoquent pas systématiquement une démission en cours de mandat, elles peuvent néanmoins décourager certains maires à briguer un nouveau mandat, qu’il s’agisse d’un second, troisième ou même quatrième mandat. Une autre étude du Cevipof révèle que 60 % des maires envisagent de ne pas se représenter lors des prochaines élections municipales de 2026, ou sont encore indécis à ce sujet. Le sentiment d’insécurité est la deuxième raison la plus fréquemment citée pour expliquer ce choix ou cette hésitation, mentionnée par 19 % des élus concernés.
Ce sentiment d’insécurité est talonné de près par une raison bien différente : 20 % des maires indécis expriment le sentiment d’avoir atteint les objectifs qu’ils s’étaient fixés lors de leur mandat. En parallèle, 17 % évoquent un manque de moyens financiers ou fiscaux nécessaires pour mener à bien leurs projets. Enfin, 15 % invoquent leur âge ou les attentes trop fortes des habitants.