La déclaration attribuée à Lila Djellali, conseillère écologiste du 20e arrondissement de Paris, qui a circulé abondamment sur les plateformes sociales, constitue une version altérée et erronée d’une phrase initialement prononcée en 1967.
Lors du conseil municipal du 20e arrondissement de Paris, tenu lundi soir, Lila Djellali, conseillère élue sous l’étiquette écologiste, a pris la parole pour évoquer la situation à Gaza. Cependant, au cours de son discours, elle a tenu des propos à caractère antisémite qui ont rapidement circulé sur les réseaux sociaux. Elle a notamment cité une phrase attribuée, selon elle, à l’un de nos anciens présidents : « Le jour où l’on regroupera les juifs au même endroit, car aujourd’hui on craint qu’ils deviennent dominateurs, qu’ils accomplissent l’impensable. » C’est Charles de Gaulle qui l’a dite. »
Cette affirmation est totalement infondée. Charles de Gaulle n’a jamais prononcé ces mots précis. Ce que fait Lila Djellali, c’est détourner une phrase effectivement prononcée par De Gaulle, alors chef de l’État, lors d’une conférence de presse du 27 novembre 1967, quelques mois après la guerre des Six Jours.
Une citation erronée, remaniée et déformée
Ce jour-là, Charles de Gaulle critiquait ouvertement la politique militaire israélienne qu’il jugeait expansive, tout en appelant à une reconnaissance mutuelle des États dans la région du Proche-Orient. Il revenait aussi sur le parcours historique du peuple juif, ses nombreuses persécutions et son soutien en Europe. Dans ce contexte, il a déclaré : « Certains craignaient même que les Juifs, qui jusqu’à présent étaient dispersés mais qui sont restés ce qu’ils ont toujours été – un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur – ne finissent par transformer, une fois regroupés sur le territoire de leur ancienne grandeur, leurs vœux émouvants de dix-neuf siècles en une ambition ardente et conquérante. »
Cette formule avait suscité une vive controverse à son époque, tant en France qu’à l’international. Elle a été largement critiquée pour son caractère essentialiste et stigmatisant. Des personnalités telles que le philosophe Raymond Aron ou l’ancien Premier ministre Pierre Mendès France s’étaient publiquement insurgées contre cette déclaration. De même, le Congrès juif mondial avait dénoncé un propos qu’il qualifiait d’antisémite. Toutefois, contrairement à ce que laisse entendre Lila Djellali, De Gaulle ne prononce jamais l’expression “l’impensable” à propos des Juifs, ni n’évoque un quelconque danger lié à leur regroupement.
Une réprobation unanime des écologistes
Les déclarations de Lila Djellali ont immédiatement suscité une condamnation ferme. Éric Pliez, maire du 20e arrondissement, a qualifié ses propos d’antisémites et a insisté sur le fait qu’ils n’avaient pas leur place au sein d’une institution républicaine.
La formation politique Les Écologistes a immédiatement engagé une procédure disciplinaire à son encontre. Dans un communiqué, le parti a précisé avoir saisi en urgence le conseil en charge de la discipline, condamnant fermement les propos de son élue. Lila Djellali a publié des excuses sur les réseaux sociaux, reconnaissant qu’elle n’aurait pas dû “citer une phrase qui synthétise tous les clichés antisémites, en essentialisant les Juifs.” Elle s’est par ailleurs engagée à suivre une formation afin de ne pas reproduire cette erreur à l’avenir. Enfin, elle a annoncé qu’elle se mettait en retrait de ses fonctions municipales pour le moment.