Bruno Retailleau communique de façon claire et répétée un message principal : selon lui, les étrangers, et tout particulièrement ceux qui se trouvent en situation irrégulière, sont considérés comme des adversaires, dénonce Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de la Cimade, lors de son intervention mercredi sur 42mag.fr.
Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de l’association Cimade, a critiqué mercredi 18 juin sur 42mag.fr ce qu’elle qualifie d’« inspiration trumpiste » attribuée à Bruno Retailleau. Cette critique intervient alors que le ministre de l’Intérieur a annoncé la mobilisation de « 4 000 » agents des forces de l’ordre les mercredi et jeudi, dans le cadre d’une vaste opération nationale de contrôles ciblant l’immigration clandestine dans les gares et les transports en commun.
« Le message principal que véhicule le ministre de l’Intérieur est limpide. Il présente les personnes étrangères, en particulier celles en situation irrégulière, comme des ennemis, comme des individus dangereux », déclare Fanélie Carrey-Conte.
Elle met en garde contre les conséquences « graves en matière de fracture sociale » que ce type de discours peut engendrer. La responsable de la Cimade relève notamment « l’influence trumpiste » qui teinte cette mise en scène, cette communication visant à organiser une véritable chasse aux personnes désignées comme ennemies. Elle y perçoit « une forme d’imitation, une source d’inspiration » en provenance du président des États-Unis, auteur d’une politique draconienne d’arrestations et d’expulsions de migrants. « Cela n’a rien d’étonnant », affirme-t-elle : « Ce que l’on observe dans notre pays concernant la menace pesant sur l’État de droit est lié à des influences dépassant largement les strictes frontières nationales et européennes, et que l’on retrouve également au niveau international, notamment aux États-Unis. »
Une interprétation singulière des droits fondamentaux
Fanélie Carrey-Conte estime par ailleurs que ces opérations de contrôle aux frontières traduisent chez Bruno Retailleau une lecture très particulière, presque erronée, de l’État de droit. « Je crois qu’il ignore ce que signifie véritablement ce concept, ou du moins qu’il refuse de s’y intéresser », affirme-t-elle. À ses yeux, l’État de droit consiste « aussi à rappeler que si certains pouvoirs existent, des contre-pouvoirs doivent exister également, tout en garantissant des droits fondamentaux inscrits dans des conventions et engagements internationaux », et non seulement à refléter « ce que réclame l’opinion publique ».
En pointant du doigt « une large part de la classe politique » ainsi que « de nombreux acteurs médiatiques » qui « ressassent inlassablement ces discours », la secrétaire générale insiste sur le fait qu’en pratique, sur le terrain, la Cimade, épaulée par ses bénévoles et toutes celles et ceux qui s’impliquent, ainsi que par certaines collectivités locales, démontre qu’il existe « une France solidaire, une France porteuse de projets d’accueil ».
« La stigmatisation permanente, cette assimilation ininterrompue entre étrangers et personnes dangereuses ou délinquantes, envahit aujourd’hui notre société. »
Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de la Cimadeà 42mag.fr
Fanélie Carrey-Conte déplore le climat toxique qui entoure les personnes détenant un statut irrégulier. Elle relève « une accélération notable depuis plusieurs mois », mais souligne que cela « n’est pas arrivé par hasard ». Ce phénomène s’inscrit selon elle dans la continuité de politiques antérieures – « notamment dans la loi sur l’asile et l’immigration » portée par l’ancien ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, « qui précédait Monsieur Retailleau ». Elle décrit ainsi un « fil rouge concernant la remise en cause des droits fondamentaux et de l’État de droit, présent depuis plusieurs années ».
« Le slogan de la Cimade : “Il n’y a pas d’étrangers sur cette terre” signifie pour nous « que chaque individu dispose de droits fondamentaux », ajoute Fanélie Carrey-Conte. « Il est extrêmement triste que ces principes ne soient plus aujourd’hui défendus et reconnus par les autorités publiques et le gouvernement ».