Lors de son passage sur France Inter, Jacinda Ardern a expliqué qu’elle s’était majoritairement appuyée sur son instinct personnel pour prendre des décisions lorsqu’elle exerçait ses fonctions.
« De nombreux responsables se présentent en apparence comme des figures fortes, alors qu’aujourd’hui beaucoup attendent davantage d’humanité de leur part », a déclaré jeudi 19 juin sur France Inter l’ex-Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern. Celle qui, à 37 ans, est devenue la plus jeune cheffe de gouvernement au monde et a surpris son pays en annonçant sa démission cinq ans plus tard, se disant « épuisée », a publié mercredi son ouvrage Un autre art du pouvoir aux éditions Flammarion.
Dirigeante de la Nouvelle-Zélande de 2017 à 2023, Jacinda Ardern avait marqué les esprits en se présentant devant l’Assemblée générale des Nations Unies avec son bébé dans les bras, ou encore en portant un voile lors des commémorations des attentats de Christchurch. Elle affirme que ces gestes n’étaient pas motivés par une stratégie politique, mais plutôt par un mélange de « pragmatisme » et d’humanité.
« Privilégier l’humain avant d’être dirigeante »
« On imagine souvent que les responsables politiques réfléchissent uniquement à partir de calculs ou d’enquêtes d’opinion, mais dans bien des circonstances, notamment en temps de crise, il s’agit de suivre son intuition, » explique Jacinda Ardern. « Lors de ce tragique moment » [en parlant des attaques], « mon intuition m’a guidée à privilégier mon humanité avant le rôle de chef d’État. Ce n’est pas une posture novatrice, mais actuellement, de nombreux dirigeants se montrent comme des figures inébranlables, alors que la population attend davantage d’empathie et de sensibilité. »
Par cette approche, elle se démarque nettement des discours et des décisions agressives prises par des dirigeants tels que le président argentin Javier Milei ou l’ex-président américain Donald Trump. « Tous évoluent dans un contexte où la précarité économique, les menaces environnementales, les pandémies perturbent profondément les sociétés et leurs économies, » souligne l’ancienne Première ministre. « Beaucoup optent pour la peur et la culpabilisation comme méthodes de gouvernance. C’est une technique politique ancestrale, mais ces armes ne répondent pas aux attentes actuelles des populations. »
« L’empathie en politique n’est pas un signe de faiblesse ni une excuse pour éviter les décisions difficiles. C’est au contraire une prise de conscience lucide de son rôle, qui consiste à servir l’État et répondre aux besoins de sa communauté. »
Jacinda Ardern, ex-Première ministre de Nouvelle-Zélandesur France Inter
Jacinda Ardern déplore que « l’attention médiatique soit souvent concentrée sur ceux qui créent des tensions en attisant la haine et la colère. Cela génère des une en boucle, mais cela éloigne aussi les citoyens de la politique et accroît leur mécontentement », analyse-t-elle avec regret.
Elle critique également l’impact des réseaux sociaux et de leurs algorithmes, qui favorisent la diffusion de discours polarisés et de fausses informations, phénomène qu’elle a pu observer durant la crise sanitaire du Covid. « Il serait nécessaire de considérer les plateformes numériques comme des éditeurs de contenu et d’imposer des normes strictes sur leurs responsabilités », propose-t-elle.