Mercredi 2 juillet 2025, Richard Ramos, député MoDem représentant le Loiret, intervenait en tant qu’invité politique dans la « Matinale » de 42mag.fr. Au cours de cet entretien accordé à Alix Bouilhaguet, il a donné son point de vue sur la défaite de la motion de censure présentée par le Parti socialiste visant à faire tomber le gouvernement conduit par François Bayrou. Il s’est également exprimé sur la situation actuelle dans laquelle se trouve ce dernier à la suite de cet épisode politique.
Ce passage correspond à la transcription partielle de l’interview dont la vidéo est disponible ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour voir l’entretien complet.
Alix Bouilhaguet : Hier, François Bayrou a résisté à sa huitième motion de censure. Il demeure plus longtemps à Matignon que Michel Barnier et dépassera aussi le temps passé par Gabriel Attal à ce poste. Pourtant, cette victoire apparaît comme une victoire à la Pyrrhus, d’autant plus que les socialistes se sont désolidarisés de lui. En réalité, il dépend désormais du Rassemblement national. Peut-on parler d’un retour à la situation vécue sous Barnier ?
Richard Ramos : Ce n’est pas vraiment un retour à la situation Barnier, François Bayrou est toujours en poste. Aujourd’hui, la tentative de motion de censure des socialistes, par cette période caniculaire, ressemblait plutôt à un coup d’épée dans l’eau, un simple coup de tapette. Les socialistes savaient pertinemment que leur motion ne passerait pas. Quant à Monsieur Faure, il nourrit probablement l’ambition présidentielle, mais ses chances sont minces, autour de 2%. Avec cette motion, il voulait simplement afficher sa fidélité à la gauche.
François Bayrou a échoué à bâtir une alliance stable avec les socialistes. Il s’est même vanté de gouverner sans eux depuis six mois et hier, il a tourné en dérision leur démarche en leur délivrant un certificat d’opposition. C’est loin de renforcer une relation de confiance.
Une relation de confiance nécessite l’engagement des deux parties, comme dans un couple. Les socialistes, avec Monsieur Faure, ont choisi de poursuivre leur collaboration avec LFI. C’est leur décision. Quand on doit son poste de député à LFI, on comprend leur logique. Monsieur Bayrou, en tant que Premier ministre, ne va pas s’allier avec ceux qui cherchent à le déstabiliser à chaque instant. S’il y a des questions sur lesquelles nous devons coopérer avec les socialistes, nous le ferons, car beaucoup d’entre eux manifestent leur volonté de travailler avec nous. Mais Monsieur Faure a clairement adopté une ligne proche de LFI.
« François Bayrou a innové dans la gestion des retraites »
Alors, qui est responsable de l’échec du conclave sur les retraites ? Ce point cristallise la rupture. Les socialistes reprochent au Premier ministre d’avoir fait échouer ce conclave.
Je ne pense pas que ce soit lui qui ait sciemment saboté le processus. François Bayrou a tenté une démarche inédite depuis huit ans : faire travailler ensemble les corps intermédiaires, notamment les syndicats, pour parvenir à un accord. Même si ce consensus n’a pas été atteint, ils étaient proches d’un compromis. Dans un pays en difficulté, l’incapacité à s’entendre est un échec collectif. Ce n’est pas seulement la défaite de Bayrou, mais celle de tous, car il a au moins essayé. Il a donné aux syndicats, qu’ils représentent les patrons ou les salariés, la responsabilité de négocier. Mais ces derniers n’ont pas voulu saisir cette opportunité. J’ai aussi le sentiment que le président de la République ne souhaitait pas que le patronat valide ces accords, craignant que cela ne fragilise François Bayrou.
Quand vous dites cela, voulez-vous dire qu’Emmanuel Macron aurait personnellement contacté Brick Martin, le président du MEDEF, pour lui demander d’adopter une attitude rigide ?
Je ne suis pas dans les communications téléphoniques du président, je ne peux que partager mon impression, ce pour quoi vous m’avez convié. Je ressens que l’Élysée souhaitait peut-être que ce processus échoue. J’anticipe que dans les semaines, voire les mois à venir, l’Élysée pourrait chercher à évincer François Bayrou.
C’est assez surprenant. François Bayrou n’est donc clairement pas le candidat désiré par Emmanuel Macron ? Ce dernier préférerait Sébastien Lecornu ou quelqu’un d’autre qu’il pourrait mieux contrôler ?
François Bayrou est en train de jouer son va-tout. Il a d’abord obtenu un budget en faveur des Français. Grâce à lui, les fonctionnaires ont pu percevoir leur salaire et le gouvernement n’a pas été renversé. Nous sommes face à une dette énorme, il essaie donc de trouver des solutions.
« Le président de la République cherche toujours à garder la main »
Si je vous comprends bien, Emmanuel Macron devrait se réjouir d’avoir François Bayrou à Matignon.
Je pense effectivement que c’est ainsi. Le président de la République éprouve toujours le besoin de contrôler la situation, c’est une force qui le dépasse. Quand il changera de Premier ministre, il veillera à reprendre la maîtrise. Vous entendrez alors de nombreux politiciens émettre des pronostics sur le successeur. Pendant environ quinze à vingt jours, l’attention sera portée sur l’Élysée, surveillant la manière dont le président reprend la main. Je considère que c’est une erreur. Emmanuel Macron approche de la fin de son mandat et il est pertinent seulement lorsqu’il se consacre aux affaires internationales. Il faudrait qu’il laisse le Premier ministre gérer la gouvernance du pays et qu’il, en tant que chef de l’État, prenne de la hauteur au lieu de vouloir contrôler la gestion quotidienne. C’est au Premier ministre que revient ce rôle.