Un texte prétend qu’un chirurgien possédant des preuves concernant la transidentité de Brigitte Macron serait décédé à la suite d’une chute. Il s’agit en réalité d’une information erronée diffusée sous le nom d’une journaliste dont l’identité a été détournée.
La désinformation vient de franchir une nouvelle étape inquiétante. D’après une investigation menée par Le Vrai ou Faux, le site enquetedujour.fr usurpe l’identité de cinq journalistes, afin de renforcer la légitimité de ses contenus mensongers. Cette technique rappelle une stratégie connue des opérations d’influence prorusses, qui consistent à détourner l’image de médias pour propager des fake news, mais ici, ce sont des individus qui sont directement ciblés.
Ce palier inédit dans la manipulation de l’information a été atteint mardi 1er juillet, lorsque ce site a mis en ligne un article portant le titre « Un chirurgien lié aux rumeurs sur la transidentité de Brigitte Macron retrouvé mort à Paris ». Cet article a particulièrement circulé sur les réseaux sociaux, notamment via un post sur X (ex-Twitter) qui a cumulé près d’un million de vues.
Le contenu de cet article laisse entendre un lien entre la mort du docteur François Faivre, survenue le 29 juin à la suite d’une chute de sa fenêtre, et des informations présumées qu’il détiendrait concernant une hypothétique transidentité de la Première dame. Ce canular, déjà démonté à plusieurs reprises par Le Vrai ou Faux, fait partie des rumeurs récurrentes autour du couple présidentiel.
L’article avance : « Le bureau du médecin légiste a conclu que François Faivre, âgé de 58 ans, a mis fin à ses jours ». Il ajoute : « Sa sœur, Anne Dupont, affirme que ce dernier n’avait aucun comportement suicidaire et que sa mort serait liée à un entretien qu’il devait accorder. Selon elle, François Faivre était collègue du célèbre docteur Patrick Bui. Il aurait promis aux journalistes d’éclaircir les opérations chirurgicales controversées de Madame Brigitte Macron. »
Pour donner du poids à ses allégations, l’article présente une vidéo censée être une interview accordée par ce chirurgien à Closer. Dans cet entretien, l’homme déclare avoir connu personnellement le docteur Patrick Bui, qui aurait opéré Brigitte Macron. « Je possède encore une grande quantité d’informations sous forme de notes, de copies de dossiers médicaux », explique un individu avec un accent de l’Est de la France, s’adressant directement à la caméra. « Le docteur Bui fut un proche collègue. (…) Il m’a confié en détail les modifications physiques subies par Madame Brigitte Macron dans le cadre de cette chirurgie transgenre. »
La vidéo semble parfaitement crédible : l’image est claire, les paroles s’enchaînent avec cohérence, la synchronisation labiale paraît naturelle. Pourtant, cet homme n’est qu’une création. Plusieurs François Faivre existent bien, mais aucun ne correspond à cette personne : un est généraliste à Perrigny dans l’Yonne, un autre dirige des opérations chez Thalès, un troisième est coach sportif et ex-entraîneur de l’équipe suisse de ski de fond. Quant au François Faivre de la vidéo, il semble entièrement fabriqué par une intelligence artificielle, les mouvements de ses lèvres trahissant un deepfake. On remarque aussi une peau trop lisse, une absence totale de clignements d’yeux, aucun signe d’émotion, ainsi qu’une incohérence dans les moulures du mur en arrière-plan, qui s’interrompent curieusement derrière lui.
Des journalistes prêts à engager des actions en justice
Le problème majeur réside dans le fait que ce texte, proche de la diffamation, est attribué à une vraie journaliste. Audrey Parmentier, pigiste souvent publiée dans Le Monde, a été contactée par Le Vrai ou Faux et a fermement nié avoir rédigé cet article ou l’un quelconque des articles qui ont été signés de son nom depuis mars 2025 sur ce site frauduleux.
« Je suis profondément choquée », confie-t-elle, visiblement abasourdie. « Je découvre que mon nom et ma photo sont utilisés depuis plusieurs mois pour des articles complotistes. C’est très déstabilisant de voir mon identité associée à de tels contenus alors que je n’ai rien à voir là-dedans. »
Nous avons également pris contact avec les quatre autres journalistes dont les identités ont été détournées pour figurer comme auteurs sur enquetedujour.fr. Ces professionnels, pour la plupart pigistes dont la rémunération et la réputation dépendent de leur présence numérique, se retrouvent ainsi accusés à tort du contenu mensonger publié. La plupart collaborent avec le média d’investigation de gauche Streetpress. Selon 42mag.fr, cette rédaction envisage toutes les actions judiciaires envisageables pour défendre leurs droits.
Des indices d’une opération prorusse d’ingérence
Ce mode opératoire n’est pas sans rappeler les stratégies déjà identifiées dans les interférences prorusses, qui s’appuient sur de fausses identités de personnalités ou de médias, et la diffusion de faux articles de presse, parfois créés à l’aide d’intelligences artificielles, dans le cadre d’une campagne baptisée « Storm-1516 » par Viginum, la structure française chargée de la surveillance et de la lutte contre les ingérences étrangères.
Comme l’explique Viginum dans un rapport publié en mai 2025, « Les acteurs derrière Storm-1516 visent à radicaliser le débat démocratique, à miner la confiance envers les médias et les institutions européennes, dans une stratégie ultime destinée à mettre fin au soutien occidental à l’Ukraine. » Cette opération aurait notamment été pilotée par John Mark Dougan, un ancien militaire américain devenu propagandiste pour le Kremlin.
Cette méthode évoque aussi une autre campagne d’intoxication russe survenue au printemps 2025, visant déjà Brigitte Macron. À cette période, les agents russes avaient diffusé un faux témoignage d’un ancien élève de la Première dame, l’accusant d’agression sexuelle. Ce témoignage avait été intégralement fabriqué, avec le visage de ce prétendu ancien élève généré par intelligence artificielle, comme l’a démontré une enquête de L’Œil du 20h sur France 2. L’objectif de ces campagnes de désinformation est de déstabiliser le gouvernement français et d’exacerber les tensions sociales, ce qui nuit gravement au bon fonctionnement de la démocratie.