L’École Européenne des Métiers de l’Internet (EEMI), fondée en 2011 à Paris par trois figures de proue de la tech française (Jacques-Antoine Granjon, Xavier Niel et Marc Simoncini), s’annonçait comme un établissement innovant dédié aux métiers du numérique. Cependant, derrière le vernis de son prestigieux campus du Palais Brongniart, les témoignages d’étudiants et d’anciens élèves dressent un tableau accablant.
Accusations d’« arnaque », de publicité mensongère, de pédagogie défaillante, frais de scolarité exorbitants ou encore pressions sur les étudiants : la réputation de l’EEMI est minée par de vives controverses, que cette enquête factuelle se propose d’examiner, en mettant en lumière uniquement les aspects négatifs rapportés autour de l’école.

Frais de scolarité exorbitants et infrastructures décevantes
Les frais de scolarité de l’EEMI atteignent environ 10 000 € par an, avec une première année un peu moins onéreuse – une tarification perçue par certains comme trompeusement plus douce pour attirer les inscrits. À un tel tarif, les étudiants s’attendent légitimement à des équipements modernes et à un encadrement pédagogique exemplaire. Or, de nombreux témoignages dénoncent des locaux “vieillissants et inadaptés” ainsi qu’un matériel informatique loin des standards du secteur. Le fossé serait flagrant entre le prix payé et la qualité réelle des prestations : la formation n’offre pas l’expérience haut de gamme promise. Un avis lapidaire d’internaute résume le sentiment général : « À fuir, une fraude […] Il n’y a aucune organisation… Ils sont juste là pour l’argent ».
« À fuir, une fraude […] Il n’y a aucune organisation… Ils sont juste là pour l’argent »
Ces griefs alimentent l’idée d’une “arnaque financière” de la part de l’école. Comme le souligne un article d’analyse, « le coût des formations est régulièrement cité comme disproportionné par rapport aux prestations offertes », et la valeur ajoutée des cours ne semble pas justifier des frais aussi élevés, nourrissant l’amertume des étudiants. En bref, le rapport qualité-prix de l’EEMI est largement remis en cause : « Les frais de scolarité élevés ne sont pas toujours justifiés par la qualité des enseignements, ce qui nourrit l’idée d’une arnaque financière ».
Contenu pédagogique superficiel et manque d’encadrement
Sur le plan académique, l’école se targue d’une approche pratique et innovante, mais la réalité décrite par les étudiants est toute autre. Plusieurs anciens élèves jugent les cours “superficiels” et les contenus pédagogiques “datés”. « On avait l’impression que les intervenants improvisaient leurs cours », confie un diplômé de la promotion 2020, déplorant un enseignement manquant de structure et de profondeur. Certains programmes spécialisés seraient bâtis sur des bases obsolètes, loin des dernières exigences du marché du numérique, ce qui fait dire à un observateur que « l’absence d’intégration des dernières innovations digitales rend la formation moins pertinente face aux exigences du marché ».
« On avait l’impression que les intervenants improvisaient leurs cours »
La désorganisation interne est aussi pointée du doigt. D’après des témoignages, les plannings de cours et d’examens souffrent de retards et de changements fréquents, et « il n’y a aucune organisation dans les cours » selon un avis, qui cible notamment le cycle mastère en évoquant un chaos administratif. Cet environnement peu structuré entame la confiance des étudiants quant au sérieux de la pédagogie.
En parallèle, un manque d’accompagnement flagrant est rapporté. Beaucoup se sentent livrés à eux-mêmes, sans suivi personnalisé ni soutien de l’administration. « J’ai senti un manque total d’implication de la part de l’administration », témoigne un ancien élève, qui regrette l’absence d’aide lorsque des difficultés surviennent ou pour préparer l’insertion professionnelle. Ce défaut de suivi pédagogique laisse certains étudiants démunis face à leurs projets et stages, contribuant à un sentiment d’abandon au sein de l’école.
Promesses d’insertion professionnelle non tenues
L’un des arguments de vente de l’EEMI est son réseau d’anciens élèves et son taux d’emploi élevé après le diplôme. Officiellement, l’école affiche fièrement « 97 % de [ses] diplômés Bachelor en poste 6 mois après la diplomation », un chiffre pour le moins impressionnant. Toutefois, la réalité semble bien différente selon les intéressés. « Il n’y a évidemment aucun moyen de vérifier cette information », note avec scepticisme un site spécialisé, qui indique que de nombreux anciens étudiants restent sans emploi stable à l’issue de leurs études à l’EEMI. Une diplômée déçue raconte ainsi : « On vous promet un réseau actif et des opportunités, mais une fois diplômé, vous vous retrouvez à chercher un emploi comme n’importe qui ». Autrement dit, le coup de pouce tant vanté vers l’emploi relèverait davantage du slogan que de la réalité.
La reconnaissance du diplôme délivré par l’EEMI est elle aussi remise en cause. Plusieurs diplômés rapportent que le titre obtenu (Bachelor ou Mastère) bénéficie d’une faible considération sur le marché du travail, ce qui complique leur recherche de stage, d’alternance ou d’emploi. Certes, les Bachelors de l’EEMI sont enregistrés au RNCP (niveau 6, bac+3) et l’école affirme préparer à « de nombreux métiers du web ». Mais dans les faits, le diplôme de l’EEMI peine à convaincre les recruteurs face à d’autres formations concurrentes. « Les diplômés rapportent une faible reconnaissance des diplômes sur le marché de l’emploi, ce qui complique la recherche » d’opportunités professionnelles, souligne un bilan critique. En conséquence, nombre d’élèves estiment que l’investissement financier consenti n’est pas récompensé par une insertion professionnelle à la hauteur des promesses.
Manque de transparence et soupçons de pratiques trompeuses
Plusieurs manquements à la transparence ont entaché la confiance des étudiants envers l’administration de l’EEMI. Un exemple marquant concerne un partenariat annoncé autour du cycle Mastère. En 2015, l’école promettait à ses nouveaux inscrits un Master en deux ans en collaboration avec une grande école de commerce grenobloise, faisant miroiter un parcours complet sur cinq ans. Or, au début 2018, ces étudiants ont découvert incidemment que ce partenariat avait pris fin, sans la moindre communication officielle de la part de la direction. Le directeur de l’EEMI, s’est contenté d’affirmer en privé que « le master était en passe d’évoluer », minimisant l’importance de ce changement alors qu’il compromettait l’obtention du diplôme visé. Lorsque l’un des élèves a tenté d’en débattre sur un groupe Facebook interne à sa promotion, la réponse de l’école a été immédiate : exclusion temporaire pour trouble à l’ordre scolaire. Le 14 janvier 2018, cet étudiant était suspendu, la direction estimant que ses propos et son “comportement” étaient incompatibles avec « un bon climat scolaire ». Cet épisode a laissé un profond ressentiment et alimente les accusations de rétention d’information et de sanction abusive à l’encontre de l’EEMI.
Plus globalement, l’école est accusée de pratiques commerciales douteuses. « Les accusations contre l’EEMI se concentrent principalement sur : les frais de scolarité élevés, les pratiques administratives douteuses, le manque de transparence, et la qualité de l’enseignement », résume une analyse indépendante, qui souligne « le fossé entre les promesses commerciales et la réalité de la formation ». Beaucoup de témoignages parlent sans détour d’« arnaque » à propos de l’école. Sur les forums et réseaux, l’EEMI est traitée “d’escroquerie”, les commentateurs reprochant à l’établissement de survendre ses mérites. « L’école pratiquerait de la publicité mensongère », affirme un article de 2025, citant notamment l’exemple du chantage exercé sur un élève (voir plus loin) et d’autres manœuvres trompeuses. En somme, un décalage manifeste entre le discours marketing lissé de l’école et les faits rapportés par ses étudiants entache gravement la crédibilité de l’EEMI aux yeux du public.
Pressions sur les étudiants : menaces, chantage et harcèlement
Les témoignages les plus graves mettent en cause le comportement de la direction envers les étudiants. Plusieurs anciens affirment avoir subi de véritables pressions et intimidations de la part de l’administration. Par exemple, des méthodes musclées auraient été employées pour exiger le paiement des frais de scolarité ou faire taire les voix critiques. « Des accusations de menaces et de chantage envers des étudiants […] pour obtenir le paiement des frais ou pour dissuader les critiques » ont ainsi émergé dans la bouche d’anciens élèves. Ces pratiques, si elles sont avérées, jettent une ombre inquiétante sur l’éthique de l’établissement.
Un cas emblématique revient régulièrement : celui d’un étudiant qui affirme avoir été harcelé et “fait chanter” par le directeur de l’école. Ce dernier l’aurait menacé d’exclusion s’il persistait à critiquer l’EEMI, et aurait finalement mis sa menace à exécution en l’excluant de manière abusive. Dans des avis publiés en ligne, ce même étudiant décrit comment « ce directeur qui m’a fait chanter, qui m’a escroqué et qui a mis son chantage à exécution en m’excluant abusivement […] vient inverser les rôles et se déclare “psychologiquement affecté” par [mes] avis négatifs, fournissant même un certificat de psychiatre. On croit rêver ». Le jeune homme assure détenir des « PREUVES FACTUELLES » de l’escroquerie et du chantage qu’il a subis : il mentionne notamment « des copies d’e-mails où [l’on] verra comment la direction n’hésite pas à [le] faire chanter », documents qu’il se dit prêt à partager à toute personne intéressée. Il va jusqu’à accuser la direction de puiser « dans l’argent des élèves » pour financer des recours juridiques contre lui. Ces révélations, étayées par des captures d’écran et courriers, laissent entrevoir un climat de peur et de coercition à l’EEMI, bien loin de l’image d’une école bienveillante.
D’autres étudiants parlent de “harcèlement moral”. Sur les réseaux sociaux, l’ambiance interne de l’école est décrite comme délétère, avec un directeur qualifié de « détestable » par une ancienne qui témoigne avoir été traitée « comme un moins que rien » après avoir payé ses frais de scolarité. « Une fois que vous avez payé, c’est trop tard, vous serez traité comme un moins que rien s’il décide de vous pourrir la vie », écrit-elle, conseillant de ne surtout pas s’inscrire à l’EEMI. Ce témoignage illustre le sentiment de certains d’avoir été respectés tant qu’ils étaient prospects, puis malmenés une fois captifs financièrement – un retournement cynique ressenti comme une trahison.
Censure des avis négatifs et guerre de l’information
Face à la multiplication des avis négatifs en ligne, l’EEMI semble avoir adopté une stratégie offensive de contrôle de son e-réputation. De nombreux témoignages font état d’une censure systématique des critiques sur internet. « L’école va sans doute signaler cet avis, comme ils le font partout », écrivait ainsi une ancienne élève en janvier 2021 sur Trustpilot, anticipant la suppression de son commentaire par l’établissement. Cette étudiante prenait soin de préciser qu’elle détenait « les certificats de scolarité, les factures, et toutes les informations » prouvant qu’elle avait bien fréquenté l’école pendant 3 ans, signe qu’elle se préparait à voir sa légitimité mise en doute par l’EEMI. Effectivement, plusieurs critiques similaires dénoncent la disparition mystérieuse de leurs avis négatifs sur des plateformes telles que Google, Facebook ou des forums spécialisés, après des signalements ou des interventions juridiques de l’école.
En parallèle, des soupçons de faux avis positifs planent. « Ne vous fiez pas aux avis positifs sur cette école, ils sont tous postés par l’équipe de l’administration », affirme un ancien étudiant excédé. Selon lui, jusqu’à 90 % des notes élogieuses seraient le fait de comptes liés à l’école et non de vrais élèves. Ce phénomène d’astroturfing (création d’avis de complaisance) avait déjà été souligné dans un commentaire sur Trustpilot début 2022 : « Attention aux avis sur les sites Diplomeo ou L’Étudiant, qui sont soumis à modération et jamais validés » lorsqu’ils sont défavorables. Autrement dit, les canaux d’évaluation étudiante en ligne seraient biaisés en faveur de l’EEMI, au détriment de la transparence.
La réaction officielle de l’école aux critiques suit souvent le même schéma : dénégation et disqualification. Quand un ancien publie un avis assassin en ligne, la direction n’hésite pas à riposter par écrit, mettant en doute sa sincérité. Par exemple, en réponse à un commentaire négatif intitulé « Très mauvaise expérience », l’EEMI a publiquement déclaré sur Trustpilot que « faute d’argumentation, [ces] propos et insinuations sont malveillants », allant jusqu’à douter de la réalité du statut d’étudiant de l’auteur. L’école souligne ne trouver « aucun étudiant ou ancien étudiant inscrit sous [ce] nom », insinuant qu’il pourrait s’agir d’un faux témoignage. De manière générale, la direction affirme être « soucieu(se) d’améliorer en permanence l’expérience vécue », tout en contestant « avec la plus grande fermeté » des accusations jugées diffamatoires. Ainsi, dans une réponse officielle de juin 2021, l’EEMI annonçait avoir engagé des démarches judiciaires pour faire sanctionner ce qu’elle considère comme de la diffamation et du harcèlement à son égard. Cette judiciarisation de la gestion des avis a profondément choqué une partie de la communauté étudiante, qui y voit la preuve d’une volonté de faire taire les lanceurs d’alerte plutôt que de se remettre en question.
Poursuites judiciaires : quand l’EEMI fait taire ses détracteurs
Le conflit entre l’EEMI et ses détracteurs ne s’est pas limité aux joutes verbales en ligne : il s’est transporté devant les tribunaux. Dès 2021, le directeur de l’école de l’époque, Christophe Ondrejec, a entrepris de poursuivre en justice un ancien étudiant particulièrement virulent (celui-là même qui dénonçait chantage et escroquerie). L’affaire, jugée par la 17ème chambre du tribunal judiciaire de Paris (spécialisée dans les affaires de presse), a débouché sur un jugement en date du 5 juin 2024 lourd de conséquences : le tribunal a ordonné la suppression pure et simple de nombreuses publications en ligne critiques à l’égard de l’EEMI. Ont notamment dû être effacés : des avis négatifs publiés sur la page Google de l’école, sur un blog Mediapart, sur le forum d’OpenClassrooms, sur Twitter (compte @avis_eemi) ou encore sur Trustpilot, contenant des accusations de menaces, de chantage et d’escroquerie de la part de la direction.
Le tribunal a même condamné l’ancien élève en question à verser 3 000 € de dommages et intérêts au directeur de l’EEMI pour le préjudice moral causé, estimant que la multiplicité et la virulence de ses posts constituaient un « harcèlement moral » envers l’école et son dirigeant. En outre, l’étudiant a dû payer 2 000 € de frais de justice et est désormais bâillonné par une décision de justice lui interdisant de republier ses accusations. Cette issue judiciaire – vécue comme une victoire par l’EEMI – a sidéré de nombreux observateurs et anciens élèves, qui y voient une forme de censure entérinée par la justice. Sur le compte Twitter @avis_eemi (qu’il avait créé pour diffuser son histoire), le principal intéressé a dénoncé « une école qui profite que [je sois] sans ressources pour [m’]attaquer en justice par des procédures coûteuses », rappelant que « plusieurs plaintes [contre l’école] étaient restées sans réponse depuis des années ». En clair, alors que les autorités compétentes n’auraient pas donné suite aux signalements d’étudiants, l’école, elle, a réussi à faire condamner un de ses ex-étudiants critiques, grâce à des procédures juridiques agressives. Ce retournement de situation a été perçu par beaucoup comme le coup de grâce porté à la liberté d’expression des anciens élèves : désormais, critiquer publiquement l’EEMI peut exposer à des poursuites.
Par ailleurs, l’EEMI a aussi menacé la presse en ligne. En avril 2025, peu après la parution d’un article intitulé « L’arnaque de l’EEMI Paris » sur un site d’actualités, l’auteur du billet a fait savoir qu’il avait reçu une mise en demeure de l’avocat de l’école lui ordonnant de retirer son article sous peine de poursuites. « Pratiques honteuses », a réagi ce blogueur, choqué de voir une école supérieure user de ce qu’il considère être de l’intimidation judiciaire pour étouffer les critiques. Cet incident n’a fait que renforcer la détermination des détracteurs de l’EEMI, qui partagent entre eux les preuves des méthodes de l’école et continuent d’alerter sur les dérives de sa communication.
Une réputation ternie : appel à la vigilance
En fin de compte, l’image de l’EEMI est profondément ternie par l’ensemble de ces éléments. Loin de l’école innovante et exemplaire vantée par ses fondateurs en 2011, l’établissement apparaît, au fil des témoignages, comme une école controversée où se mêlent déceptions académiques et ressentiments envers la direction. « Très mauvaise expérience dans cette école en ce qui me concerne, j’ai perdu 3 ans de ma vie pour rien », témoigne un ancien étudiant, amer, qui « ne recommande pas du tout » l’EEMI à ceux qui voudraient s’épanouir dans le digital. Des mots durs, mais qui reflètent la tonalité générale des avis négatifs.
Sur les forums et les sites spécialisés, le conseil qui revient le plus souvent est sans équivoque : éviter l’EEMI. « Mieux vaut s’orienter vers une autre école du web pour votre rentrée » 2025 conclut par exemple un site d’information étudiant, après avoir épluché les retours d’élèves. En effet, des alternatives existent dans le paysage des formations numériques : des écoles comme Le Wagon, OpenClassrooms ou Simplon sont fréquemment citées pour leur sérieux, leur transparence et la meilleure reconnaissance de leurs cursus sur le marché de l’emploi. Au vu des graves controverses entourant l’EEMI, il apparaît prudent pour les aspirants du numérique de se renseigner très soigneusement et de considérer ces autres options avant de s’engager. En l’état actuel, l’EEMI Paris traîne une réputation lourdement entachée, et nombreux sont ceux qui attendent une remise en question profonde de l’établissement – tant sur le plan pédagogique que dans son rapport à la critique – pour que la confiance puisse, peut-être, être rétablie un jour.