Selon Sarah Knafo, eurodéputée associée au mouvement Reconquête, l’État injecterait environ huit milliards d’euros dans les banlieues, et elle affirme que ces fonds ne produisent pas d’effet tangible ou perceptible sur le terrain. Mais quelle est réellement la vérité derrière ces propos, et sur quelles bases peut-on évaluer l’efficacité réelle de ces dépenses publiques dans ces zones ?
Cette section provient d’une portion de la transcription du reportage mentionné ci-dessus. Pour le visionner dans son intégralité, cliquez sur la vidéo.
Les quartiers périphériques constituent-ils une lourde charge financière pour l’État ? C’est l’argument avancé par l’eurodéputée du mouvement Reconquête, Sarah Knafo. « Chaque année, cela représenterait environ huit milliards d’euros. Dans le cadre de la politique de la ville, il faut comprendre que les résultats ont été décevants. La Cour des comptes, à travers ses rapports, évoque un échec flagrant. Ces quartiers ne sont nullement oubliés, ils bénéficient du soutien de l’État », déclare-t-elle au début du mois de septembre sur CNews. Alors, l’État dépense-t-il vraiment trop dans ces zones ? Et cette politique échoue-t-elle ?
L’eurodéputée met en avant les conclusions de la Cour des comptes. Dans le rapport emblématique, on retrouve un chiffre proche de celui avancé : environ 9,5 milliards d’euros dépensés dans les politiques de la ville en 2019. Mais premier bémol, ce total ne concerne pas uniquement les aides aux banlieues. Il regroupe l’ensemble des moyens alloués à la ville sur l’ensemble du territoire français, comme l’explique un spécialiste. « On mélange des postes budgétaires qui n’ont pas la même nature. Il existe d’un côté la politique de la ville, considérée comme une politique spécifique, et, de l’autre, les autres domaines publics comme l’éducation, les transports, etc. Ces budgets appartiennent à ces territoires comme à tous les autres. Il n’y a pas d’effort particulier à ce titre », affirme Thomas Kirszbaum, chercheur associé au Ceraps (Centre d’études et de recherches administratives, politiques et sociales). Donc non, il n’est pas exact d’affirmer qu’il y aurait huit milliards d’euros dépensés uniquement pour les banlieues.
Que dit la Cour des comptes ?
Ensuite, la Cour des comptes ne soutient pas que ces dépenses publiques constituent un échec total : « La politique de la ville, qui suscite de très fortes attentes et mobilise des dépenses importantes, ne peut pas être évaluée dans sa globalité ». L’audit ne porte ici que sur l’effet des politiques de la ville sur l’attractivité des quartiers prioritaires. Et sur ce point précis, le constat est négatif, avec des arrivées moins nombreuses que les départs et une situation qui tend à se dégrader sur le plan moyen des revenus.
Maintenant, est-ce vrai que : « Ces quartiers ne sont aucunement abandonnés, ils sont choyés par l’État », comme l’affirme Sarah Knafo ? Un rapport du Sénat s’est intéressé à cette question des quartiers prioritaires supposément trop privilégiés. Sa conclusion : c’est faux. « Les quartiers prioritaires ne sont pas mieux lotis. L’insuffisance des services publics de droit commun demeure une réalité », indique le rapport sénatorial. À titre d’exemple, par habitant, il y a moins de personnels hospitaliers en Seine-Saint-Denis qu’en zone rurale. Les habitants des quartiers prioritaires ont en moyenne accès à 50 % de médecins spécialistes en moins et 36 % de bibliothèques en moins.
Il est donc ardu d’évaluer l’impact global des politiques de la ville. En revanche, une chose est sûre : les aides spécifiques destinées aux banlieues ne suffisent pas à compenser les inégalités déjà présentes.
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Parmi nos sources :
Rapports :
Cour des Comptes, Évaluation de l’attractivité des quartiers prioritaires, une dimension majeure de la politique de la ville, décembre 2020
Sénat, rapport d’information sur le bilan de la politique de la ville, commission des affaires économiques, 19 juillet 2022
Expert :
Thomas Kirszbaum, chercheur associé au Ceraps (Centre d’études et de recherches administratives, politiques et sociales), Enseignant à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye/Université Paris Saclay, Université Paris Ouest Nanterre La Défense, Université de Lille et Université Rennes 2
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