L’initiative portée par Élisabeth Borne, qui avait conduit au Parlement une réforme fortement contestée pendant son passage comme Première ministre, a déclenché une tempête au sein de la majorité macroniste.
Aucune référence à la réforme des retraites n’a été mentionnée lors de cette intervention. Lors de son allocution prononcée à 9h45 le mercredi 8 octobre, Sébastien Lecornu a pris soin de ne pas s’embarquer dans le débat qui secoue le mouvement Renaissance depuis que l’ancienne première ministre Elisabeth Borne a évoqué, la veille, la possibilité de mettre en pause sa réforme de 2023.
Dans une interview accordée au Parisien, mardi soir, l’ancienne Cheffe du gouvernement propose ce scénario pour permettre de sortir de la crise politique sans recourir à une dissolution. « Si cela assure la stabilité du pays, il faut examiner les modalités et les effets concrets d’une suspension jusqu’au débat qui doit avoir lieu lors de la prochaine élection présidentielle », soutient-elle.
Aile gauche contre aile droite
Dès que ces propos ont été rendus publics, les discussions sur WhatsApp et Telegram entre élus Renaissance se sont enflammées. « Sidéré », « est-ce à nous de dépenser notre héritage ? », interrogeaient des députés dont les échanges ont été divulgués par des journalistes sur X et que 42mag.fr peut confirmer. Certains déplorent un manque de cohésion dans l’annonce d’Elisabeth Borne, au-delà même du fond du dossier. D’autres apportent leur soutien à l’actuelle ministre de l’Éducation, qui démissionne. « Notre héritage ne tiendra pas debout si nous manquons cette ultime chance de compromis avant la dissolution », écrit l’une des parlementaires.
Ces réactions reflètent, en grande partie, les sensibilités variées qui traversent les macronistes. L’aile gauche de Renaissance soutient plutôt Elisabeth Borne, estimant que sa position s’inscrit dans une démarche de rapprochement avec le PS. « Nous sommes prêts à temporiser sur la réforme des retraites, mais ce n’est pas un retour en arrière », affirme Agnès Pannier-Runacher, ancienne ministre de la Transition écologique, dans une interview à LCI. L’aile droite du mouvement, elle, demeure plus réservée face à l’idée d’un Premier ministre issu de la gauche. Maud Bregeon, députée EPR des Hauts-de-Seine, écarte, par exemple, la perspective qu’Olivier Faure occupe Matignon.
Un autre cadre du mouvement tente de proposer une synthèse. « Je crois que le seul point crucial, c’est d’avoir un budget, mais le gel des retraites constituerait un signal extrêmement mauvais qui nous coûterait cher », déclare-t-il à 42mag.fr, reconnaissant que « ce sont les députés qui redoutent le plus la dissolution qui se montrent les moins furieux contre Elisabeth Borne ».
Dans les coulisses de Renaissance, Olivier Dussopt, alors ministre du Travail lors de la réforme de 2023, évoque le coût d’une suspension, estimé « entre 13 et 15 milliards en 2035 ». « Je ne pense pas qu’un compromis puisse se bâtir sur une négation comptable, économique et démographique. À moins d’accepter que le système s’effondre », écrit-il, en désavouant Elisabeth Borne.
Un « non » catégorique du côté d’Horizons et LR
Du côté des partenaires du bloc centriste, la proposition de l’ancienne première ministre ne suscite pas l’enthousiasme. « On ne peut pas négocier avec la vérité et le sens profond de cette réforme des retraites : il faut travailler davantage », affirme l’entourage d’Edouard Philippe (Horizons) au service politique de 42mag.fr. « Donc une suspension de la réforme Borne, c’est non. Notre pays ne peut pas se le permettre », ajoutent les proches du maire du Havre. D’une autre voix, LR ferme aussi la porte à cette éventualité.
« La droite est absolument opposée à la suspension de la réforme des retraites. Il n’a jamais été question de fléchir sur ce point », soutiennent les proches de Bruno Retailleau au Figaro.
Enfin, l’Élysée rappelle qu’Emmanuel Macron n’était pas informé du contenu exact de l’interview d’Elisabeth Borne, ce qui revient à suggérer que ses propos ne constituent pas un engagement du président. Sont-ils destinés à engager Sébastien Lecornu ? À la sortie de son rendez-vous avec le Premier ministre, Olivier Faure, premier secrétaire du PS, a déclaré n’avoir « aucune assurance sur la réalité de la suspension ».
Invité mercredi au « 20 heures » de France 2, le Premier ministre démissionnaire devra clarifier sa position sur cette question centrale, afin de sortir de l’impasse et de trouver une solution à la crise politique qui ne passe pas par une dissolution, tout en avançant dans les tractations avec la gauche.