Dimanche 2 novembre, Françoise Gatel, qui occupe le poste de ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, a été l’invitée de l’émission de 42mag.fr. Elle a évoqué le dossier des déserts médicaux et sa tâche de piloter la réforme de la décentralisation, telle que promise par Sébastien Lecornu.
Cette section reproduit une partie de la retranscription de l’entretien présenté ci-dessus. Pour le regarder dans son intégralité, cliquez sur la vidéo.
Myriam Encaoua : Vous avez choisi de poursuivre cette aventure ministérielle, même si l’on sait qu’elle peut s’achever rapidement. Qu’est-ce qui vous motive ?
Françoise Gatel : J’ai donné mon accord à la demande de Sébastien Lecornu, convaincue que, dans le contexte actuel de notre pays, il importe de prendre sa part et d’agir. J’ai donc accepté de prendre part à cette aventure, d’autant plus sur un dossier sur lequel j’ai pas mal œuvré et qui me tient beaucoup à cœur : les libertés locales.
Laurent Joffrin : Quel effet cela fait-il d’être constamment sur un siège éjectable ?
Ça va, monsieur Joffrin, merci de votre sollicitude ! C’est une réalité qui fait partie du cadre. C’est la vérité et on la vit ainsi. J’ai déjà fait mes bagages et puis je suis revenue. Cela fait partie de cet engagement. C’est un peu singulier, mais c’est la réalité.
Myriam Encaoua : Pensez-vous qu’il soit envisageable d’obtenir un compromis sur le budget ?
Notre pays traverse une période vraiment complexe. Quand on parle du budget, cela fait cinquante ans qu’il n’y a pas eu d’équilibre budgétaire. (…) Et surtout, on n’est pas habitué à travailler sur ce qu’on appelle des compromis ou des accords. Le budget que l’on doit bâtir ne sera celui d’aucun camp en particulier. Il ne correspond peut-être pas à nos convictions. Et puis, qu’y a-t-il de pire que l’absence de budget ? On l’a vu l’année dernière avec Michel Barnier : cela nous a tout de même coûté une douzaine de milliards.
Myriam Encaoua : Sébastien Lecornu a fait certaines concessions en laissant de côté le 49.3 et la réforme des retraites. Il a aussi évoqué le dégel de certaines prestations sociales, comme le RSA ou les APL. Doit-il s’arrêter là ?
Mais le budget n’est pas clos ! C’est au Parlement de le mener à terme et on n’envisage pas de le traîner avec le 49.3. Il revient donc aux députés de trouver un accord et de proposer un dispositif acceptable.
Myriam Encaoua : Et aujourd’hui, à l’état actuel, vous observez les recettes fiscales : impôts sur les grands groupes, sur les revenus, sur les multinationales, sur les rachats d’actions et les dividendes, et même un nouvel impôt qui ressemble à l’ISF. S’agit-il de justice fiscale ou d’une folie fiscale ?
Mon objectif partagé est d’atteindre une justice fiscale. (…) Je n’ai aucun problème avec cela. Toutefois, nous sommes dans une sorte de concours d’affichage de recettes qui, tel un billet de loto, pourraient nous faire miroiter des milliards. Or nous en sommes à mi-parcours et rien n’est encore consolidé. Le Premier ministre a rappelé que chaque parti a sa légitimité puisque les députés ont été élus par les Français, et que l’on ne remet pas en cause tout cela. Néanmoins, il faut mener une étude d’impact avant de lancer une idée capable de rapporter des milliards.
Myriam Encaoua : Pensez-vous à cet impôt nommé « fortune improductive », voté par vos alliés du MoDem, ainsi que par des socialistes et le RN ? Je rappelle que vous appartenez à l’UDI, au centre-droit.
Je suis favorable à une justice fiscale, et j’estime qu’il doit exister une contribution des très hauts revenus, une contribution de solidarité. Cela ne me choque pas. On voit défiler tout un catalogue d’impôts, et cet impôt dérivé peut être jugé plus acceptable que la taxe conçue par Zucman, qui ne viserait que l’outil de travail et serait, à mon sens, une erreur économique. Celui qui est proposé n’est pas parfait non plus. Encore une fois, il faut des études d’impact. Lorsqu’on propose un impôt, est-on certain qu’il atteindra son objectif ? Combien cela rapportera-t-il ? Cela fonctionnera-t-il ?
Myriam Encaoua : Vous avez accompagné le Premier ministre lors de son déplacement dans la Manche pour évoquer les maisons de santé. Vous êtes ministre de la Décentralisation, et aussi de l’Aménagement du territoire. La question des déserts médicaux reste une préoccupation majeure.
Le Premier ministre a promis des maisons de santé. Quand seront-elles mises en place ? Et surtout, des médecins accepteront-ils d’y travailler, alors que la pénurie persiste et que l’on n’a pas remis en cause la liberté d’installation des médecins ?
Cette interrogation traduit la plus grande inquiétude des Français, qu’ils résident en ville ou à la campagne. Effectivement, j’étais avec ma collègue de la Santé et le Premier ministre en Manche pour visiter l’une de ces maisons de santé, où des professionnels se regroupent et offrent un service remarquable. Aujourd’hui, on subit encore les effets du numerus clausus, qui a réduit le nombre de médecins formés alors même que la population vieillit et que le volume des actes médicaux augmente.
Autrefois, un médecin pouvait travailler cinquante à soixante heures par semaine tout seul. C’est terminé. Depuis plusieurs années, des initiatives portées par des communes, des départements et des intercommunalités visent à créer des pôles de santé, car les professionnels préfèrent travailler en groupe, avec un secrétariat et davantage de sécurité.
Aujourd’hui, notre pays compte plus de 2 500 maisons de santé. (…) On observe partout des centres de santé qui accueillent entre trois et dix, puis parfois jusqu’à quinze professionnels. Ce que propose le Premier ministre, c’est d’étendre les maisons « France Santé », à l’image des célères maisons « France Services », qui facilitent les démarches administratives et connaissent une belle dynamique. (…) Dans ces maisons « France Santé », situées à environ trente minutes de chaque citoyen, l’offre de soins sera assurée par des professionnels respectant les tarifs conventionnés, ouvertes sur un nombre déterminé de jours avec des horaires précis et offrant un socle minimal de services de santé.
Myriam Encaoua : Vous savez que cela n’est pas encore le cas aujourd’hui. Ces maisons ne sont pas encore installées, comme le montrent les reportages.
Il y en a aujourd’hui 2 500, mais ce n’est pas suffisant. Vous l’avez rappelé, le numerus clausus empêche de sortir le nombre nécessaire de médecins.
Des médecins volontaires se présentent. L’année prochaine, plus de 3 500 médecins jeunes devraient rejoindre ces maisons « France Santé » sur les territoires, pour environ 15 millions de consultations. Nous veillerons à ce que la première année de médecine puisse se faire dans chaque département, car si la formation n’est pas proche de chez soi, il devient difficile, quand on habite un village, de devenir médecin en allant s’établir dans une grande ville.
Ces maisons « France Santé » recevront une labellisation. Entre la fin de l’année, on en dénombrera entre 15 et 20 par département. L’an prochain, nous viserons les 2 000 maisons « France Santé » labellisées. Et surtout, l’État soutiendra chacune d’entre elles à hauteur de 50 000 euros, afin de permettre d’accueillir un secrétaire médical ou un nouveau professionnel.
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