Le mercredi 12 novembre, Morgane Fert Malka sera invitée sur France Info, dans le créneau horaire allant de 11 h à 13 h. Experte en matière de renseignement et de sujets liés à la Russie, elle abordera les ingérences de la Russie en France et les conséquences qui en découlent.
Cette retranscription reproduit une portion de l’entretien évoqué plus haut. Pour consulter l’intégralité de l’échange, lancez la vidéo.
Flore Maréchal : Certes, on discute de la notion de guerre hybride entre l’Ukraine et la Russie. Existe-t-il une stratégie réellement coordonnées par la Russie pour déstabiliser l’ensemble du continent européen ?
Morgane Fert Malka : Oui, tout à fait. Ce qu’on appelle la déstabilisation ou la guerre hybride peut être vue comme la poursuite du conflit par d’autres moyens, tout comme, dans une acception plus générale, la guerre est la poursuite de la politique par d’autres outils. Dans cette optique, la Russie a bouclé la boucle en intégrant ce mode d’action dans sa doctrine offensive habituelle et à l’échelle de son dispositif stratégique global. Autrement dit, elle a développé des instruments et des méthodes qui semblent déjà bien identifiés, et il revient désormais à l’Europe de répondre avec des contre-messagers adaptés.
Flore Maréchal : Récemment, on a observé des actes inquiétants — notamment des têtes de cochon placées près de neuf centres religieux de la région parisienne. On a aussi évoqué une piste liée à des acteurs serbes; des gestes antisémites au mémorial de la Shoah, et des cercueils déposés près de la Tour Eiffel. Depuis le début du conflit en Ukraine, plusieurs actions de ce type ont été relevées en France. Pensez-vous qu’il s’agisse d’initiatives attribuables à la Russie ?
Morgane Fert Malka : Dans certains cas, les liens sont prouvés; dans d’autres, on demeure prudent ou l’on peut évoquer un déni plausible. Ce déni est une composante majeure de ces opérations, car s’ils nient formellement toute implication, ils ne restent plus dans le cadre d’une guerre hybride, mais basculent dans une attaque directe. Cela dit, ces actes peuvent sembler, pris isolément, relativement modestes ou anecdotiques comparés à l’ampleur globale de la guerre hybride. Pour autant, leur valeur réside aussi dans le fait qu’elles nourrissent l’impact médiatique et symbolique qu’on leur prête.
Au-delà de ces gestes, l’ingérence et la déstabilisation recouvrent des volets comme l’espionnage et le sabotage d’infrastructures critiques, mais aussi des perturbations délibérées au niveau des systèmes de navigation par satellite (GPS) ou des réseaux de communication. Ces dimensions peuvent entraîner des conséquences bien plus graves que des actes symboliques isolés.
Flore Maréchal : Sur le plan symbolique, on se souvient aussi des tags représentant des étoiles de David, évoqués à l’automne 2023, et l’on sait que derrière cela se cachait le FSB, le service de renseignement intérieur russe. Lorsque l’on affirme que la Russie est derrière ce genre d’actions, de quoi parle-t-on exactement ? Faut-il viser le Kremlin, les services de renseignement, ou encore le ministère des Affaires étrangères ?
Morgane Fert Malka : La Russie demeure un État fortement centralisé. Son fonctionnement sécuritaire, ainsi que son dispositif de renseignement et d’opérations clandestines, s’articulent autour d’un centre unique, avec une colonne vertébrale qui remonte jusqu’au président pour les dossiers les plus sensibles. Toutefois, grâce à cette même verticalité, des initiatives émanant des divers services peuvent aussi naître de bas en haut, chacun cherchant à tirer l’attention du grand chef pour se mettre en valeur. Conséquence : il existe des dérives et des bavures qui ne se déroulent pas exactement comme prévu et qui peuvent être justifiées ou expliquées, plus ou moins, aux yeux du chef de l’État. En résumé, le système est à la fois extrêmement centralisé et, par moments, quelque peu chaotique et dépourvu d’un contrôle rigoureux.
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