Depuis le premier jour d’octobre, l’absence d’un accord politique sur le financement des dépenses fédérales a paralysé une grande partie des services publics, privant des centaines de milliers de fonctionnaires de leur salaire et immobilisant un grand nombre de vols.
À Washington, ce scénario est devenu une routine: quand républicains et démocrates échouent à s’entendre sur le financement du budget, les caisses fédérales se retrouvent bloquées. On parle alors du fameux shutdown. En pratique, l’État peut être incapable de payer certains agents et de financer des services jugés non essentiels — musées, parcs nationaux, services administratifs, contrôles de sécurité… Toutefois, une telle paralysie n’avait jamais duré aussi longtemps dans l’histoire du pays. Après plus de quarante jours de blocage, la paralysie budgétaire a finalement pris fin dans la nuit du 12 au 13 novembre, lorsque le président américain Donald Trump a promulgué la loi qui met fin à ce shutdown d’une durée inédite.
Dimanche, huit sénateurs de l’opposition — sept démocrates et un indépendant — avaient choisi de briser la ligne de leur camp pour rejoindre la majorité républicaine. Cette initiative a permis au Sénat d’adopter une loi de financement temporaire, premier signe concret d’une possible sortie de crise. La Chambre des représentants a à son tour approuvé la proposition budgétaire mercredi. Cette fois, seuls six démocrates avaient rejoint la coalition majoritaire et deux républicains avaient exprimé leur désaccord. Franceinfo résume cette période sans précédents en cinq chiffres.
43 jours d’arrêt, un record historique
En entrant dans son 43e jour mercredi, le shutdown de 2025 établit le record de la plus longue interruption du système fédéral depuis la création du mécanisme moderne en 1976. L’ancien record, de 35 jours, datait de la période du 22 décembre 2018 au 25 janvier 2019, durant le premier mandat de Donald Trump. À l’époque, le bras de fer portait sur le financement du mur à la frontière mexicaine, promesse phare de la campagne du président républicain. Cette fois, la querelle tournait autour des dépenses liées à la santé: les républicains souhaitaient limiter la prolongation des subsides temporaires intégrés au programme d’assurance maladie Obamacare, tandis que les démocrates voulaient les pérenniser. « Nous ne cèderons jamais au chantage », a déclaré Trump dans la nuit de mercredi à jeudi en signant l’accord budgétaire final, dans lequel les républicains ne concèdent rien sur ce point.
1,4 million de fonctionnaires privés de salaire ou mis au chômage technique
Selon le Bipartisan Policy Center, au moins 670 000 agents fédéraux ont été placés en congé sans solde, tandis qu’environ 730 000 autres ont continué à travailler sans percevoir de rémunération, sans compter les militaires.
Dans le domaine aéronautique, cette paralysie a provoqué plus de 10 000 retards et près de 3 000 annulations de vols au cours de la seule journée de dimanche, selon FlightAware, et elle alimentait le risque d’un immense embouteillage à l’approche de Thanksgiving, fin novembre.
À cela s’ajoutait l’inquiétude liée à la tentative de l’administration de licencier 4 000 agents supplémentaires, avant qu’un juge fédéral ne bloque la mesure fin octobre. Parmi les concessions accordées à l’opposition démocrate, le texte finalement adopté par le Congrès prévoit la réintégration des fonctionnaires licenciés depuis le début du shutdown. Derrière ces chiffres se cache une réalité concrète: des foyers privés de revenus, contraints de puiser dans leurs économies ou de s’endetter pour tenir jusqu’au retour à la normale.
Entre 7 et 15 milliards de dollars de pertes
L’impact financier de cette paralysie économique se chiffre en milliards. Le Congressional Budget Office (CBO) estime que chaque semaine de shutdown retire environ 0,4 point de croissance au produit intérieur brut américain. Le coût total du quatrième trimestre pourrait se situer entre 7 et 15 milliards de dollars, selon les prévisions compilées par Reuters fin octobre. Cette perte résulte d’un double effet: une contraction des dépenses publiques et une diminution de la consommation des ménages privés privés de revenus. Lors du précédent shutdown record, qui s’était achevé en janvier 2019, environ 3 milliards de dollars avaient été considérés comme irrémédiablement perdus faute de reprise d’activité.
42 millions d’Américains en attente d’aide alimentaire
Le programme fédéral SNAP (aide nutritionnelle supplémentaire), qui verse chaque mois des prestations à 42 millions d’individus, se trouvait au bord de l’épuisement. Alors qu’un juge fédéral avait contraint l’administration à débloquer 4,65 milliards de dollars d’un fonds d’urgence pour soutenir les bénéficiaires, la Cour suprême avait suspendu cette décision mardi, prolongeant la bataille juridique engagée parallèlement au bras de fer politique, et qui a finalement trouvé sa résolution le premier.
79% de la population désapprouve l’action du Congrès
Symbole d’un système politique à bout de souffle, la défiance atteint un niveau rarement observé aux États-Unis. Selon le dernier sondage Gallup publié le 22 octobre, près de huit Américains sur dix jugent négativement l’action du Congrès, dominé par les républicains. Cette chute de 11 points en un mois s’explique par l’impossibilité persistante de sortir de l’impasse budgétaire. Même au sein du parti du président, le soutien au Congrès s’effrite: l’approbation des électeurs républicains a plongé de 21 points, et les électeurs indépendants se détournent eux aussi du pouvoir législatif. Ce chiffre, pris isolément, témoigne des répercussions politiques du plus long shutdown de l’histoire: une défiance généralisée envers la capacité des institutions à gouverner.







