Cette semaine, un artiste nous invite à appréhender, à travers son œuvre, la manière dont la route s’est immiscée dans nos paysages et a profondément modifié le cadre même de notre vie quotidienne.
Nayel Zeaiter nous propose une traversée guidée à travers l’histoire de la voirie et de tout ce qui a roulé, ou roule encore, sur les routes.
Aux origines des Gilets jaunes
Charrettes, carrosses, omnibus, bus, camions, voitures, vélos : tout ce petit monde apparaît comme une fresque qui se déploie page après page. On découvre ainsi de quelle manière le réseau routier s’est constitué en France et comment il a façonné notre société, surtout depuis l’arrivée de l’automobile.
On rappelle notamment comment les voies publiques se sont multipliées dans les années 1960 dans les zones qualifiées de « périurbaines ». Là où s’élevaient des pavillons et des lotissements, des espaces où la voiture devenait indispensable. Et là aussi, le coût des carburants demeure aujourd’hui encore un sujet sensible, comme l’a montré le mouvement des Gilets jaunes.
Lutte entre vitesse et sécurité
Évidemment, avec plus de 700 000 kilomètres de routes communales, 380 000 kilomètres départementales, 11 000 kilomètres nationaux et 12 000 kilomètres d’autoroutes, le réseau routier nous entoure et compose un univers qu’il a fallu progressivement organiser et codifier.
Le livre montre comment la France s’est peu à peu couverte de ce qui nous paraît aujourd’hui si familier, symbolisant la lutte constante entre vitesse et prudence. Les premiers panneaux, au début du XXe siècle, les prémices des tracés au sol dans les années 1930, l’arrivée du Stop en 1971, la multiplication des ronds-points dans les années 1980. Et puis l’abondance de mobilier urbain qui tente aujourd’hui de se refaire une beauté, sous forme de rochers ou de jardinières.
Une esthétique d’autoroute
Nayel Zeaiter prête une attention particulière aux autoroutes qui traversent le pays et qui semblent nous inviter à les parcourir, notamment grâce à ces fameux panneaux marron signalant un patrimoine remarquable. Et pourtant, le paysage qui nous est offert est souvent artificialisé : façonné par la route elle-même, nivelé, creusé, réaménagé par des paysagistes et des artistes afin de donner une illusion de nature.
Il y a, selon l’auteur, une véritable esthétique de l’autoroute, soutenue par des œuvres monumentales apparues dans les années 1970 et 1980 : Les Flèches des cathédrales sur l’A10, Les chevaliers cathares sur l’A61 ou encore Le signe infini sur l’A6. Plus de 80 œuvres de ce type existent; elles sont fréquemment critiquées, ignorées, et pourtant elles témoignent elles aussi de cette culture de la route qui a transformé notre pays en quelques décennies.






