Arrivé à prix d’or au Paris Saint-Germain durant le mois d’août 2011, Javier Pastore continue de susciter à la fois l’admiration et l’irritation chez les supporters parisiens. Tour à tour dribbleur déroutant ou joueur nonchalant, El Flaco est un mystère. Décryptage.
Lors de sa présentation en grande pompe lors de la première journée de ligue 1 en 2011 contre Lorient au Parc des Princes, Javier Pastore avait fait lever les foules pour la première fois. Personne ne l’avait vraiment vu jouer mais le montant astronomique de son transfert – environ 42 millions – et son statut d’étoile montante en sélection argentine en firent directement la tête de gondole de l’équipe. Les qataris souhaitaient « le nouveau Messi au PSG », et n’avaient donc pas hésité à s’aligner sur les prétentions du fantasque président de Palerme, Maurizio Zamparini, afin de s’attacher les services d’El Flaco (« Le maigre », surnom donné en raison de son gabarit longiligne).
Après quelques jours seulement d’entraînement avec le reste du groupe, Antoine Kombouaré décide de lancer la nouvelle pépite dans le grand bain le 18 août 2011 face à Differdange, pour un match de barrages pour la Ligue Europa. Il sera titulaire pour la première fois en L1 face à Toulouse le 28 août 2011. Ces premiers matchs sous ses nouvelles couleurs mettent le football français à genoux : dribbles, talonnades, reprise de volée, engagement, petits ponts, roulettes, Javier Pastore montre l’étendue de son talent et parvient à se montrer décisif. Il séduit également par son sourire enfantin et par sa gentillesse spontanée, tout comme par son élégance et par son aisance technique. Il est élu joueur parisien du mois d’août, puis continue sur sa lancée durant le mois de septembre, affolant les défenses françaises et faisant l’unanimité au sein du vestiaire rouge et bleu.
Docteur Javier, mister Pastore
Seulement voilà, l’état de grâce ne dura que quelques semaines. Pastore commence à plonger physiquement et se met à regretter son manque de préparation estivale pour tenir le coup durant 90 minutes. Sur le terrain, quelques-uns de ses coéquipiers, Kevin Gameiro en tête, s’agacent de son jeu trop personnel sur le terrain, ses dribbles sont moins déroutants, son jeu devient trop prévisible. Il perd peu à peu son sourire juvénile et connaîtra une longue période de disette qui durera jusqu’en hiver 2012. El Flaco se perd dans ses râteaux, il passe à travers des gros matchs – totalement transparent au Vélodrome – et le courant ne passe plus du tout avec Kombouaré. Sa relation avec les autres attaquants se complique, et avec la présence d’autres solistes tels que Nene ou Menez, le jeu parisien s’essouffle.
La presse commence à s’interroger sur la réelle valeur d’un Pastore qui, certes, marque des buts et délivre des passes décisives (16 buts et 7 passes au total durant l’exercice 2011 /2012) mais fait preuve d’une terrible nonchalance sur le terrain. Il perd des ballons faciles, mais marche pour le récupérer. Un coéquipier est démarqué, il tente le petit pont sur le défenseur derrière. Il a comme consignes de jouer devant, il redescend sans arrêt chercher la balle et vice versa. Bref, Javier Pastore est un joueur déconcertant, et son début de saison 2012 toujours sous les couleurs du PSG confirme les craintes des spécialistes. Pastore ne veut toujours pas prendre le jeu à son compte et semble ne pas vouloir s’affirmer. Il est génial, mais par intermittences. Cependant, tout laisse présager que l’intense préparation de cet été l’aidera à monter en puissance et à gagner en régularité mais sur l’ensemble de ses deux premiers matchs, El Flaco doit à tout prix se ressaisir pour s’imposer définitivement dans le onze type de Carlo Ancelotti.
Pastore : un jeune comme un autre ?
Dans la biographie qu’il lui consacre, le journaliste Vincent Duluc (Le Phénomène Pastore) révèle l’immense attachement que Javier porte à sa mère. C’est d’ailleurs parce que le numéro 27 est le préféré de cette dernière qu’il a choisi de le faire floquer dans son dos, c’est lorsque madame Pastore assiste à PSG / Sochaux en fin de saison dernière que son fiston livre sa meilleure copie de l’année sur la pelouse du Parc. Javier Pastore est un enfant couvé, un génie attachant qui, à l’instar de toute sa génération, n’en a pas fini avec Œdipe et peine à s’émanciper. Il suffit de consulter son compte Twitter pour se rendre compte à quel point ce garçon est immature et à des lustres de l’image que l’on peut se faire du footballeur moderne : il aime le bowling, il nage avec sa chérie, il mange au restaurant argentin avec sa famille et semble peu enclin aux frasques de la nuit parisienne.
Le mystère Pastore viendrait donc de là. Il ne veut pas prendre le jeu à son compte car il souffre de ce mal qui touche tous les jeunes de la planète. Il refuse de s’imposer, il aime les coups de génie qui feront de superbes compilations sur Youtube mais ne veut pas se faire du mal pour viser encore plus haut. C’est un as du zapping mais pas du long-métrage. Il manque d’engagement, de constance, de dureté. Il ne veut pas faire mal. Devant le but, ce n’est pas un tueur. Il ne possède pas la fameuse grinta argentine, Pastore ne se roule pas par terre, il n’harangue aucun coéquipier, il ne met même pas de coups de coude dans le visage des défenseurs. Il est indécis, ne sait pas s’il doit évoluer en attaque ou au milieu, sur un côté ou face au jeu.
Son talent ne fait aucun doute, mais il va falloir qu’il s’affirme, et vite. Avec l’arrivée prochaine du brésilien Lucas et avec la présence de son compatriote Lavezzi à gauche, les places vont être chères cette année pour lui comme pour les autres. Alors un conseil Javier : deviens enfin un homme et éblouis-nous enfin de la première à la dernière minute.
