“Dominique-nique-nique s’en allait tout simplement“. La célèbre comptine, chantée, ironie du sort, par une bonne soeur au physique ingrat, résume bien la fin de carrière de DSK. En l’espace d’une matinée, le chouchou des médias, le favori des français et le candidat du monde des affaires est devenu l’individu le plus infréquentable de la sphère politico-médiatique. Et la figure du sex-addict a effacé l’homme politique.
Combien d’articles de presse, de commentaires dans les blogs – de gauche notamment -, n’ont cessé de répéter que DSK était l’homme des industriels et des financiers, en somme un défenseur des puissants. Comment leur donner tort ? Jetons donc un oeil à son réseau. Impressionnant, éclectique. Effrayant, un peu, aussi…
DSK, à gauche, mais comme Guizot…
Tour à tour professeur à l’ENA et Sciences po, conseiller de François Mitterrand, ministre de l’économie, avocat d’affaires et directeur du FMI. C’est lui qui a créé l’Association de grandes Entreprises Françaises en 1982 et le Cercle de l’Industrie en 1993, afin d’effectuer du lobbying au sein de l’Union Européenne. C’est ainsi qu’il a pu se rapprocher de Lindsay Owen Jones, patron de l’Oréal et de Vincent Bolloré, l’ami de Sarkozy. Ses activités d’avocat d’affaires lui ont permis d’entretenir des liens étroits avec les PDG d’Alcatel, d’EDF ou encore de la SOFRES. Son passage au FMI lui a permis d’être au contact des dirigeants des grandes banques, hedges funds et autres fonds de pension. Les véritables « affameurs » des peuples. Enfin, comment ne pas évoquer l’un de ses plus proches amis, Denis Kessler, ancien vice-président du MEDEF, aujourd’hui président du groupe d’assurance Scor, connu pour ses positions très libérales, notamment sur le contrat de travail. Bref, que du beau monde… On lave son linge sale en famille: il sent mauvais.
En tant que ministre de l’Economie et des Finances, on lui reproche d’avoir plus privatisé que les gouvernements de droite. Les banques publiques, Airbus, France Telecom, Air France sont passés sous la tutelle du privé. Qui ne seraient pas déconcertés? C’est aussi lui qui a mis en place le régime des stocks-options, avec plusieurs mesures favorables aux hauts dirigeants d’entreprises, qui n’étaient pas assez riches. Même Ernest-Antoine Seillière, alors chef du Medef (Mouvement des entreprises françaises) s’exclamait en juillet 1999: «Nous avons un excellent ministre des finances, peut-être le meilleur de l’univers … il fait de son mieux pour que les entreprises ne trouvent aucun obstacle sur leur chemin». Et pour que le peuple se fasse exploiter sans broncher.
Lorsque le socialiste – façon de parler – a pris la tête du FMI, l’institution a continué d’imposer son triptyque habituel, en échange des prêts aux pays en difficultés : baisse des prestations sociales, vente des bijoux de familles au privé et réduction des protections sur le marché du travail. Il n’en fallut pas moins aux sympathisants de gauche pour clore le débat. DSK est un homme de droite dans un costume d’homme de gauche. Une pourriture capitaliste doublée d’un pervers imbu de lui-même… Ne serait-ce pas un peu rapide ? En ce qui concerne sa maladie mentale – dixit Rocard- qui le pousse à sauter sur tout ce qui bouge, ou plutôt à sauter tout ce qui bouge, non. Intéressons-nous au reste – ce qui se situe au dessus de la ceinture.
DSK, libéral sexuel… économiste de gauche?!
Tout le monde connaît les penchants « libre-échangiste » du socialiste, mais ne confondons pas mœurs et économie, car DSK n’a jamais défendu l’idée que le libre-échange était bon pour tout le monde, ce qui est pourtant le crédo des vrais libéraux, de Bastiat à Minc. Demeurerait-il des restes de gauche derrière le masque?
DSK est avant tout un expert en économie et en politique. Sa carrière parle pour lui, il connaît les enjeux, les réponses, et surtout l’art et la manière de faire accepter ces solutions. Aujourd’hui, l’Europe est en proie à un manque de démocratie et de transparence dans les décisions économiques. L’ancien directeur du FMI s’est toujours prononcé en faveur d’une meilleure coordination des politiques économiques européennes, de plus de solidarité entre les pays membres. C’est d’ailleurs lui qui, en 1999, a réussi à imposer aux allemands la création de l’Eurogroupe, pour créer un véritable gouvernement économique en Europe. Bien que ces derniers eussent réduit son rôle une fois le ministre parti.
On lui repproche également son action au FMI ? Comme s’il suffisait d’un seul homme pour faire bouger la figure institutionnelle du capitalisme. Il faut savoir relativiser de temps en temps. La venue du français Olivier Blanchard, comme chef économiste du FMI, a toutefois légèrement modifié le discours de l’institution. L’étude publiée dans les Perspectives sur l’Economie Mondiale, résume ainsi que l’austérité fiscale, dans le sillage de la crise économique, contracterait encore plus la demande et ferait monter le chômage. En gros, le FMI réclamait plus d’impôts pour amortir la crise alors qu’il nous demandait de faire l’inverse depuis 30 ans! Désormais, avec Christine Lagarde, on en est revenue aux préceptes d’antan. En témoigne la manière dont elle a fustigé la décadence du peuple grec…. Un joli retour en arrière.
DSK n’est pas l’homme des marchés financiers
J’en vois certains qui pensent encore que DSK copule avec la finance. Dans ce cas, pourquoi s’est-il prononcé contre la baisse de l’imposition du capital par rapport à celle du travail ? Pourquoi a-t-il souligné le fait que la baisse de l’impôt sur le revenu – pour la fourchette haute des revenus -, a fait perdre des marges de manœuvres importantes à la France ? Sur la question des charges sociales, il estimait fallacieux l’argument qui consiste à expliquer la faiblesse de l’industrie française par son coût du travail : « A quoi bon avoir un discours sur la baisse du cout du travail quand les rapports de coûts sont de 1 à 15 ? », expliquait-il.
Si DSK était l’homme des marchés financiers, il serait contre la taxe sur les transactions financières… Bon, en fait c’est le cas ! Mais ce n’est pas pour protéger les sociétés financières. Non. Au contraire, avec la taxe Tobin, on risquait de ne plus taxer personne ! Car, « si on attend des taux de rendement de 30-40%, une taxe de 0,05% ne changera rien ». Cela est d’autant plus vrai, quand on sait qu’avec les produits dérivés, les gains s’enregistrent sans tirer un seul mouvement de capitaux. Il se montre plutôt favorable à une taxe particulière sur les entreprises financières pour les inciter à prendre moins de risques et assurer une volatilité plus faible des marchés.
Et puis, que réclame les marchés financiers aux pays débiteurs ? De réduire les contraintes sur la libre entreprise, les embauches et les licenciements. Pour DSK, la question des contraintes ou des rigidités n’était pas primordiale. Comme il le disait lui-même : « le problème central reste de faire tourner la machine, lutter contre les rigidités n’a de sens que si le moteur tourne». Tiens, un dirigeant européen keynésien… c’est rare de nos jours. Il s’est donc éloigné des positions traditionnelles des libéraux, pour qui la croissance provient uniquement de la concurrence. De plus, il n’a jamais défendu une plus grande flexibilité sur le marché du travail.
La seule position véritablement connue à ce sujet est celle de la Fondation Jean Jaurès, dont DSK était le président du conseil d’orientation scientifique. Ces sociaux-démocrates en bonne et due forme, refusent l’idée du contrat unique, qui a eu le vent en poupe au milieu des années 2000. Pour la Fondation, « créer un nouveau contrat unique conduirait, mécaniquement, à banaliser le motif de recours à un contrat précaire » (p.92), tout en réaffirmant la position de l’OCDE : « l’impact de la réglementation du travail sur le niveau de chômage et sur l’emploi est ambigu ». Ils affirment également que « lier mondialisation et niveau des charges ou durée du travail est une escroquerie intellectuelle » (p . 114). Alors, DSK, libéral ? On est tout de même loin des propos d’un Robert Lucas (un prix Nobel… encore !) “Il y a un élément volontaire dans tout chômage, en ce sens que, aussi misérables que soient les possibilités courantes de travail, on peut toujours choisir de les accepter.”
DSK, une élite… de gauche
On le savait déjà, mais faire de la politique n’est pas un jeu pour fillette. Il ne suffit pas de déclamer la meilleure idée du monde pour qu’elle soit acceptée et appliquée. Pour réussir son coup, il faut influence, réseau et aura internationale… Trois qualités que l’ex directeur du FMI possédait. Actuellement, aucune personnalité internationale n’est capable de porter un discours en faveur de la réduction du temps de travail, d’une plus grande contribution du capital, d’une véritable régulation de la finance mondiale, d’un gouvernement économique européen, d’une lutte contre les déséquilibres entre le Nord et le Sud. Tout en étant aussi écouté et estimé par les financiers, les industriels, et les hommes politiques. Dominique Strauss-Khan, ce libéral-mondialiste qui violait les peuples et les femmes de chambre était-il cet homme? Sans doute pas… Néanmoins, ne serait-ce que parce qu’il était intelligent, lui n’aurait jamais déclaré “un vrai boulot en contrat à durée indéterminée”… mais dont la durée sera limitée dans le temps, “entre un an et trois ans”… Au contraire de Michel Sapin, notre sympathique et très socialiste ministre du Travail…