Camille Emmanuelle est chroniqueuse érotique. Dans 42mag.fr, elle répond aux dix meilleures questions posées par les lecteurs sur un thème précis. Cette semaine, Camille nous explique les joies du BDSM…
1. BDSM, c’est quoi ? Des bande-dessinées sado-maso ?
C’est mignon… Mais non. Aucun rapport avec les mickeys. Quoique… Il faut savoir que lorsque Eurodisney a été créé en 1992, Disney a fait venir en avion 500 employés des parcs américains, qui ont travaillé dix-huit heures par jour, pendant quatre mois. Mickey est un peu sadique. Mais le BDSM, c’est le sigle pour Bondage, Discipline, Domination, Soumission, Sadomasochisme. Joli programme n’est-ce pas ?
2. Depuis quelques années, on nous bassine avec 50 nuances de grey. On ne comprend plus ce que veulent les femmes : les hommes doivent passer l’aspirateur, aller chercher Léo et Éva à la crèche ET les fouetter avec un martinet ?
Oh chéri, j’ai l’impression que tu fais partie de cette génération d’hommes trentenaires un peu paumés, qui râlent sur le fait que la femme d’aujourd’hui veut le beurre, l’argent du beurre et le cul de la crémière. C’est-à-dire un homme qui assume ses responsabilités amoureuses et familiales, œuvre pour le partage des tâches, mais en même temps puisse la prendre sauvagement contre la machine à laver. Mais il faut se réjouir de tout cela. Nous construisons un nouveau modèle amoureux ! Suis mon précepte : « Il faut traiter une femme qu’on aime comme une petite princesse dans la vie, et comme une petite salope au lit ».
3. Le marquis de Sade affirmait qu’une femme jouit avec les oreilles… Est-ce vrai, et si oui, qu’est-ce que cela veut dire ?
Alors, le lobe de l’oreille n’est pas physiologiquement une zone érogène, mais les mots sont une source d’excitation, bien sûr. Je suis d’accord avec le Marquis, même si je pense que ce n’est pas une spécificité féminine. Je prône le joli mélange de love words et de dirty words. Attention tout de même à 1/ne pas en abuser, et 2/tâter le terrain, si j’ose dire, avant de sortir, à brûle pourpoint, des mots crus. Petit risque de refroidir le ou la partenaire, voire de passer pour un(e) gros(se) taré(e).
4. Je veux essayer le BDSM avec une pote, est-ce que je dois acheter une grosse boîte à outils, où ma bite et mon couteau suffiront ?
« Le sexe est la seule source de plaisir gratuite, qu’elle le reste ! »
On ne va pas au camping, on parle de sexe, là, chéri. Donc range ton canif, ne va pas chez Casto, ni Au Vieux Campeur, mais rends-toi dans les Love Shops, pour trouver de jolis martinets, menottes, fouets, liens, cordes, etc. Tout ceci a un prix. Si, en période de crise, tu souhaites être économe, un foulard, une simple règle d’école, et un peu d’imagination peuvent faire l’affaire. Le sexe est la seule source de plaisir gratuite, qu’elle le reste !
5. Juste pour avoir une idée, tu peux me citer trois personnalités que tu vois bien en maître(sse) SM et trois que tu vois bien en soumis(e) et me dire pourquoi ? Tu pourrais peut-être leur proposer une spécialité ?
En soumis(e) :
- Eric Zemmour. Sa paranoïa réactionnaire sur la perte d’identité masculine cache à mon avis un désir profond de se retrouver à quatre pattes, une paire de talons aiguilles écrasant son service trois pièces.
- André Vingt-Trois. Avec une boule dans la bouche, pour qu’il arrête de dire des conneries. Et dans un donjon SM gay, bien entendu.
- Ma banquière. Attachée à une croix de Saint-André, on verra si elle me parle toujours de mes aggios.
En maître(sse) :
- Channing Tatum. Ce mec dégage tellement de testostérone que même s’il me disait très gentiment « Tu peux te déshabiller, s’il te plaît ? », je me sentirais totalement soumise.
- Mae West. Elle n’est plus de ce monde, mais aurait été une domina non seulement sexy, mais très drôle. J’adore sa phrase : « Si par nature, l’homme est une bête de sexe, j’ai toujours eu des animaux de compagnie. »
- Charlotte Rampling. Une femme avec une personnalité et une beauté hors-normes. Je l’inclus dans cette liste, juste pour le plaisir de l’imaginer en cuir ou en latex.
6. Si je fais comme dans 50 nuances de Grey et que je sors un fouet à la lanière en cuir au premier rendez-vous, juste après le digeo, tu penses que j’ai mes chances ?
Tu as surtout de grandes chances de te retrouver à la rue, après le dernier métro, comme un con. Voyons jeune homme, les jeux érotiques, même les plus SM, sont des choses à pratiquer avec délicatesse et subtilité. Attends au moins le petit-déj’ du lendemain matin.
7. Je viens de finir la première séance. J’ai une ceinture en cuir dans la main, ma pote est saucissonnée dans de la corde d’escalade, elle a du sperme et des molards plein la gueule, une boule en plastique dans la bouche et le cul lacéré de marques rouges. Comment je passe de ça, à la saison 5 de Friends que l’on veut se mater après et à la pizza Picard ? Quelques conseils pour passer du cuir au pyjama, naturellement ?
« Tout ce qui se passe au lit (ou dans le canapé, ou dans l’ascenseur, ou dans la voiture, etc), reste au lit (ou dans le canapé, ou dans l’ascenseur, ou dans la voiture, etc). »
J’ai des images dans la tête que je ne voulais pas avoir, je ne te remercie pas. Pour me venger je vais te chanter Ça fait rire les oiseaux, de la Compagnie créole, en boucle, pour que tu l’aies en tête toute la journée. Sinon, comment passer du « cul-trash » au « câlin devant la télé avec un bol de Chocapic » ? Bonne question. Pas évident. Je dirais qu’il faut d’une part être amoureux, et d’autre part avoir un contrat tacite avec le (la) partenaire : tout ce qui se passe au lit (ou dans le canapé, ou dans l’ascenseur, ou dans la voiture, etc), reste au lit (ou dans le canapé, ou dans l’ascenseur, ou dans la voiture, etc).
8. Juste pour être sûr… Quand deux mecs se tapent dessus et kiffent à un entrainement de MMA… C’est gay du coup ? (vraie question)
Le MMA, pratique crypto-SM-gay ? Intéressant. Il y a dans le sport une forme de masochisme. Personnellement, je pratique le Bikram, du yoga sportif dans une salle chauffée à 40°. Je transpire comme une dingue, manque de m’évanouir toutes les cinq minutes, et je kiffe. Suis-je pour autant une soumise ? Non, car dans ces séances je n’ai pas d’orgasme. Heureusement pour les trente personnes qui m’entourent, d’ailleurs, ce serait gênant.
9. Lorsque l’on regarde des vidéos BDSM, les maîtres passent des heures à attacher, fouetter, électrocuter, goder, et parfois la séance se termine sans qu’ils aient baisé. C’est quoi leur problème ? Ils sont impuissants ou quoi ?
Toi, tu vas te faire des amis. Je ne pense pas que ce soit un problème d’impuissance. Mais le rapport BDSM, lorsqu’il est souvent quelque chose de très intellectualisé, ne nécessite pas forcément de passage à l’acte pour ceux qui le pratiquent. C’est chelou, je l’admets, mais c’est le principe de la transposition. Un peu comme le lèche-vitrine. Tu fantasmes sur des robes à what mille euros, tu sais que tu ne les achèteras pas, mais tu prends quand même du plaisir à les essayer. Tu vois bien ce que je veux dire, non ?
10. 50 nuances de Grey ouvre de nouvelles perspectives aux machos. Est-ce que tu peux donner quelques conseils aux mecs qui voudraient établir une relation BDSM avec leurs femmes, juste pour leur faire faire le ménage et la vaisselle sans qu’elles disent non ? Au lieu de dire, « Tu peux faire la vaisselle chérie ? », ils doivent l’étrangler, lui cracher à la gueule et lui dire, « Va nettoyer ça, soubrette ! » ? Tu penses que ça a une chance de marcher ?
« Il faut traiter une femme qu’on aime comme une petite princesse dans la vie, et comme une petite salope au lit. »
Je crains que le macho, espèce heureusement en voie de disparition, ne retire pas grand chose du succès de 50 nuances de Grey. Un dominant n’est pas forcément misogyne. Il tire son plaisir de la souffrance de l’autre, et donc dépend totalement de celle-ci. Finalement dans le couple SM, qui est soumis, qui domine, on ne sait plus trop. Sur ce je te laisse, j’ai de la vaisselle à faire, et aucun soumis à disposition…