Horreur monumentale. Fruit du progrès triomphant, de la croissance vénérée, de la glorieuse marche des nations… Sonnez, trompettes humanistes, voici l’Homme, avec un grand H, dans son habit de lumière… Ou pas.
Laissez-moi vous présenter le “7eme continent de plastique“, une immense plaque de déchets, barbotant au nord du Pacifique. Le bébé a fait son rot, et il pèse un tiers des États-Unis, plus de six fois la France. Ta maman va être contente, c’est toi le papa. Et moi. Pour que l’on se comprenne bien, on parle là d’un gigantesque amas de sacs plastiques, de bouteilles, de filets etc… Un continent, on te dit. Figure toi une espèce de soupe de plastique formée d’une myriade de petits fragments, servie avec ses croutons (les macro-déchets). On trouve ça dans le Pacifique, l’Atlantique et l’océan Indien. Une réunion-tupperware dans lesquelles les fameux contenants se rencontrent sans ménagères, par la grâce de courants marins. En quelques années, toutes les cochonneries que tu jettes à Palavas-les-Flots sont aspirées au centre de la spirale, où ils s’amalgament.
Poséidon est fatigué, lâche-lui la grappe
Ce cadeau fait par l’Humanité à Poséidon, qui depuis Ulysse, se tenait pénard dans la fosse des Mariannes, c’est Charles Moore, un navigateur, qui l’a découvert en 1997. “Jour après jour, je ne voyais pas de dauphins, pas de baleines, pas de poissons, je ne voyais que du plastique”, se souvient-il. Le genre de truc qui te gâche une journée de bateau… Surtout si tu viens de jeter un cône miko par dessus bord… Du coup, Charles Moore commence à se mobiliser: avec son ONG, l’Algalita Marine Research Foundation, il tente de mettre au point une méthode de quantification des déchets dans les océans. Six fois plus de plastique que de plancton: un score. Plusieurs dizaines de canards en plastique dans le bain de ta copine. Pendant que toi et moi, on déplore, on colère tout rouge, on s’indigne comme on nous a dit de faire, Patrick Deixonne agit. Le skiper guyannais est parti de San Diego le 24 mai, pour un mois, entre la Californie et Hawaï. Sur sa petite goélette des années 30 guidée par satellites, il essaie d’étudier de plus près cet Atlantide de la connerie humaine (abyssale). Toi, tu continues à acheter des madeleines Monoprix, avec des petits sachets dans des sachets moyens dans des encore plus grands sachets (c’est tellement meilleur). Ensuite, tu demandes un sac à la caisse. Connard.
Taux de croissance de la connerie humaine
Le phénomène croît à la mesure de notre bêtise et de l’inanité de nos modes de vie… Un envers de la croissance mondiale, qui mesure la stupidité de nos dirigeants, aux kilos de tonnes de merde déversés dans l’océan. Tu saisis le truc? Ces plastiques mettent des centaines d’années à se dégrader, et la lumière du soleil les fractionne en morceaux… Plus petit, le plastique est ingéré par les poissons gentils, les oiseaux mignons et les autres trucs dont on se fout. Parfois, ça les blesse, parfois ça les étouffe. Parfois aussi, ça survit, mais est-ce une bonne nouvelle? Va voir là. Loto. Que faire? Les opérations de nettoyage, comme le projet Kaisei, paraissent irréalisables… Aucun État ne veut mettre la main à la poche. “L’essentiel est surtout de réduire la quantité de déchets produite, en limitant la consommation d’emballages, en les recyclant et les réutilisant au maximum et en recherchant d’autres alternatives, comme des plastiques biodégradables ou compostables, du papier ou de l’aluminium.” rappelle Marieta Francis, directrice exécutive de l’Algalita Marine Research Foundation. Je résume: ta maman la nature te demande d’être moins con. Merci.