Un quart de siècle après l’introduction des premiers DVD en France, l’industrie du film en format « matériel » subit un déclin important, avec seulement une dizaine de vidéothèques qui subsistent dans tout le pays. Parmi eux, « JM Vidéo », situé dans le 11ème arrondissement de Paris, parvient à rester opérationnel grâce à la loyauté de ses amateurs de cinéma réguliers et au contenu vidéo publié par le site web Konbini.
Au printemps 1998, il y a 25 ans, les premiers DVD, un format de visionnage révolutionnaire censé remplacer la cassette VHS, ont été lancés sur le marché français. À cette époque, il y avait environ 5 000 vidéo-clubs, ces magasins de location pour particuliers, répartis dans tout le pays. Aujourd’hui, on n’en compte plus qu’une dizaine en France.
L’essor de la vidéo à la demande (VOD) et des plateformes de streaming, pratiques qui ont explosé pendant la pandémie de Covid et les confinements, explique en partie la baisse de parts de marché du support physique : les ventes de DVD ont chuté de 82 % entre 2010 et 2021, selon le baromètre CNC-GfK.
Parmi les quelques vidéo-clubs qui survivent encore, un « village gaulois de la cinéphilie », selon les mots de son propriétaire Philippe Zaghroun, résiste à l’envahisseur du streaming : « JM Vidéo ». Ce magasin est situé avenue Parmentier, dans le XIe arrondissement de Paris, depuis 1993. Il continue de fonctionner grâce à une clientèle fidèle en quête de conseils, au bouche-à-oreille entre les habitants du quartier, et surtout un catalogue riche de plus de 50 000 références, dont certains films très rares.
Peu de clients s’attendent à une journée tranquille le lundi chez « JM Vidéo », mais ce jour-là, ils entrent au rythme d’un film toutes les cinq minutes environ, pour en rendre un, en discuter et souvent demander des recommandations pour la prochaine location. Ce magasin s’impose donc comme un dernier bastion dans un monde dématérialisé dominé par les plateformes.
« Il y a une clientèle très cinéphile ici, donc on va toujours aller chercher les petites pépites, les films qu’on ne trouve pas ailleurs, ceux qui sont sortis dans les salles d’art et d’essai », explique Philippe Zaghroun. « Nous n’avons jamais misé sur les blockbusters, notre spécialité a toujours été les petits films d’auteur. Pendant des années, nous avons récupéré la clientèle des autres vidéo-clubs qui fermaient, et aujourd’hui, notre chiffre d’affaires est stable, il ne baisse pas. »
Malgré le confinement, qui aurait pu être fatal à la boutique, le besoin d’échange et de dialogue semble s’être renforcé. Théo Bancilhon, employé du magasin et cinéphile, pourrait parler pendant des heures de ses films préférés.
« Face à une plateforme, le public ne sait parfois plus quoi regarder et se tourne vers n’importe quoi. En tout cas, il adopte une logique de consommation. Lorsqu’on revient ici, on remet de l’humain, de la discussion, on considère le cinéma autrement, ce n’est plus un produit abstrait qu’on consomme pour se divertir », défend Théo Bancilhon. « Un lieu comme celui-ci, ce n’est pas seulement un lieu de résistance, c’est aussi un endroit qui nous rappelle que d’autres pratiques sont possibles, qui me semblent plus justes et plus intéressantes. »
Depuis 2018, un autre événement a contribué à augmenter la fréquentation du magasin, à attirer une nouvelle clientèle plus jeune, mais aussi des touristes du monde entier et à renflouer les caisses : la séquence « Vidéo Club » du site Konbini, tournée dans les rayons du magasin, qui a accueilli des stars telles que Terry Gilliam, David Cronenberg, Michael Bay ou Brad Pitt, pour n’en citer que quelques-uns.