« Réveillez-vous ! » C’est par un clin d’œil au pamphlet planplan de Stéphane Hessel que le déclinologue en série, gourou de la « négative attitude », nous gâte à nouveau. Victime de prédilection : la France.
Un tireur d’élite, ce Nicolas : ENS, Sciences Po, Ena. L’homme au regard sournois et à l’expression glaciale n’est à l’aise qu’entouré de grands décideurs publics et de magnats de la presse. Un gentil toutou à qui on lâche parfois un os, comme en 2007, quand il fut décoré de la légion d’honneur pour avoir apporté son soutien à Nicolas Sarkozy.
Après avoir écrit La France qui tombe : un constat clinique du déclin français, Nouveau Monde, vieille France et Vieux pays, siècle jeune : la France et le monde 2001-2005, le pseudo-économiste nous inflige : Réveillez-vous !. À qui s’adresse-t-il ? À nous évidemment ! À ce peuple français figé, qui a pensé le temps d’une élection que le changement, c’était pour maintenant. Ces Gaulois toujours prompts à critiquer les excès de la mondialisation, les fermetures d’usines, les salaires des grands patrons, la remise en cause de la retraite par répartition au profit de la capitalisation… Cessez donc de vous plaindre, nous dit Baverez, et réveillez-vous « de vos illusions, de vos dénis, de votre refus de voir en face la réalité, le monde, tels qu’ils sont devenus». Tremblez Françaises, Français ! La parole messianique du Jésus-Christ des intérêts privés sera prêchée dans vos librairies.
Allez chercher une corde et un tabouret
Triste, moribonde, bougonne, voilà l’image de la France selon Baverez. « Mais pourquoi est-il si méchant ? » Sûr qu’à l’école primaire, il devait être un souffre-douleur, moqué pour son physique, raillé pour ses bonnes notes et son attitude irréprochable en classe. À n’en pas douter, cet Agnan faisait partie des élèves agaçants. Ceux qui répondent toujours juste aux questions du prof, qui se font insulter, ou pire, racketter à la récré. C’est pour cette raison qu’il s’est juré de se venger de ses tortionnaires en faisant passer son fardeau de tête de turc à la société entière.
Malgré la crise, Baverez nous sert sa vieille soupe néolibérale , dont le goût oscille entre l’oseille et la mort au rat.
La peur donc. Pierre angulaire de l’œuvre littéraire de Baverez. Ce dernier nous avait déjà mis en garde dans ses précédents ouvrages au sujet du retard de la France face au processus de mondialisation. Ses reproches ? La France est un vieux pays accroché à ses privilèges. Dans son dernier opus, il radote : toujours ces mêmes propos alarmistes sur la faible compétitivité du pays, sur son marché du travail pas assez flexible, sur sa fiscalité lourde comme une jument morte. Circulez, il n’y a rien à voir ! Malgré la crise, Baverez n’a pas apporté de mise à jour à son logiciel de lecture économique : il nous sert sa vieille soupe néolibérale, dont le goût oscille entre l’oseille et la mort au rat.
Si ses analyses ne sentaient pas autant le formol, peut-être pourrait-on le croire. Non, impossible, et encore moins lorsqu’il affirme: « La France est en passe de sortir de l’écran radar du XXIe siècle … Plus l’Histoire accélère, plus elle regarde vers son passé, vers d’improbables utopies ou d’introuvables modèles alternatifs ». Le titre d’un chapitre s’intitule carrément : « Terminus, la France descend ». L’ouvrage est un imbroglio d’arguments parfois justes, mais totalement orientés. La dernière page terminée, on se réveille avec la gueule de bois. Des spasmes vous parcourent le ventre. Rassurez-vous, c’est normal, c’est la peur qui vous guette. Elle est dorénavant ancrée dans votre inconscient. Alors, sommes-nous vraiment au bord du gouffre, de la faillite ? Sommes-nous de si mauvais élèves que ça ?
Le clou de la peur avec le marteau de la connerie
L’homme pour qui « l’ antilibéralisme est un fléau qui se trouve au principe du déclin et de la régression de la France », devrait plutôt réviser ses leçons d’économie et laisser un peu de côté son analyse factuelle du peuple français. L’idée principale est de faire entendre au plus grand nombre que la France est en déclin relatif par rapport à ses partenaires. L’Allemagne ? Nous en avons déjà parlé dans un précédent article. Les États-Unis ? On sait que le taux de pauvreté y est deux fois supérieur et que des millions de personnes ne sont pas comptabilisés dans les chiffres du chômage. Sa dette atteint des niveaux records, l’économie ne fonctionne que sous perfusion monétaire. Mais Baverez s’obstine et continue de soutenir que « la France approche dangereusement du moment où elle va devoir acquitter les comptes de trois décennies de vie à crédit. »
Tout va mal, on l’a bien compris. Mais quel est l’intérêt d’enfoncer le clou de la peur avec le marteau de la connerie ? Baverez ne serait qu’un messager, une sorte de messie venant en France pour prêcher la bonne parole anglo-saxonne aux sonorités néolibérales.
Baverez au bal des pantins
Baverez se situe dans la lignée des Jacques Marseille, François de Closets et autres gugusses spécialistes de la connerie à visage découvert. Leur gagne-pain repose sur une surenchère de propos anti-État et anti-fonctionnaires. En ces temps de déprime, l’essayiste a trouvé une alliée de choix dans sa quête contre le progrès à la française. Il s’agit de Sophie Pedder, chef du bureau The Economist à Paris.
Sous ses longs cheveux bouclés et avec son accent so british, la journaliste nous explique comment les Français sont les pourris-gâtés de l’Europe. Elle tente de démontrer les limites du modèle de croissance français, « porté par la consommation, alimentée par les transferts publics payés à crédit ». Comme si le modèle anglo-saxon fondé sur la consommation et alimenté par le crédit ainsi que par une création monétaire artificielle était une meilleure solution ! Cette femme fait partie de la même caste que Baverez. Elle aussi rêve d’un marché du travail sans contraintes d’embauche et de licenciement.
Les Français sont les travailleurs les plus productifs au monde par heure travaillée.
Un discours qui nous ferait oublier que 80% des embauches se font en CDD et que le recours aux emplois à mi-temps ou en intérim a explosé ces dix dernières années. Quant à la supposée « rigidité » hexagonale, elle a tout de même permis à la France d’être le pays qui a créé le plus d’emplois en Europe entre 1997 et 2001. Est-il encore nécessaire de rappeler l’avis mitigé de l’OCDE sur les bienfaits de la flexibilité ? Cette dame de fer ose en plus nous faire un procès pour paresse ! Nous vous invitons à lire l’article très intéressant sur le site Businessinsider.com, affirmant à partir d’une enquête de que les Français sont les travailleurs les plus productifs au monde par heure travaillée. On y lit : « Voici une leçon que le reste du monde devra méditer. La solution n’est pas de travailler plus. Mais de travailler mieux… et moins. Comme les Français savent le faire ».
Il faut quand même avoir un certain culot pour prendre en exemple un modèle qui a ruiné l’économie mondiale en creusant le fossé des inégalités et la tombe des plus précaires d’entre nous. Il suffit de regarder les conséquences du modèle britannique : croissance faible, baisse des dépenses publiques, augmentation de la précarité et explosion de la dette. Les citoyens britanniques n’ont eu, ni le beurre, ni l’argent du beurre, juste le crémier qui est venu leur taper les fesses à coup de carottes libérales. Parait-il qu’après ça passe mieux.
Rendors-toi Baverez !
Baverez & Bros oublient que les déséquilibres mondiaux proviennent d’une finance totalement livrée à ses excès. Si on l’écoutait, il faudrait même aller plus loin. L’analyse est partielle et spartiate. Comme d’habitude. Si seulement quelqu’un pouvait sortir la boîte à gifles avant qu’il ne recommence à nous endormir avec ses prédictions en forme de Jugement Dernier. Notre Nostralarmus est un pantin défendant les intérêts d’une élite qui craint la réappropriation par le peuple du débat économique. Réveillez-vous, salauds de pauvres, et allez chercher du goudron et des plumes…