Face à la préoccupation grandissante concernant les coûts de l’énergie, un désaccord persiste entre l’Assemblée et le Sénat sur la question de l’introduction de nouvelles aides en faveur des entreprises pour l’électricité. Au sein des coulisses politiques, une bataille aussi complexe qu’elle est politique met en évidence les divergences d’opinions au sein de la Nupes. Analyse politique de Jean-Rémi Baudot.
C’est un article discret, au cœur d’une proposition de loi concernant la nationalisation d’EDF, qui pourrait avoir un impact considérable sur la vie de milliers d’entrepreneurs. En février, l’Assemblée nationale a approuvé le rétablissement des tarifs réglementés de l’électricité pour toutes les entreprises employant jusqu’à 5 000 salariés. Ces tarifs seront exceptionnellement gelés pendant un an. Un plafond tarifaire de 160 euros le mégawatt/heure a été fixé, bien en dessous des 1 000 euros que l’on retrouve actuellement sur certaines factures, et également en dessous des 280 euros maximum promis par le gouvernement.
Tous les députés ont voté en faveur de ce texte, à l’exception du parti au pouvoir. Il est à noter que cet amendement, proposé par la députée LFI Alma Dufour, a été soutenu par toutes les forces d’opposition : Nupes, LR, RN… Les députés de la majorité ont quitté l’hémicycle au moment du vote pour manifester leur désaccord. Le texte est maintenant examiné par le Sénat. L’orientation politique y est plus libérale et l’atmosphère bien différente. Jeudi dernier, lors de la commission des finances du Sénat, cet amendement a été démantelé et retrouve désormais des contours plus traditionnels.
Les tarifs réglementés ne s’appliqueront désormais qu’aux TPE (entreprises de moins de 10 salariés), sans distinction de puissance, afin de ne pas léser les boulangers, par exemple. Ce dispositif a été validé notamment par la Commission de régulation de l’énergie.
Cependant, au PS, on reconnaît que ce dispositif est coûteux et contraire aux règles européennes.
Le problème pour la France Insoumise est que cette mesure est beaucoup moins généreuse que le texte initial. Avec la version du Sénat, plusieurs centaines de milliers d’entreprises ne bénéficieraient plus de ces aides. Toutefois, en coulisses, des observateurs soulignent que le texte initial part évidemment d’une bonne intention, mais qu’il ne serait pas réaliste.
Personne n’est en mesure de dire combien ce dispositif pourrait coûter. Le gouvernement avance le chiffre de 18 milliards d’euros, impossible à vérifier. D’un point de vue strictement constitutionnel, de telles dépenses ne seraient pas possibles dans un amendement. D’autres font valoir que le droit européen n’autorise de telles aides qu’aux TPE et non aux entreprises employant jusqu’à 5 000 salariés. Des arguments repris par la majorité, mais aussi parmi les rangs de la gauche : « Cette loi, on sait bien qu’on ne peut pas la maintenir en l’état », admet un socialiste.
Ce texte illustre le parcours semé d’embûches du travail parlementaire. Il porte un projet, dénonce l’organisation du marché de l’électricité, tente d’apporter une aide au plus grand nombre, mais se heurte à des contraintes administratives, politiques et économiques. Il met également en lumière la différence d’approche au sein de la Nupes entre des députés LFI plus militants et des socialistes parfois plus pragmatiques.