Incident automobile, dommage provoqué par l’eau, désastre naturel… dès le premier dommage à indemniser, sommes-nous tous des assurés menacés de résiliation ? En 2022, près d’un million de citoyens français ont subi une annulation de leur assurance. Pour comprendre comment ces décisions de résiliation sont prises en coulisses et comment elles nous affectent en cas de mauvaise fortune, l’émission « Envoyé spécial » a mené une enquête dans les arcanes d’une importante compagnie d’assurance.
Un assureur peut-il résilier un client ayant coûté plusieurs milliers d’euros en indemnisations, car jugé non rentable ? Pour tenter de répondre à cette question, une journaliste d' »Envoyé spécial » s’est infiltrée anonymement dans l’une des principales compagnies d’assurance française.
Assignée au service client, la journaliste rejoint un groupe de téléconseillers en formation. La session porte sur les assurés auto : il faut leur proposer des contrats ou vérifier certains dossiers – ceux portant la mention « MR auto » pour « maîtrise des risques ». Le formateur explique que ces clients sont à surveiller car ils ont eu plusieurs accidents et coûtent donc cher à la compagnie, qu’ils en soient responsables ou non.
Un conseiller en formation indique : « Si une personne a trois accidents non responsables dans l’année, on va commencer à se dire que c’est peut-être elle qui ne sait pas conduire et qui ne sait pas analyser les dangers sur la route. »
Parmi les clients sous surveillance, un assuré avec trente-huit ans d’ancienneté. Il n’a eu aucun accident depuis trois ans, mais il est toujours surveillé jusqu’en 2024 sans être informé de sa situation. Il est difficile de savoir combien de clients se trouvent dans cette position, car ces dossiers internes sont traités individuellement et cloisonnés entre les différentes agences. Le sort de l’assuré dépend également du nombre total de contrats (auto, habitation, etc.) qu’il a souscrits. Si un client n’a qu’un contrat, son conseiller aura tendance à le voir comme un coût plutôt qu’un gain.
Ce type de surveillance basée sur le nombre de sinistres est une pratique courante dans la plupart des compagnies d’assurance. D’autres méthodes existent également pour écarter les clients jugés non rentables. « Envoyé spécial » a obtenu un document d’une entreprise listant les clients sous surveillance et indiquant des augmentations ciblées des cotisations : jusqu’à plus de 120% pour certains, afin de les inciter à quitter la compagnie de leur plein gré.
Cet extrait provient de « Au secours, mon assureur n’assure plus! », un reportage diffusé dans « Envoyé spécial » le 13 avril 2023.