Le dirigeant de l’état a demandé vendredi un « arrêt temporaire » des régulations environnementales européennes, ce qui a provoqué des préoccupations à Bruxelles ainsi qu’auprès des défenseurs de l’environnement.
Intitulé « Une pause réglementaire européenne », Emmanuel Macron a estimé, devant les acteurs de l’industrie française, le 11 mai, que les normes environnementales de l’UE sont certes « les meilleures » et doivent être appliquées, mais qu’il ne faut pas en rajouter, en raison d’un besoin de « stabilité ». Cette déclaration a provoqué des réactions, notamment chez les écologistes. L’Elysée a précisé que le président ne demandait pas une suspension, mais l’exécution des décisions déjà prises. La Première ministre a également confirmé qu’il n’y a pas de pause dans l’ambition climatique de la France.
Macron a également mentionné lors de son discours, la nécessité de « réduire les émissions » de gaz à effet de serre, responsables du changement climatique, et de « décarboner l’industrie », selon le journal Libération. Voici pourquoi le terme de « pause » choisi par le président de la République soulève des inquiétudes :
1) Parce qu’il y a certes beaucoup de normes, mais qu’elles sont jugées nécessaires. Après la mise en place du Pacte vert de l’UE, plusieurs spécialistes ont reconnu que le droit européen en matière d’environnement est « bavard », entraînant des « normes mal rédigées, modifiées aussitôt votées ou purement symboliques » sans véritable « moyens » pour les appliquer. Mais, selon l’avocate et ancienne ministre de l’Environnement, Corinne Lepage, « si le Code [de l’environnement] a grossi, c’est parce que les questions environnementales ont pris de l’ampleur, que de nouvelles problématiques sont apparues telles que les OGM, les biotechnologies, les éoliennes ou la dangerosité des pesticides et que les normes en matière d’environnement et de santé sont logiquement de plus en plus sévères ».
2) Parce que le Giec met en garde contre tout « retard supplémentaire » : le ministre délégué chargé de l’Industrie, Roland Lescure, a expliqué sur France Info jeudi que pendant cinq ans, « on livre ce qu’on a prévu de livrer, et c’est déjà beaucoup, et on arrête d’en rajouter », mais cette pause de cinq ans est perçue par les militants écologistes comme une « pause » écologique, alors que la crise climatique bat son plein. Le Giec prévient que « tout retard supplémentaire dans l’action mondiale concertée et anticipée en matière d’adaptation et d’atténuation nous fera manquer la brève fenêtre d’opportunité que nous avons pour assurer un avenir viable et durable pour tous ».
3) Parce qu’un moratoire sur les réglementations est déjà en discussion au Parlement européen : une partie des textes-clés de l’UE sur le climat est toujours en cours de négociation et les propos du président ont été perçus par certains comme un alignement de la France sur les demandes de la droite européenne. Cette dernière réclame en effet « un moratoire » sur certains projets législatifs liés aux pesticides et à la restauration de la nature, craignant que cela ne pèse trop lourdement sur les agriculteurs et ne constitue une « menace » pour la sécurité alimentaire.
4) Parce que les engagements de l’Europe sont considérés comme encore insuffisants : en soulignant que l’UE est en avance en termes de réglementation par rapport aux États-Unis, à la Chine ou à toute autre puissance, Macron a présenté l’Europe comme le champion des normes pour la lutte contre le changement climatique et la protection de l’environnement. Toutefois, selon le Climate Action Tracker, organisme créé par une communauté d’experts évaluant les politiques climatiques, l’action et les promesses européennes ne suffisent toujours pas à maintenir le réchauffement mondial en dessous de 2°C, en référence à la dernière analyse en date de novembre 2022.
5) Parce que la décarbonation du secteur industriel est en cours : la déclaration devant les acteurs de l’industrie française a été interprétée par certains comme une « erreur de communication », avec par exemple Simone Tagliapietra, de l’Institut Bruegel, qui voit le risque de donner « implicitement un message erroné selon lequel les objectifs écologiques vont à l’encontre des objectifs industriels ».