Une étude récente a trouvé des traces d’un fongicide interdit dans la moitié des échantillons prélevés dans l’eau potable française, mais les autorités affirment que l’eau du robinet est potable
La présence généralisée d’un pesticide interdit récemment découvert dans l’eau du robinet en France ne présente pas de risque pour la santé, a déclaré le gouvernement.
Des métabolites du fongicide chlorothalonil, interdit en France depuis 2019, ont été retrouvés dans la moitié de l’eau potable prélevée dans une étude de l’Anses, à l’aide de nouvelles techniques.
Les autorités européennes classent le chlorothalonil comme cancérogène « suspecté », et son métabolite – un sous-produit de la dégradation du pesticide – le R471811 est classé par l’Anses comme « pertinent ».
Cela signifie qu’il y a des raisons de croire que ses propriétés sont comparables à celles de sa substance mère et qu’il est potentiellement nocif.
Un échantillon sur trois présentait des traces de R471811 supérieures à 0,1µg/L (microgrammes par litre), le maximum autorisé pour répondre aux normes de qualité de l’eau.
Le ministère de l’Ecologie a déclaré dans un communiqué partagé avec La Connexion: « A ce stade, la mission exploratoire de l’Anses, qui portait sur les années 2020 et 2021, a révélé des concentrations maximales de 2µg/L. »
Le seuil minimum pour être considéré comme un risque sanitaire étant de 3µg/L, « l’eau est non conforme mais ne représente pas un risque sanitaire ».
Le ministère de la Santé reste vigilant
« Le ministère de la Santé reste particulièrement vigilant et va mettre en place des mesures plus régulières du chlorothalonil et de ses métabolites, pilotées par les agences régionales de santé. »
Selon des informations publiées par l’Anses en 2017, quelque 39 produits à base de chlorothalonil étaient autorisés en France, pour divers usages dont le blé, la pomme de terre et les fruits.
L’Anses a analysé des prélèvements de points d’eau de France et d’outre-mer représentant environ 20 % de l’eau distribuée.
Il a testé 157 pesticides et métabolites : 89 ont été détectés au moins une fois dans de l’eau non traitée et 77 dans de l’eau traitée.
Toutes les régions de France concernées
Toutes les régions de France sont concernées, mais les plus fortes concentrations de pesticides et de métabolites dans les eaux traitées ont été relevées dans les Hauts de France et la Bourgogne.
Les résultats de l’étude mettent en évidence l’incapacité des systèmes de traitement de l’eau à filtrer les métabolites.
L’amélioration nécessitera des investissements à grande échelle, affirme l’association environnementale Générations Futures, qui estime que ce devrait être aux pollueurs de payer la facture.
Le porte-parole de l’association, François Veillerette, a déclaré : « Nous savons depuis 2006 par la Commission européenne que le chlorothalonil a la capacité de produire des métabolites en grande quantité.
Pourtant, aucune recherche significative sur la toxicité de ces métabolites n’a été menée et nous n’avons commencé que très récemment à les rechercher dans l’eau.
Le ministère de l’Ecologie a déclaré que les résultats de l’étude renforcent la nécessité de réduire la dépendance de la France aux pesticides.
« Il faut agir »
« Il faut agir pour que les agriculteurs ne se retrouvent pas dans une impasse technique et économique, comme cela a été le cas récemment avec le S-métolachlore et les Néonicotinoïdes », a-t-il déclaré.
Le S-métolachlore est l’un des herbicides les plus utilisés en France.
En février, l’Anses avait annoncé son intention de retirer l’autorisation de ses principaux usages, car « dans les tests d’eau potable, les métabolites du S-métolachlore ont fréquemment été détectés à des concentrations dépassant les normes de qualité ».
Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a récemment déclaré son opposition à une interdiction nationale, arguant que la France devrait attendre que les autorités européennes se prononcent sur la question, afin de ne pas fausser la concurrence en matière de production alimentaire.
Environ les deux tiers (68 %) des Français boivent régulièrement de l’eau du robinet (chiffres 2021).
Environ 48 % achètent de l’eau en bouteille.