Le futur chef de la Conférence climatique des Nations Unies, qui aura lieu à Dubaï, est également le directeur général de la société nationale de pétrole d’Abu Dhabi. Il s’efforce activement de se présenter comme un protecteur de l’environnement.
Le 7 juin, Sultan al-Jaber, président de la prochaine conférence climat de l’ONU et PDG de l’Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC), a reconnu pour la première fois la nécessité de réduire les énergies fossiles. Cette déclaration intervient alors que la Conférence de Bonn en Allemagne se termine la semaine prochaine, préparant ainsi le grand sommet de novembre et décembre à Dubaï. La nomination d’al-Jaber a été scrutée de près depuis janvier, en raison de sa position au sein de l’un des principaux groupes pétroliers mondiaux et de son rôle de ministre de l’Industrie et de la Technologie innovante.
Faux profils et greenwashing
Le journal britannique The Guardian a récemment accusé al-Jaber de « greenwashing » sa page Wikipedia. Un anonyme a demandé aux éditeurs de retirer une référence à un article du Financial Times critiquant ses activités pétrolières et de préciser que sa compagnie utilise ses bénéfices pour « investir dans les technologies de captage du carbone et les carburants verts ». Une autre suggestion de retrait anonyme concernait un accord de 4 milliards de dollars signé en 2019 avec les géants américains de l’investissement BlackRock et KKR pour développer des oléoducs. L’anonyme a fini par admettre être payé par l’ADNOC.
Selon The Guardian, le responsable marketing de la COP28, Ramzi Haddad, a ajouté plusieurs citations à la page d’al-Jaber, le décrivant, par exemple, comme « le premier PDG à la présidence de la COP ayant joué un rôle clé dans la voie à suivre pour le pays en matière d’énergie propre ». Haddad aurait également écrit: « Il est le genre d’allié dont le mouvement climatique a besoin ». The Guardian a également révélé qu’une armée de faux comptes sur les réseaux sociaux aurait multiplié les publications pour redorer l’image d’al-Jaber, citant l’enquête d’un spécialiste du Moyen-Orient, Marc Owen Jones.
Vu comme un réformateur aux Émirats arabes unis
Al-Jaber a été choisi par les Émirats arabes unis pour présider la COP28 en raison de son parcours un peu plus « vert ». Ahmed al-Jaber, son nom de naissance, est considéré dans son pays comme un réformateur. Il a étudié aux États-Unis, où il a obtenu un diplôme de chimie en Californie et un MBA à Los Angeles, puis en Angleterre où il a obtenu un doctorat en économie à Coventry. Ses études ont été financées par une bourse de l’ADNOC. Il a ensuite occupé divers postes, notamment à la tête du port d’Abu Dhabi et de l’Agence publique des activités médiatiques. En 2006, il a fondé la société d’énergie renouvelable Masdar, qu’il préside depuis 2014. L’objectif de cette entreprise est de développer sa capacité d’énergie propre à 100 GW, ce qui en ferait le deuxième plus grand investisseur dans les énergies renouvelables au monde, tout en visant la neutralité carbone pour les Émirats arabes unis en 2050.
Cependant, en tant que patron de l’ADNOC, al-Jaber a également cherché à augmenter la production de pétrole brut de 3 millions de barils par jour en 2016 à 5 millions d’ici 2030.
Un interlocuteur privilégié auprès de l’ONU
Al-Jaber est depuis longtemps le référent émirati auprès de l’ONU. En 2009, Ban Ki Moon, alors secrétaire général, l’avait nommé à son groupe consultatif sur l’énergie et le changement climatique. Ils avaient publié un important rapport l’année suivante. Au même moment, al-Jaber avait obtenu l’installation du siège de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) à Abou Dhabi, alors qu’il était PDG de Masdar.
Lors de sa nomination comme président de la COP28 en janvier dernier, sa double casquette a provoqué l’indignation des ONG. Récemment, une centaine d’élus européens et américains ont demandé qu’il soit destitué. The Guardian s’est rendu compte, en envoyant un courriel aux organisateurs de la COP28 pour les interroger sur le risque de conflits d’intérêts, qu’ils partageaient le même serveur informatique avec la compagnie pétrolière. Pour l’eurodéputée française Manon Aubry, « c’est comme si une multinationale du tabac supervisait le travail interne de l’OMS ».