L’administration s’est fixé un délai d’un mois pour aboutir à un consensus concernant la refonte de l’immigration en collaboration avec le parti Républicain, dont les suffrages sont essentiels pour l’adoption du document.
La réforme des retraites à peine terminée, le gouvernement français se confronte à un nouveau défi: obtenir une majorité pour adopter sa réforme sur l’immigration. Pour ce faire, les macronistes se tournent vers Les Républicains (LR), majoritaires au Sénat et dont les 59 sièges à l’Assemblée nationale pourraient permettre de faire adopter le texte. La politique migratoire sera discutée par le président du parti, Eric Ciotti, lors des États généraux du mouvement, organisés le 17 juin à Paris. Sur ce sujet fondamental pour la droite, les LR cherchent à obtenir un durcissement de la réforme.
Depuis fin mai, Gérald Darmanin, chargé par l’exécutif de mener des concertations avec la droite, a multiplié les rencontres avec des parlementaires LR. Le cabinet du ministre de l’Intérieur a annoncé que l’objectif est de trouver un accord avant la pause estivale, soit d’ici le 14 juillet. Cependant, parvenir à un consensus pourrait s’avérer difficile, car LR a placé la barre très haut. Le sénateur centriste Philippe Bonnecarrère, corapporteur du projet de loi du gouvernement au Sénat, a prévenu que « LR place très haut le niveau de ses enchères ».
La régularisation des sans-papiers, une « ligne rouge »
Lors de l’examen en commission des lois au Sénat le 15 mars, LR a réussi à durcir la réforme en resserrant les critères du regroupement familial et en renforçant le contrôle de l’immigration étudiante. L’aide médicale d’État (AME) a également été transformée en une aide médicale d’urgence uniquement. Désormais, le parti souhaite abandonner la proposition d’un titre de séjour pour les immigrés travaillant dans des secteurs en tension, comme la restauration ou l’hôtellerie.
Mais le gouvernement est attaché à un certain équilibre de son texte, qui prévoit à la fois de renforcer les expulsions, notamment pour les étrangers condamnés, et de faciliter les régularisations de sans-papiers. Cependant, la régularisation des étrangers travaillant dans des métiers en tension est un point de désaccord majeur entre LR et le gouvernement.
Eric Ciotti et ses troupes ont déjà annoncé qu’ils ne soutiendront pas la réforme si l’exécutif ne renonce pas à cette mesure. Le sénateur François-Noël Buffet a confirmé qu’il avait dit à Gérald Darmanin que « ce n’était pas discutable ».
La menace d’une motion de censure
Pour mettre la pression sur le gouvernement, LR a déposé deux propositions de loi (une ordinaire et une constitutionnelle) contenant sa propre réforme. Si cette réforme comporte des points communs avec celle du gouvernement, notamment parce que ce dernier s’est inspiré des travaux de la droite pour s’assurer de son soutien, elle va plus loin en proposant de s’affranchir des règles et traités européens en matière migratoire. Une ligne rouge pour Matignon.
La Première ministre, Elisabeth Borne, a cependant envoyé des signes d’ouverture, en indiquant jeudi 16 juin au Figaro qu’elle était prête à « discuter » des « modalités » de régularisation des sans-papiers travaillant dans des métiers en tension. Le gouvernement pourrait ainsi accepter d’augmenter la durée de résidence requise de trois à sept ans et de restreindre la régularisation aux travailleurs en CDI payés 1,5 fois le smic.
Certains s’interrogent tout de même sur les véritables intentions de la droite. Un parlementaire centriste s’est demandé si LR souhaite véritablement obtenir des concessions ou si elle ne veut pas d’un accord. Il souligne également le risque pour la droite de perdre son identité si elle supporte la réforme, car elle ferait alors partie de la majorité. Dans tous les cas, il est clair que la question de l’immigration est un enjeu majeur pour la droite, tant pour rassembler ses troupes que pour préparer les élections européennes de 2024 et la présidentielle de 2027.
Le chemin est donc étroit pour le gouvernement, qui doit aussi composer avec l’aile gauche de la majorité, comme le député de la Vienne Sacha Houlié, qui défend le droit de vote des étrangers aux élections municipales. « Le gouvernement est coincé entre son aile gauche et son aile droite, il essaie de trouver une majorité introuvable. Darmanin utilise tous les moyens de la séduction, mais ça peut durer indéfiniment », constate Julien Aubert, vice-président de LR.
En conclusion, bien que l’issue des négociations sur la politique migratoire puisse sembler incertaine, LR espère tirer profit de ses prises de position sur ce sujet, tant auprès de l’opinion publique qu’en interne.