Près de deux décennies se sont écoulées, et les critiques ne cessent de croître concernant la décision de l’État de privatiser les sociétés autoroutières, ce qui s’est avéré être une mauvaise opération. Quelle est l’opinion de Dominique de Villepin, à l’origine de cette initiative en 2005 ? Dans un extrait de « Complément d’enquête », l’ex-chef du gouvernement sous la présidence de Jacques Chirac admet quelques fautes dans la conception des contrats conclus avec les titans de la construction.
De multiples documents officiels, émanant de différentes institutions comme la Cour des comptes ou l’Inspection générale des finances, signalent que l’Etat a conclu des contrats défavorables lors de la privatisation des entreprises autoroutières. « Les citoyens français ont subi un tort à deux reprises : en tant que contribuables il y a environ deux décennies, et chaque jour en tant qu’usagers de la route« , résumait le rapport d’investigation du Sénat en 2020. Les sénateurs proposaient même de « ne pas étendre la durée [des] concessions » et de redéfinir « le contexte contractuel », c’est-à-dire de discuter à nouveau des termes du contrat avec les opérateurs d’autoroutes.
Cependant, les contrats conclus en 2006 ne rendent pas cela possible, selon l’ex-rapporteur général du Budget, Gilles Carrez. Il figure parmi ceux qui jugent ces contrats « ont été stipulés de manière inéquitable ». Dans un entretien accordé à l’équipe de « Complément d’enquête », l’ex Parlementaire UMP indique que l’Etat n’a pas inclus une clause « de retour à meilleure fortune » durant la période, assez étendue, des concessions. Il pense par exemple qu’en cas de diminution des taux d’intérêt, « l’Etat, en tant que concédant, aurait dû bénéficier d’une part de ce bonus », ce qui « n’a pas été pris en compte », déplore Gilles Carrez.
« Des accords trop étendus » et sans clause de révision
Quelle est l’opinion de celui qui a paraphé ces contrats au nom du gouvernement, il y a près de vingt ans ? Dans « Complément d’enquête », Dominique de Villepin esquisse un début d’aveu. L’ancien chef du gouvernement admet « des contrats excessivement longs » et dénonce l’absence d’une « clause de révision » qui par exemple, aurait pu limiter un paiement excessif de dividendes aux actionnaires des entreprises d’autoroutes. Dans ces conditions, l’ex Premier ministre Dominique de Villepin sait bien qu’il sera difficile d’occulter la mention « autoroutes » de son bilan de Premier ministre.
Malgré tout, il assume et justifie son choix. « Non, les entreprises d’autoroutes n’ont pas été bradées », affirme-t-il. Selon lui, en les vendant pour un peu plus de 14 milliards d’euros, l’Etat a conclu un bon marché qui a permis à la France de réduire sa dette.
Extrait de « Péages, superprofits : nos autoroutes (trop) coûteuses », un rapport à découvrir dans « Complément d’enquête » le 29 juin 2023.