Un rassemblement de protestataires contre le plan de construction d’un tunnel ferroviaire entre Lyon et Turin est programmé pour le samedi 17 juin. La préfecture de la Savoie a cependant décidé d’interdire cette manifestation.
Aujourd’hui, nous nous rendons dans les Alpes, où un serpent de mer doit un jour se faufiler à travers la montagne dans un train à grande vitesse, entre Lyon et Turin. Il s’agit d’un projet né dans les années 80 et prévu pour le début des années 2030. Pour le moment, aucun tracé officiel n’a été défini. Une manifestation des opposants est prévue pour aujourd’hui, bien qu’elle soit interdite par la préfecture. Un rassemblement de soutien a eu lieu plus tôt cette semaine. Le sociologue Jean Viard décrypte la situation.
franceinfo : Voici un autre grand projet d’infrastructure qui génère des conflits, n’est-ce pas ?
Jean Viard : Oui, il s’agit d’un projet qui prévoit de faire passer 250 trains par jour sur une distance d’environ 160 kilomètres. Donc, il ne s’agit pas seulement d’un tunnel, mais aussi de toute l’infrastructure d’accès et deux tunnels en réalité. En fait, il y a un tunnel en France, qui fait un peu plus de 40 kilomètres, et un tunnel en Italie qui mesure un peu plus de 10 kilomètres. C’est un projet énorme, comparable au tunnel sous la Manche, avec le même objectif : relier le nord de l’Italie, une région très industrialisée, à la France, et notamment à l’agglomération lyonnaise.
Il convient également de mentionner que, à l’heure actuelle, deux vallées sont constamment encombrées par des camions toute la journée : la Maurienne et la vallée de l’Arve. Ainsi, les habitants de ces zones s’opposent au projet de TGV qui empiéterait sur leur territoire et défigurerait les paysages. D’un autre côté, d’anciens leaders du mouvement de Notre-Dame-des-Landes s’opposent également à ce projet.
Il existe différentes approches pour lutter contre le changement climatique. Certains préconisent une écologie de la décroissance, sans grands projets et axée sur le local, tandis que d’autres soutiennent une écologie du progrès, remplaçant les camions par des trains et développant des infrastructures ferroviaires.
En début de semaine, l’élue écologiste Sandrine Rousseau affirmait que les infrastructures de transport de fret ferroviaire existantes pourraient suffire. Cependant, les opposants au projet de Lyon-Turin estiment que les travaux de forage de dizaines de kilomètres de galeries détruiront la montagne et auront un impact sur les ressources en eau, tandis que les défenseurs du projet soutiennent qu’il n’y a rien de plus écologique que de réduire le trafic routier.
Les deux visions sont-elles irréconciliables ?
Elles ne sont peut-être pas irréconciliables, mais il est évident que ce projet des années 80, où l’on voulait construire des grands projets partout, suscite des tensions. Certains de ces projets se réaliseront, d’autres pas, et c’est à la régulation politique de trancher. Cependant, il est important de noter la montée de la violence dans ce débat, ce qui pose un réel problème.
Environ 4000 personnes sont attendues pour protester, dont 400 à 500 éléments radicaux, avec notamment le mouvement « Soulèvements de la Terre », qui prône la désobéissance civile et des actions choc. Le gouvernement souhaite dissoudre ce groupe le plus rapidement possible.
Comment cette décision est-elle accueillie en France, alors que la lutte contre le changement climatique doit être l’affaire de tous ?
La lutte contre le changement climatique ne leur appartient pas, tout le monde doit s’engager, et c’est d’ailleurs ce qui se passe. Mais il est vrai que l’activité humaine comporte des failles, et pour chaque problème, il y a différentes façons de le résoudre. Il est normal de remettre en question certains projets, d’ouvrir le débat et d’accueillir les opinions divergentes. La société ne peut pas se dresser contre les agriculteurs, car ce serait contre-productif.