Une semaine s’est écoulée depuis la mort tragique de Nahel, 17 ans, suite à une intervention policière lors d’un contrôle de la circulation, des actes de violence ont éclaté dans nombre de villes et de quartiers. Particulièrement à Viry-Châtillon, dans le département de l’Essonne, la tension est toujours palpable parmi les jeunes.
Dans les rues de Viry-Châtillon, en Essonne, les véhicules incendiés sur le côté des routes et les intersections couvertes de bitume noir témoignent encore des violences qui ont sévi la semaine dernière. Yassine, un jeune de 22 ans habitant près de la Maison des jeunes et de la culture, rapporte son vécu de cette semaine tumultueuse : « Des camions et des voitures ont été incendiés. J’étais là, j’observais et je filmais. »
Yassine n’a pas participé à ces débordements, mais entend la colère des autres jeunes, impactés par l’affaire Nahel : « C’était peut-être le contrôle de trop, l’abus de trop, dont beaucoup sont passé inaperçus. Mais cette fois, ça a été filmé. Ça a ravivé la colère des quartiers. » Samir, un autre jeune du quartier, partage son ressenti. Bien qu’il ait aussi évité les conflits, il peut comprendre ceux qui se sont laissés emporter par la colère : « Quand on ne nous écoute pas malgré nos revendications, on finit par vouloir frapper là où ça fait mal. Cela dit, je n’approuve pas l’attaque de pharmacies et d’écoles. »
« Ils auraient dû se rendre à Paris dès le début et y faire du bruit. »
Samir, jeune de Viry-Châtillonà 42mag.fr
Malik, quant à lui, est déçu par ce qu’il a vu ces derniers jours sur les réseaux sociaux. Pour lui, ces jeunes ont détourné « la cause de Nahel. » « Je ne dis pas qu’il ne faut pas manifester son mécontentement, mais de la bonne manière. On aurait dû se comporter comme en 2005 lors du drame de Zyed et Bouna. Ils se battaient pour ces deux jeunes décédés. Nous, on n’a l’impression que c’est plus pour l’attention des réseaux sociaux. » Malik pense qu’il faut plutôt se focaliser sur l’Etat, pas sur les biens privés.
Pour tout le monde, la source des problèmes est la police. Elle incarne la principale cause de la colère, plus encore que l’affaire Nahel. Malik partage son vécu : « Des policiers m’ont déjà dit ‘Retourne dans ton pays’. » et précise rapidement : « Mais mon pays, c’est la France.«
Samir ajoute : « Certains policiers sont agréables, on n’a pas de souci avec eux. Avec d’autres, par contre… Même un simple ‘Bonjour’ semble les déranger, comme s’ils étaient sur la défensive. » Yassine, de son côté, revient sur l’agression de certains de ses amis par la Bac : « Ils n’avaient rien fait de mal. » Mais ces jeunes insistent : ils n’ont pas de problème avec la majorité des forces de l’ordre.
Une cagnotte qui suscite l’indignation
Un autre facteur d’exaspération se dégage depuis quelques jours : la cagnotte en ligne pour soutenir le policier qui a tiré sur Nahel, qui dépasse maintenant le million d’euros. Cette démarche irrite Mélissa, une autre résidente de la ville : « Les donneurs cautionnent, à mon avis, le fait que ce policier ait pris la vie d’un enfant », clame-t-elle. « C’est un moyen de lui dire : ‘Ne t’en fais pas, même si tu es en prison maintenant, on t’a même amassé un million pour que tu puisses vivre’. »
Malgré le climat tendu qui persiste, les nuits sont devenues plus paisibles. D’après ces jeunes, cela est principalement dû à la présence massive des forces de l’ordre qui dissuadent toute velléité. Ludovic, coordinateur jeunesse à la MJC, attribue aussi ce calme à l’intervention des mères de famille qui ont appelé à l’apaisement : « Elles ont su convaincre leurs enfants de se retirer du conflit en parlant avec eux. Elles nous ont sollicités aussi en tant qu’organisme social pour aider ces jeunes. Il reste néanmoins beaucoup à faire pour apaiser durablement la situation. »
Plaidoyer pour une meilleure formation des policiers
Beaucoup à Viry-Châtillon appellent à un investissement conséquent de l’Etat dans les quartiers défavorisés et sévèrement touchés par la pauvreté. Malik est sceptique à ce sujet, car « ça sera toujours la même rengaine ». Mélissa propose néanmoins des solutions pour améliorer le recrutement et la formation des policiers. « Les examens doivent être plus rigoureux, pour déterminer si une personne est réellement apte à exercer le métier de policier ou si elle est juste attirée par l’aspect armement et finira simplement par frapper et tuer… Les policiers doivent mieux apprendre à gérer leur stress. »
Pour ces jeunes, si rien n’évolue, les émeutes reprendront. Le verdict de la justice sera également déterminant. Mélissa, Malik, Samir et Yassine sont convaincus que le policier responsable de la mort de Nahel n’écopera d’aucune sanction. « C’est toujours la même histoire. Deux poids, deux mesures », remarquent-ils tous en cœur.